QuotaClimat : « 20 % de place dans les médias, ce serait le minimum syndical »

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màj en mars 2024

2,7%, c’est le minuscule pourcentage de temps de parole que les médias français ont accordé aux sujets climatiques pendant la dernière campagne présidentielle. Depuis, le collectif QuotaClimat, monté par les deux collaboratrices parlementaires Eva Morel et Anne-Lise Vernières, se mobilise pour que les Français soient mieux informés sur ces enjeux. Entretien.

Bonjour QuotaClimat. Pour commencer, comment expliquez-vous le décalage entre l’ampleur de la crise écologique et son faible traitement médiatique ?

Eva Morel : Plusieurs raisons. Déjà, il y a cette fausse idée selon laquelle les gens attendent des informations de l’ordre du quotidien et de l’immédiateté, alors que les sondages indiquent que seuls 11 % des Français déclarent se sentir « tout à fait » informés sur le changement climatique (1). Il y a un vrai besoin. En préparant le débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, Léa Salamé a dit qu’ils privilégiaient toujours la fin du mois avant la fin du monde. Ce système a ses limites quand on constate que les deux se juxtaposent. De manière générale, on observe un manque de transversalité dans l’information : souvent les enjeux écologiques sont totalement omis de la discussion quand on parle d’innovation, d’économie, de vacances, d’agriculture…

Quota Climat
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Quelles sont selon vous les « pépites » de l’été ?

E. M. : Les visuels d’enfants qui jouent dans l'eau ou dans la mer pour illustrer la canicule, la photo d’une femme qui dort devant son frigo ouvert pour résister à la vague de chaleur (TF1), dans une période où la sobriété est requise… On est en 2022, et c’est publié. 

Vous interpellez régulièrement des médias et des journalistes sur les réseaux sociaux. Quelles sont les forces et les limites de ce mode d’action ?

E. M. : Au vu de l’urgence, il faut aller vers les modes d’action qui marchent le mieux, même si ce n’est pas toujours agréable. Certains journalistes nous ont envoyé des messages disant qu’ils se sentaient diffamés. On n’est pas dans le registre de l’insulte, on explique simplement en quoi le contenu est perfectible. Bien entendu, ce ne serait pas très constructif de notre part si on se contentait de faire ça. C'est pourquoi nous menons en parallèle un vrai travail de fond. On aimerait organiser des rencontres entre rédacteurs en chef et experts du Giec, par exemple, pour que ces personnes se parlent, et qu’une prise de conscience s’opère. Pour l’instant, je pense qu'on arrive surtout à toucher la sphère des convaincus mais petit à petit, on espère susciter des débats avec d’autres personnes.

C’est complémentaire des actions de blocage menées par un mouvement comme Extinction Rebellion ?

Anne-Lise Vernières : Toutes les actions sont bonnes à prendre pour interpeller. On est à un tel stade d’urgence qu’on ne peut plus faire l’impasse sur un mode d’action et la désobéissance civile, en ce qui concerne l’interpellation des médias, a certainement eu un impact et amené des remises en question. Au printemps, les militants d’Extinction Rebellion ont quand même réussi à bloquer certaines imprimeries de journaux, notamment du New York Times.

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Revenons-en à l’objectif que vous avez énoncé au moment de la création du collectif, à savoir l’instauration d’un quota de 20 % de temps de parole dédié aux enjeux liés au climat et à la biodiversité dans les médias. Comment y parvenir ?

E. M. : La stratégie du quota, c’était un peu le pavé dans la mare pour commencer à faire bouger les choses. Mais on manque de données : il faudrait que les organismes publics puissent se doter d’outils pour objectiver les choses, et ensuite instaurer des mesures de plus long terme pour faire en sorte que la déficience n’arrive pas d’elle-même. 20 %, ce serait vraiment le minimum syndical ! 

De notre côté, on commence à réfléchir à des mesures législatives : comment doter l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et d’autres services publics de moyens de contrôle sur la qualité du traitement écologique dans les médias ? Il ne s’agit pas de remettre en question la liberté de la presse car elle est sacrée, mais on estime que celle-ci n’est pas non plus toute-puissante par rapport aux bêtises qu’on peut lire ou entendre dans certains médias. Comme cet expert de Napoléon qui s’est permis de faire une analyse rétrospective de trente ans d’écologie politique en France dans Le Point en disant que les écologistes s’opposent à toute transition énergétique, alors que c’est complètement faux…

Vous avez structuré une inter-organisation dédiée à l’enjeu du traitement médiatique de ces enjeux avec Pour un réveil écologique, Oxfam, Notre Affaire à Tous, Vert le média et d’autres. Dans ce combat pour mettre le climat à la Une, l’union fait la force ?

E. M. : Oui, ça permet d’échanger sur nos modes d’actions, de se donner de l’écho quand on en a besoin et de structurer le propos quand on a des rendez-vous institutionnels, comme ça a été le cas récemment avec des représentants du dispositif « contrat climat » qu’ils mettent en place auprès des entreprises et notamment des médias sur les questions de publicité. L’idée, c’est qu’on continue à avancer ensemble, parce que c’est aussi une question de rapport de force.

Que pensez-vous de la charte « pour un journalisme à la hauteur de l'urgence écologique » lancée à la rentrée par des journalistes de différents médias ? Ça peut faire boule de neige ?

A-L. V. : C’est très positif, et d’ailleurs nous avons pu faire des retours sur les propositions. Maintenant, toute la question va être d’embarquer les journalistes et les médias qui sont encore loin de ces sujets. Il faut que ça se massifie, et on peut être content de voir que cette charte soit publiée dans un contexte où Radio France a annoncé son « tournant vert » [visant notamment à faire de la crise climatique un « axe éditorial majeur », ndlr], tout ça permet d’enclencher ou d’approfondir des réflexions dans d’autres gros médias généralistes et d’exercer une pression constructive. 

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Pour finir : que pensez-vous des buzz, par exemple ceux liés à la question des jets privés ? Est-ce que cela sert le traitement médiatique des enjeux écologiques ?

E. M. : Le buzz est intéressant pour parler d’écologie, parce que ça donne une porte d’entrée, mais il ne faut pas en rester là. Il faut parler des enjeux d’égalité en termes d’émissions de gaz à effet de serre, expliquer les leviers de réduction. Il y a très peu de médias qui en parlent. Au lendemain de la polémique liée à Kylian Mbappé et Christophe Galtier, certains journalistes en rigolaient, sans fournir d’analyse profonde sur le sujet.

A-L. V. : Certains médias comme Radio France et Le Monde faisaient le lien avec les enjeux de justice sociale, et d’autres l’ont fait ponctuellement ou pas du tout, et ce sont globalement ceux – comme Le Point et le Figaro – qui sont lus par les classes sociales supérieures et dirigeantes. Ce n’est pas anodin, car ce sont notamment elles qui permettent que le changement s’effectue.

(1) Selon le baromètre des assises du journalisme (2021)

Sophie Kloetzli
Journaliste indépendante, Sophie écrit sur la crise écologique, la transition énergétique et les technologies.
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