Décroissance festival : fin juillet, une fête « d’utilité publique »

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màj en septembre 2024

« Faire résonner la fierté du peuple de la décroissance », voilà l’objectif du Décroissance festival, qui revient fin juillet avec une seconde édition pour « rêver en grand » la vie loin des sirènes de la sacro-sainte croissance. Entretien avec Christian Senelier, président de l'association organisatrice, et Nina Géron, bénévole en charge de la coordination des équipes, pour revenir sur la genèse de l’événement, sa programmation, et ses valeurs. 

Comment est née l’idée d’un festival entièrement dédié à la décroissance ? 

Christian : Le Décroissance festival est né au lendemain des élections présidentielles de 2022. Deux ans plus tôt, on avait pu observer une véritable poussée de l’écologie à l’occasion des élections municipales, et on était très fiers de ça. Mais quand sont tombés les résultats de l’élection présidentielle, patatra, l’écologie a fait un résultat très médiocre. Alors avec un groupe d’à peine une dizaine de copaines, on s’est dit « il faut qu’on fasse un truc ». 

Pourquoi un festival, et pas un cycle de conférences, un livre, ou une expo ?

Nina : Quand on parle politique, on entend souvent des sujets négatifs : on ressasse des scores électoraux décevants, des actualités ou des projets de société pessimistes. Ce qu’on voulait nous, au contraire, c'était redonner de l’espoir. Et redonner de l’espoir, ça passe par le collectif, le faire-ensemble, la culture, les arts... C’est comme ça qu’on a décidé de créer un temps de rencontre joyeux, sous la forme d’un festival. Notre objectif, c’était de susciter des rencontres tout en proposant une réflexion de fond collective.

Christian : Au départ, l’idée était de proposer une expérience de la décroissance qui soit festive donc, avec des concerts, mais aussi pratique : avant de penser aux conférences, on a imaginé des ateliers de partage d’expériences, du concret. Puis on s’est dit que les gens avaient aussi besoin d’en apprendre plus sur la décroissance. Alors on a conçu un programme de conférences avec des penseurs et penseuses de la décroissance, pour couvrir cinq grands thèmes : faire main, ressentir, s’arrêter, penser et jouer. 

Le sujet de la décroissance est extrêmement touffu, comment avez-vous construit la programmation ? 

Christian : L’an dernier, c’était notre première édition, donc on a repris le sujet à sa racine. D’abord avec du contexte et des définitions : De quoi parle-t-on quand on parle d’urgence écologique ? Qu’est-ce que l’anthropocène ? Pourquoi notre société actuelle est-elle destructrice pour le vivant ? etc. 

On a abordé la question de la décroissance très simplement : pourquoi on en a besoin, quelle forme prend-elle concrètement, tout en croisant des sujets variés comme le pouvoir d’achat, la bifurcation, l’éco-féminisme, le vivant, les low-tech..

Nina : Cette année, on reprend le ba-ba de la décroissance, et on pousse le sujet plus loin. On aborde aussi des sujets qui n’avaient pas été traités l’an passé, comme le rapport du sport à la décroissance, la question du travail et du temps disponible, les imaginaires de la décroissance, les écolieux, l’énergie, les raisons du backlash anti-écolos, etc. 

On a aussi ajouté de la danse et du théâtre, et on va avoir la visite de deux associations très importantes : Alternatiba, qui passe au festival pendant son tour 2024, mais aussi l’association des collapsologues Adrastia, avec une programmation de conférences spécifique conçue avec eux, histoire que celles et ceux qui pensent l’effondrement rejoignent celles et ceux qui pensent la suite. 

À qui s’adresse l’événement ? Quel est le profil des festivalier·es ? 

Christian : Il y a des habitués, et des connaisseur·ses du sujet, mais aussi beaucoup de curieux·ses, des personnes qui ont envie de se renseigner avant de franchir le pas. Toute l’année, je reçois des témoignages d’habitant·es que je croise au marché et qui me disent : « j’ai découvert ça au festival » !

Nina : Il y a aussi des personnes qui sont touchées par de l’éco-anxiété. Nous avons donc mis en place des cercles de parole pour aborder les sujets durs, et sortir la tête de l’eau collectivement. 

