BD : onirisme et rapport au vivant avec Les Pizzlys de Jérémie Moreau

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màj en mars 2024
couverture de la bande-dessinée Les Pizzlys

Une fable onirique et écologique en rose flashy.

Voilà déjà quelques années que la bande-dessinée se met à l’écologie et place la nature au centre de ses intrigues. Et ça marche. Il n’y a qu’à voir le succès de la BD Le Monde sans Fin de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici sortie fin 2021, vendue à plus de 300 000 exemplaires, et toujours en tête des recommandations pour Noël cette année. Outils pédagogiques à la fois efficaces et plaisants, les bandes-dessinées et romans graphiques permettent d'aborder sereinement des enjeux écologiques cruciaux. Aujourd’hui, la rédaction de carbo vous recommande une autre petite pépite, sortie début octobre 2022 : Les Pizzlys, un roman graphique signé de l'auteur français Jérémie Moreau, parfait cadeau de Noël pour éveiller les consciences en douceur avec une fable onirique et écologique en rose flashy.

Le retour à la nature 

Dès la couverture, on est conquis ! Aurores boréales fluorescentes, paillettes, étoiles qui scintillent… On voyage déjà. Les Pizzlys, c’est l’histoire d’une fratrie. Nathan, Zoé et Étienne vivent tous les trois depuis le décès de leur mère. Nathan, l’aîné, tente comme il peut de subvenir aux besoins de son frère et de sa sœur en enchaînant les courses Uber. Il est épuisé, englué dans un rythme urbain effréné et se perd régulièrement dans Paris dès qu’il oublie son GPS. Zoé et Étienne, eux, sont des ados ultra connectés qui passent leur vie derrière des écrans, téléphone pour l’une et console pour l’autre. Un jour, tout bascule. Nathan s’endort au volant avec une cliente sur le siège arrière. Bien sûr, l'accident arrive, la cliente, Annie, rate son avion et se retrouve à loger chez eux pour la nuit. Elle se rend alors vite compte de leur vie de misère et de leur mal être et leur propose, tout naturellement, de partir s’installer en Alaska avec elle pour « soigner leurs esprits ». L’Alaska, c’est là où elle retourne vivre après quarante années passées en France. « Votre homme a marché sur la lune mais ne sait plus habiter la terre », confiera un soir Annie à Nathan. Ils acceptent, sans vraiment réaliser dans quoi ils s’embarquent (il n’y a pas de réseau ni d'électricité là où ils vont) et les voilà bientôt en l’air dans un avion pour l’Alaska et la nature sauvage, indomptable. 

Un jour, tout bascule.

Planche de la bande dessinée Les Pizzlys
Planche de la bande dessinée Les Pizzlys de Jérémie Moreau (édition Delcourt)

Le temps du mythe 

En Alaska, nos trois héros découvrent la nature et ses lois. Petit à petit - une fois qu’ils acceptent de laisser de côté leurs habitudes - ils reprennent leur juste place au sein de leur écosystème, comprennent qu’ils ne sont qu’une infime poussière dans le cycle naturel des animaux, des paysages. Ils s’initient aux rites et aux croyances de cet état mythique. Annie leur apprend à regarder vraiment, les aide à guérir. « Mon cher Nathan, il faut que tu saches que tu hérites d’une civilisation qui s’est appliquée pendant des siècles à dépeupler le monde. D’abord en transférant les esprits des arbres, des animaux et le sacré des écosystèmes vers un ciel divin. Puis en réduisant ce qu’il restait du monde à une matière inerte prête à l'exploitation ». Dans Les Pizzlys, les maux de l’homme moderne sont expliqués très simplement par sa déconnexion avec son environnement naturel, qu’il s’est évertué à soumettre et à détruire.

Le Pizzly, cet animal hybride emblématique de notre monde déréglé où les ours polaires rencontrent désormais les grizzlys.

Étienne, le petit frère, se plaint de ne plus pouvoir jouer à ses jeux vidéos, avant de se rendre compte, aidé par la sage Annie, que les jeux vidéos ne font qu’imiter la vraie vie. En Alaska, il faut chasser pour pouvoir se nourrir, et Annie lui apprend alors à suivre des traces dans la neige, à pister et traquer un animal. Et surtout, leçon plus importante encore, à considérer les animaux dont on prélève la vie avec respect, en honorant leurs âmes, et non comme de vulgaires objets présentés sur les stands des supermarchés, où l’on oublie parfois qu’un animal se cache derrière une barquette en plastique. Un soir, Annie leur parle aussi « du temps du mythe ». Une époque lointaine, où animaux et humains avaient la même forme, où l’homme n'était qu’une espèce parmi tant d’autres, où le vivant fusionnait. Alors, Nathan se met à explorer la nature sans relâche, au corps à corps, sa peau nue dans la neige, à quatre pattes, tandis que Zoé rêve dans son sommeil qu’elle converse avec un ours.

Planche de la bande dessinée Les Pizzlys
Planche de la bande dessinée Les Pizzlys de Jérémie Moreau (édition Delcourt)

Loin d’être présentée comme la terre promise, l’Alaska est lui aussi dépeint en proie à de nombreux démons : l’alcoolisme de ses habitants pour faire face à la dureté de la vie, la fonte des glaces, les incendies, un cycle des saisons complètement bouleversé et la présence du Pizzly... Le Pizzly, cet animal hybride emblématique de notre monde déréglé où les ours polaires rencontrent désormais les grizzlys. « On peut plus passer par là ? Mais qu'est-ce qu'il se passe ? Si les oies migrent avec deux mois d'avance alors quoi ! Il ne nous reste plus qu'à aller pêcher le saumon en février ? ! Avant il y avait un ordre, un rythme ! » s’exclame Annie, déboussolée, ne reconnaissant plus sa terre natale. L’alerte environnementale est bien présente tout au long de la BD, qui agit comme une mise en garde onirique ; nous devons impérativement reprendre la nature en compte avant qu’elle ne disparaisse brûlée vive, retrouver notre place à ses côtés et non au-dessus d’elle et revenir à la sobriété, la vraie.

Jérémie Moreau nous donne, aussi, un aperçu de son futur de rêve : « un monde où toute l’intelligence des scientifiques des villes serait mise au service de la vie dans la forêt », où les villes auront disparues et où « toute la vie sera concentrée dans la forêt », où « on vivra tous en mouvement comme les saumons, les oies sauvages, les nuages, les cours d’eau, au rythme des pluies et des saisons... » On ne sait pas vous, mais nous on signe tout de suite. Et attendant, on lit et on relit Les Pizzlys.

Juliette Mantelet
Juliette est journaliste et co-rédactrice en chef. Ce qui l'enthousiasme par-dessus tout, c'est d'explorer le monde qui change et les futurs possibles avec optimisme par le biais de la littérature et de la pop culture.
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