Le marché du carbone est-il un scandale écologique ?

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màj en mai 2022
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Le marché du carbone est l’un des plus importants leviers dont dispose l’Union Européenne pour baisser les émissions de gaz à effet de serre des entreprises. Mais son fonctionnement reste à comprendre. En effet, ses rouages et ses répercussions sont méconnus du grand public. Quel est le prix du carbone ? Quelle différence vis-à-vis de la taxe carbone ? On s’est penché sur ce marché pas tout à fait comme les autres, que certain.e.s qualifient de « droit à polluer ». 

Tout savoir sur le marché du carbone en moins d'une minute.

Comment fonctionne le marché du carbone ?

Comprendre le marché du carbone

En bref, le marché du carbone a pour but de limiter les émissions de gaz à effet de serre via des quotas d'émissions, qui peuvent être échangés. Voilà en une phrase, l'objectif de ce marché. Chaque participant soumis au marché, doit, à la fin de l'année, restituer autant de quotas que de CO2 émis dans l'atmosphère.

On vous explique cela plus en détail 👇

Un modèle : le marché financier

Sur le marché du carbone, une entité publique (l'Union européenne, un État, des Régions) fixe aux entreprises les plus polluantes un plafond d'émission de gaz à effet de serre. Ce plafond doit être plus bas que leur niveau d'émission à l’instant T. Puis, elle leur distribue des quotas d'émission, encore appelés crédits carbone, correspondant à ce plafond

A la fin de la période, les entreprises concernées doivent démontrer à l’autorité publique qu’elles sont dans les clous, c’est-à-dire qu’elles ont respecté le  plafond d’émissions de leur allocation. Pour cela, elles doivent rendre un volume de quotas équivalent à leur volume d'émissions sur la période

Les entreprises qui ont émis plus de gaz à effet de serre que le niveau autorisé dans leur allocation doivent acheter les quotas qui leur manquent sur le marché. Celles qui en ont émis moins que leur allocation, peuvent vendre les quotas dont elles n'ont pas besoin sur ce même marché. Ce système vise la réduction des émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique.

Schéma marché du carbone

🖐 Aussi appelés systèmes d’échange de quotas d’émissions ou système de permis d’émissions négociables (Emissions Trading Schemes – ETS), les marchés carbone sont définis comme des “ outils réglementaires” d’après le Ministère de la transition écologique

Quels quotas pour quel prix ? 

L'unité d'échange, le quota, équivaut à 1 tonne de carbone. Concrètement, quand une entreprise achète un quota de droits d’émissions de GES, elle achète le « droit de polluer » une tonne de CO2. 

Chaque quota, c’est-à-dire chaque tonne de carbone, a un prix. Celui-ci dépend de la quantité de quotas émise par l'entité publique. Moins elle distribue de quotas par rapport aux émissions, plus les entreprises doivent réduire leurs émissions ou acheter des quotas. 

Le prix s'établit ensuite grâce aux échanges entre les acteurs du marché, au niveau d'équilibre entre l'offre et la demande de quotas. Comme sur les marchés financiers. Ainsi, plus le prix augmente, plus il coûtera cher à l’entreprise d’émettre des GES. Le prix reflète ainsi le degré d’implication d’une politique climatique. 

Marché du carbone : émettre des GES a un coût

Quelle est la différence entre marché du carbone et taxe carbone ?

La - mal nommée - taxe carbone est payée par les artisans, les petites entreprises et les particuliers. Elle émet un « signal-prix » en augmentant le coût de la production et de la consommation des énergies les plus polluantes (pétrole, gaz naturel et charbon) dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Son principe est simple : plus un produit émet de gaz à effet de serre, plus il est taxé. C’est le principe du « pollueur-payeur ». Il ambitionne de modifier les comportements, non pas en interdisant des produits, mais en augmentant progressivement leur coût.

Le marché du carbone en Europe

Chiffres et fonctionnement

L’Europe est le plus gros marché du carbone au monde. Créé en 2005, il concerne les installations industrielles d’une capacité de 20 MW ou plus. Ainsi, plus de 11 000 installations fixes sont couvertes par le système européen d’échange de quotas. Cela couvre près de 50% des émissions de gaz à effet de serre de l’UE. On retrouve les secteurs qui émettent le plus de gaz à effet de serre, tels que la production d’électricité, l’industrie (sidérurgie, fabrication de ciment, chimie...) et depuis 2012 l’aviation. En France, 1 000 installations sont concernées, des sites qui appartiennent à EDF, Total, ArcelorMittal ou encore Solvay.

Dans le détail, ce n’est pas l’Union européenne qui fixe les plafonds d’émission de GES des entreprises, mais chaque pays, en fonction de ses engagements pris lors du protocole de Kyoto

Marché du carbone : Fixer le plafond des quotas européens

Une fois le plafond établi, les État allouent leurs quotas d’abord par secteur (industries, producteurs d’énergie…) et ensuite par site industriel ou par entreprise, selon les émissions des acteurs les plus verts du secteur. Enfin, la Commission européenne valide leur allocation.

