
Prôner une écologie joyeuse et désirable à travers la fête, c'est l'ambition du collectif de DJ Gogo Green. Depuis cinq ans, le collectif organise notamment la tournée estivale à vélo « Bike to Basics », qui mêle mobilité douce et musique électro. Une initiative qui rassemble toujours plus de participant·es chaque année. Rencontre avec Camille Doe, cofondatrice de Gogo Green.
Bonjour Camille. Comment avez-vous eu l'idée de lancer Gogo Green ?
Camille Doe : Avec Ian (Ian Fellbom, « Lefblom » de son nom d'artiste, ndlr), on s'est rencontré en 2019. On a gardé contact et rapidement, je lui ai fait part de mon envie de créer un collectif. Je voulais donner une dimension plus humaine et collective à mon travail de DJ. Dès le départ, je savais que je voulais l'axer autour de valeurs écologiques. J'en ai parlé à Ian et l'idée lui a plu. C'est comme ça que Gogo Green est né en 2019, avec l'idée d'être un collectif de DJ avec un intérêt très fort pour les questions environnementales.
L'année de la création de Gogo Green, vous êtes partie toute seule en voyage à vélo. En quoi est-ce que ça a été une étape importante ?
C. D. : L'année où on a lancé Gogo Green, je suis effectivement partie toute seule à vélo pour la toute première fois. J'ai roulé dix jours sur la Vélodyssée (véloroute de 1 300 kilomètres qui va de la Bretagne à la Côte basque, ndlr) et j'ai adoré l'expérience. À ce moment-là, je me suis dit que j'avais envie de mélanger l'itinérance à vélo à la musique, et l'idée de « Bike to Basics » a germé.
L'idée de cette tournée à vélo, c'est de proposer aux participant·es de rouler chaque été sur un tronçon de la Vélodyssée. La journée, on roule entre 20 et 60 kilomètres selon les étapes et le soir, on peut faire la fête dans un endroit qui nous accueille pour jouer. La première année, en 2020, on est parti à seulement quatre. C'était un peu une année test, on voulait voir comment on s'en sortirait avec les vélos et puis si on arriverait à trouver des lieux où jouer. L'année suivante, on a fait la même chose, mais on a proposé à nos potes de nous rejoindre. Le bouche-à-oreille a fait son effet et on a continué comme ça chaque année jusqu'à être, à l'été 2024, 150 cyclistes !
Qui sont les cyclistes qui rejoignent l'aventure ?
C. D. : La tranche d'âge est relativement jeune, de 27-35 ans environ. Certains viennent pour l'aspect écolo, d'autres pour la partie fête. Ils trouvent l'idée marrante et ils se disent « pourquoi pas » et puis au fur et à mesure, ils découvrent les joies de la rando vélo, les aventures liées au fait de faire du camping. Quelles que soient les raisons pour lesquelles ils viennent, la majorité des gens repartent transformés. Pendant une dizaine de jours, on passe l'essentiel du temps à rouler au milieu des pins, à profiter du paysage, des animaux. C'est une expérience physique qui permet de se reconnecter à son corps et à la nature. La journée, personne n'a son téléphone et le soir, on fait la fête tous ensemble, comme une grande colonie. C'est une expérience très forte.
L'aspect écologique est au cœur de cette tournée festive. Comment est-ce que ça se manifeste ?
C. D. : Déjà, il y a le fait de se déplacer à vélo bien sûr. Pour une tournée de musique électronique, c'est loin d'être anodin. Avec le vélo, on promeut en creux la mobilité douce et l'écotourisme. Et puis pendant le « Bike to Basics » on organise des activités avec des associations locales dédiées à la préservation de l'environnement. Par exemple, avec Surfrider Foundation (ONG de lutte pour la préservation de l'environnement, ndlr), on a organisé un atelier de sensibilisation à la pollution des océans. Ça permet de sensibiliser à ces questions alors même que les participant·es ne sont pas forcément conscient·es des enjeux climatiques avant de débuter la tournée.
Une tournée peut avoir un coût écologique important. Des groupes comme Shaka Ponk ont même fait le choix d'arrêter les tournées. Avec « Bike to Basics, », comment vous positionnez-vous sur ce sujet ?
C. D. : C'est une question importante. Déjà, on n'a pas besoin de louer ou de transporter du matériel, car on joue dans des établissements où le matériel est déjà sur place. On voyage donc léger avec deux clés USB et c'est tout. Et on joue dans des lieux de fête relativement restreints, ce qui limite l'empreinte carbone. Surtout, on poursuit cette démarche tout au long de l'année. On est notamment partenaires de l'Académie du climat (lieu de rencontre et d'action autour des enjeux climatiques fondé par la mairie de Paris, ndlr) où on fait régulièrement des DJ set. On a aussi joué dans des festivals où on propose d'amener les festivaliers sur site en vélo, comme à Pete The Monkey (festival de musique en Normandie qui promeut l'écoresponsabilité, ndlr). Le but est de proposer une alternative et en même temps de créer un moment fun, comme une forme d'échauffement avant le début du festival. C'est une démarche qui a vraiment du sens quand on sait que sur un festival, les transports sont le secteur le plus polluant.
La première édition de « Bike to Basics » a eu lieu il y a cinq ans. Avec le recul, diriez-vous que le milieu de la musique électronique s'engage progressivement pour l'environnement ?
C. D. : On va dire que ça avance, mais très lentement. On a l'impression d'être un des seuls collectifs qui a vraiment pour ADN ces valeurs-là. On participe à de plus en plus de conférences et on sent que les festivals de musique ont envie de s'impliquer, mais dans les faits, les actions sont encore très lentes. Nous, on ne va pas lâcher pour autant, au contraire. On a plein de projets. On veut notamment monter un label de musique électronique, on est justement en train de travailler pour voir comment intégrer notre engagement écologique. Sur un autre plan, en 2025, on va également travailler avec Les petits frères des pauvres (association qui soutient les personnes âgées isolées, ndlr). Pour nous, ça s'inscrit dans la continuité de notre engagement en apportant la fête auprès d'un public défavorisé et précaire. Et puis bien sûr, il y aura une nouvelle tournée de « Bike to Basics ».
Cet été, on a eu le plaisir d'avoir Mathilde Caillard (techno-activiste pour le climat, connu sur les réseaux sociaux sous le nom MC Danse pour le climat, ndlr) et Maxime Musqua (humoriste et créateur de contenus, ndlr) parmi les participant·es. Ils ont adoré l'expérience et ont communiqué par eux-mêmes sur leurs réseaux sociaux. Ça nous a donné de la visibilité et c'est tant mieux.
Photo à la Une : Bike to Basics 2024 © Victor Dubas