Saint-Graal du développement durable, l'auto-suffisance énergétique est souvent rêvée mais rarement atteinte. Les territoires insulaires, de par leurs tailles et leur isolation, sont souvent des espaces propices à la mise en place de telles initiatives. L’île de Samsø, qui devait jusque-là sa notoriété à ses patates, ses fraises et son labyrinthe, est désormais neutre en carbone. Elle a su tirer son épingle du jeu en moins de deux décennies, et fait désormais office d’icône mondiale du développement durable.
Le bilan de Samsø a de quoi faire rougir. Cette île, peuplée d’environ 4 000 irréductibles danois, produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Mieux : elle se targue d’être, depuis 2007, la première île autosuffisante en énergies renouvelables. Depuis cette date, les îliens ont réduit de 140 % leurs émissions de CO2 liées à l’énergie. Cerise sur le gâteau, malgré un investissement total de 60 millions d’euros, la majorité des emprunts sont remboursés, tout en générant de nouveaux emplois.
La méthode Samsø ? Des infrastructures vertes, évidemment… Pour atteindre l’indépendance énergétique, l’île s’est rapidement dotée d’éoliennes et de panneaux solaires. Onze éoliennes terrestres assurent l’approvisionnement électrique de l’ensemble des habitants ; dix autres, en mer, compensent les émissions liées aux transports grâce à la revente de 60 % de l’électricité produite. Le système de chauffage est également des plus particuliers : les agriculteurs de l’île produisent de la paille qu’ils acheminent dans des chaufferies collectives qui iront, chacune, alimenter près de 300 maisons et édifices, hôtels et restaurants compris, via un système de canalisations hydraulique.
« Pour que ce projet marche, il fallait qu’il soit démocratique et communautaire », estime Søren. « Les gens n’auraient pas accepté qu’une entreprise extérieure leur impose des éoliennes de 70 m devant leurs fenêtres, sur leurs terres. »
La véritable pierre angulaire de cette transition repose sur l’engagement de ses habitants. Bien plus que des infrastructures, c’est un état d’esprit teinté de pragmatisme et d’entreprenariat qui a forgé le succès de Samsø. « Pour qu’un changement de société ait lieu, il faut à la fois du top-down et du bottom-up, c’est-à-dire à la fois un engagement des citoyens et un soutien de l’État », résume Malene Lunden. Avec Søren et Jesper, elle est membre de l’Académie de l’énergie, une association créée dans la foulée de cette transition.
Cette dynamique fut insufflée, dans un premier temps, par quelques individus, à l'image de Søren Hermansen, ancien producteur de légumes et enseignant. C’est lui qui, dès 1998, a géré l’aspect clé du projet : l’implication des îliens. Il a su convaincre les agriculteurs locaux de s'équiper en energies verte, en leur recommandant d’investir leur propre ressources dans des infrastructures responsables. Plus de 500 familles sont ainsi devenues co-propriétaires de ces hélices géantes. Une seule éolienne fournit l'équivalent de l'énergie de 700 maisons par an.
Outre des investissements malins, la transition énergétique de Samsø s’avère créatrice d’emplois et de nouvelles opportunités. Les fermiers transforment leurs déchets en ressource en vendant leur paille comme combustible pour les chaudières biomasse. Les artisans ont pu tirer profit du remplacement des cuves à fioul et des installations de chauffage, dont ils assurent aujourd’hui la maintenance. Bref, une transition gagnante pour tous.
Bref, une transition gagnante pour tous.
Prochain objectif ? Les samsingers souhaitent se détacher complètement des énergies fossiles, (d’ici 2050), jusque-là importées du Moyen-Orient et de Russie. Fidèles à leur pragmatisme ils multiplient les initiatives dans ce sens. Le ferry, propriété de la municipalité qui relie l'île au continent, est alimenté en gaz naturel liquéfié et non au diesel. Outre les biogaz (gaz produit par fermentation de matières organiques), les acteurs de cette transition expérimentent également un dispositif de batteries rechargeables, alimentées par les panneaux solaires, à destination des bateaux, afin de fournir l’énergie électrique nécessaire - tout en préservant les eaux des énergies polluantes.
Alors, objectif atteint en 2050 selon vous ? On prend les paris ?
Image à la Une : Photo Franseska Anette Mortensen/Samso Energy Academy