Une directive européenne indique que les recettes des enchères de quotas doivent être injectées dans des mesures environnementales à au moins 50%. Les États membres perçoivent donc des revenus utiles aux politiques environnementales. Permettant de financer par exemple des politiques de développement des énergies renouvelables ou de rénovation énergétique. 

En 2015, 12 % des émissions mondiales ont été couvertes par une tarification du carbone.

Un marché européen qui tarde à monter en puissance 

En 2005, les responsables politiques européens ont eu peur qu’un plafond d’émissions trop strict ne handicape les industries européennes. Ils ont donc alloué une quantité généreuse de quotas aux entreprises, ce qui a fait chuter le prix d’émission à... 0€ en 2007. Il a alors été plus avantageux pour les entreprises d’acheter des quotas supplémentaires, plutôt que de réduire leurs émissions. La crise de 2008 a elle aussi maintenu le prix du carbone très bas en réduisant la production et donc les émissions de GES.

Il a fallu agir. À partir de 2013, les pays membres arrêtent l’allocation gratuite de quotas aux entreprises. En 2019, elle enlève du marché le surplus de quotas pour garantir un prix minimum. Et les résultats sont là : une augmentation quasi constante depuis 2018, de 7€ à plus de 28€ en mai 2020. 

🖐 Un rapport du think tank Carbon Tracker en 2018 révèle qu’en un an, le prix du carbone sur le système communautaire d'échange de quotas d'émission (SEQE) de l’UE a augmenté de 310 %. 

Mais c’est depuis janvier 2021 que tout s’accélère. Le prix du carbone sur le marché enchaîne les records. En avril, la tonne est à plus de 44 euros. Cette hausse très rapide est alimentée par la spéculation des hedge funds et des fonds de pension (nous sommes bien sur un marché financier), mais aussi (et heureusement) par la remontée des objectifs réduction de gaz à effet de serre de l'Union européenne. 

En 2019, les émissions de GES des sites industriels couverts par le marché du carbone ont baissé de 8,7 % par rapport à l'année précédente selon la Commission européenne.

L’avenir (à court terme) du marché européen du carbone

Le futur commence dès 2021. Jusqu’alors le volume de quotas sur le marché baissait de 1,71% par an. Cela correspondait à une diminution de 38 millions de tonnes de carbone chaque année. Désormais, la baisse est de 2,2 % en moyenne, soit 48 millions par an. Anecdotique ? Pas vraiment. Avec cette augmentation, l’Union Européenne force les entreprises à baisser leurs émissions. En effet, il n’y aura plus assez de quotas pour couvrir l’ensemble des émissions des 11 000 sites industrielles concernées par le marché du carbone.

L’élargissement des entreprises concernées par le marché du carbone est également en discussion à Bruxelles. Deux secteurs ont un fort impact sur le climat ne font toujours pas partie du marché. Il s'agit du fret maritime et de l’agriculture. Il en va de même pour le transport en général et le chauffage à domicile, soumis à la taxe carbone

Marché du carbone  : le transport, un fort impact sur le climat

Enfin, et la France milite en ce sens, les pays européens discutent de la mise en place d’un prix plancher pour le carbone. Cela permettrait d'éviter l’effondrement du prix du carbone. À noter que cette mesure a été mise en place en 2011 au Royaume-Uni. S’en est suivi une accélération de la sortie du pays du charbon.

Le marché du carbone dans le monde

L’Europe n’est pas la seule région du monde à avoir mis un tel système en place. Il existe une trentaine de marchés du carbone ou système d’échange de quotas en 2021.

La Chine en a notamment mis en place le 1er février 2021 sur son territoire. Inspiré du modèle européen, ce marché devrait couvrir le tiers des GES. Il deviendra rapidement le plus grand marché mondial du carbone. Rappelons que le pays s’est fixé comme objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2060. Quand on sait que le pays est responsable du tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre et qu’aucune restriction n’existait jusqu’alors, on peut estimer que c’est un bon début.

Des provinces canadiennes dont le Québec et une dizaine d’Etats américains (oui !) ont appelé le leur Western Climate Initiative. La Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud et prochainement le Royaume-Uni (Brexit oblige) ont également un système d’échange de quotas. 

En 2015, 12 % des émissions mondiales ont été couvertes par une tarification du carbone (taxe ou marché). Depuis que la Chine a son propre marché, ce chiffre dépasse aisément les 30%.

Émissions de gaz à effet de serre et marché du carbone

C’est une bonne nouvelle : cela coûtera de plus en plus cher d’émettre des gaz à effet de serre. Le « droit à polluer », qui existait lorsque le prix du carbone ne dépassait pas les 5€, tend à disparaître grâce aux actes politiques forts de Bruxelles.


Aussi, le marché européen du carbone montre la voie à des pays qui, comme la Chine, se sont lancés dans des programmes de réduction très ambitieux. On attend désormais la réaction d’autres pays comme les Etats-Unis, la Russie, l'Australie ou encore le Brésil, des pays, sans qui le marché du carbone restera un des leviers et non pas le levier le plus efficace.

Mathieu Brand
Journaliste indépendant spécialisé dans la transition écologique
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