Ophélie Damblé est créatrice de contenus, connue sous le nom Ta Mère Nature, autrice et pépiniériste. Quelles œuvres artistiques ont marqué son parcours ? Quelles lectures conseille-t-elle à nos politiques pour les réveiller sur la question écologique ? Réponses avec notre interview éclair, « L'œuvre qui a fait basculer... »
Bonjour Ophélie. Y a-t-il une œuvre qui a contribué de manière significative à votre prise de conscience écologique ?
Ophélie Damblé : Je pense que j’ai toujours eu une conscience écologique : j’ai grandi à la campagne, et je me rappelle m’être fâchée contre des camarades parce qu’ils avaient coupé un vers de terre en deux. Mais je n’ai pas de souvenir d’œuvres vues à cet âge qui m’auraient marquée.
Il y a une dizaine d’années, au moment où je me réorientais vers l’agriculture, j’ai lu Solutions locales pour un désordre global de la réalisatrice Coline Serreau (livre adapté du documentaire du même nom, sorti en 2010, ndlr). J’y ai notamment découvert le travail de Vandana Shiva sur les semences en Inde, qui m’a ouvert une porte vers les mouvements écoféministes, et celui de Lydia et Claude Bourguignon sur le sol, un sujet encore trop peu reconnu.
J’ai aimé la pluralité des personnages que l’on pouvait rencontrer dans ce livre et les solutions qu’il proposait. Après la lecture, je me sentais d’attaque pour l’action, alors que je traversais une période où j’étais très anxieuse au sujet de l’environnement. Il m’a fait prendre conscience du fait que je voulais me former et agir sur le sujet de l’agriculture.
Je peux aussi citer Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer. J’ai aimé sa manière pas du tout moralisatrice de parler du sujet, et le fait qu’il s’incluait dans ses réflexions. En plus de me mener à m’intéresser à l’élevage et au végétarisme, j’ai retenu cela pour mes contenus : je ne me pose jamais en sachante, je montre aussi mes foirades.
Enfin, côté arts visuels je suis fan du travail d’Arman, un sculpteur français qui travaille sur l’accumulation des déchets. Une des rares fois où j’ai pleuré devant une œuvre d’art, c’est quand j’ai vu un amoncellement de scies qui m’a semblé représenter la mer. J’étais hypnotisée, je n’ai pas tout de suite compris pourquoi ça me touchait. C’est ensuite que j’ai fait le lien avec l’hyperconsommation. Je trouve tout le mouvement artistique autour des déchets super fort.
À votre avis, pour faire changer les choses, quelle œuvre faudrait-il que nos responsables et dirigeant·es découvrent ?
O. D. : Je pense que la science-fiction peut être très intéressante parce qu’elle permet de se projeter dans le futur. La servante écarlate par exemple, en livre ou série m’a beaucoup marquée et parle de féminisme et d'écologie. La Parabole du semeur d’Octavia E. Butler est aussi magnifique. Même Mad Max parle d’écologie ! La science-fiction peut mettre en mouvement un sujet pas très embarqué dans les questions écologiques.
J’aimerais beaucoup que les politiques lisent aussi le livre Comment s’organiser ? de Starhawk. C’est un manuel très complet sur le sujet de comment vivre ensemble : l’autrice travaille en collectif depuis des années, et elle a appris de ses erreurs pour nous aider à travailler ensemble de manière fluide. Elle remet en question toutes les hiérarchies, le racisme, le sexisme… Tant qu’on ne prend pas ces sujets en compte, ça ne fonctionne pas. Vraiment, il faudrait que les politiques le lisent !
Quel est selon vous le rôle de l'art et de la culture dans la prise de conscience de l'urgence écologique ?
O. D. : Nature, culture et nous c’est la même chose. On est des êtres sensibles et émotionnels, l’art est aussi une nourriture. Je le vois comme une passerelle : j’adore faire des collaborations avec des artistes, j’ai publié une bande dessinée, je travaille avec des illustratrices… J’adorerais que la pépinière se transforme en œuvre d’art, je crois beaucoup au concept d’œuvre-jardin. C’est très poétique de faire pousser des plantes !
Aller au cinéma, au théâtre, c’est reprendre de la force quand on est activistes et qu’on en manque. Ça peut aussi donner l’énergie de s’engager, ça a été le cas pour moi. À titre personnel, j’ai besoin d’art et de culture. Je ne me vois pas juste nourrir les plantes pour nourrir la ville, il y a aussi une nourriture de l’intellect. Quand les gens viennent à la pépinière on parle aussi de souvenirs, de sens. Ce qui est fou avec la nature c’est qu’elle sollicite tous les sens - je continuerai donc à ne pas la dissocier de la culture.
Photo à la une : Ophélie Damblé par Amandine Besacier ©