Rassembler les têtes pensantes de la décroissance dans la petite bourgade de Saint-Maixent-l’École (6 500 habitants), c’était un pari risqué ?

Nina : Peut-être, mais finalement, nous qui pensions ne recevoir que 150 festivaliers et festivalières, on en a accueilli 7 000 dès la première édition ! 

Christian : Plusieurs lieux avaient été envisagés, mais Saint-Maixent-l’École a été retenu car la ville a pas mal d’avantages. Au-delà de sa gare TGV qui la place à 2h environ de la capitale en train – ce qui est bon pour le bilan carbone de l’événement –, c’est une ville qui a le mérite d’avoir une mairie verte, qui nous a accueilli les bras ouverts. Ça n’aurait pas été le cas dans beaucoup d’autres villes ; en réalité, on est un festival qui fait peur. 

Avez-vous eu des difficultés à faire venir des intervenant·es ? Ou est-ce finalement relativement facile d’inviter à se décentraliser des penseurs·ses de la décroissance ?

Christian : Dès qu’on a convaincu les premiers noms, il y a eu un effet d’emballement. Les intervenant·es ont été séduit·es par l’idée de participer au tout premier festival de France – et même d’Europe – 100% dédié à la décroissance, sur trois jours complets. Car l’événement a vocation non seulement à rassembler le peuple de la décroissance, mais aussi à le construire. 

Nina : Ici, ce qui marche contrairement à des modèles de conférences à la journée, c’est qu’on leur propose de rester les trois jours, et d’intervenir plusieurs fois. D’ailleurs, les intervenant·es ne sont pas des VIP mais des festivalier·es comme les autres. Ils·elles mangent et boivent au même endroit que tous·tes les participant·es, et on peut y croiser Timothée Parrique dans les allées ! Ils·elles sont plus enclin·es à venir du fait de cette posture d’humilité : ici, c’est l’assurance de participer à un vrai moment de construction de société. 

N’avez-vous pas la tentation d’aller toucher un public encore plus large en installant le festival dans un nouveau territoire chaque année ?

Christian : Quand on a conçu le festival au tout début, on avait imaginé qu’il soit itinérant, et qu’on change de ville chaque année. Mais on s’est vite rendu compte qu’il était plus pertinent de rester sur notre ancrage local à Saint-Maixent-l’École : pour faire un tel festival, il faut que l’équipe encadrante soit du coin, connaisse les élu·es, les lieux, les habitant·es. Et puis, les élu·es seraient très déçu·es si on partait, d’ailleurs, certain·es d’entre elleux sont bénévoles pendant l’événement ! 

Nina : Ceci étant dit, l’initiative voyage quand même : des festivals nous contactent régulièrement pour qu’on leur partage des conseils et bonnes pratiques pour rendre leurs événements plus décroissants. Nous sommes aussi invités par des conseils municipaux, qui envisagent de reproduire l’initiative ailleurs. Et on a déjà fait des petits : par exemple, cette année, début juin, une journée dédiée à la décroissance a été organisée à Epinay-sur-Seine. 

Comment financez vous un tel événement tout en restant accessible ?

Christian : Une grande partie du budget vient de campagnes de financement participatif. L’an dernier, nous avions réussi à rassembler 42 000 €, cette année, 53 000 €. Nous comptons sur les dons de partenaires et de particuliers qui ont les moyens, et qui financent le festival pour qu’il reste accessible à tous·tes. D’ailleurs, leurs dons sont défiscalisables puisque nous sommes reconnus d’utilité publique : c’est important politiquement, et ça dit quelque chose : la décroissance, c’est d’utilité publique !

Nina : Nous avons calculé que le festival coûte 70 € / participant·e à produire, concerts compris. Mais les billets sont mis en vente à prix libre, et un camping permet de bénéficier d’un hébergement à bas coût. On veut vraiment que tout le monde puisse accéder à la décroissance. 

Enfin, rien ne serait possible sans le travail de Titan de la quarantaine de bénévoles actif·ves qui font vivre le festival.

Décroissance, le festival – Les 26, 27 et 28 juillet 2024 à Saint-Maixent-l’École (79) - Billetterie à prix libre et conscient

Millie Servant
Millie est journaliste et rédactrice en chef. Elle défend un journalisme écolo, joyeux, sans anxiété ni techno-solutionisme.
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