Tout comprendre à l’écoféminisme (1/3) : la genèse du mouvement

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màj en mars 2024
Personnes manifestant, tenant une banderole sur laquelle est écrit "ecoféminismes"

Premier épisode d'une série de trois articles pour apprendre à mieux connaître le mouvement écoféministe, son histoire, sa littérature, et plus généralement son rapport à l'art. Pour commencer, retour sur sa genèse.

Ces derniers mois, nombreux sont les discours politiques, les événements ou encore les œuvres culturelles qui se sont revendiqués de l’écoféminisme, un mouvement pacifique, émotionnel et artistique qui vise à mener de front les combats féministes, écologiques et sociaux. Pour y voir plus clair sur ce que signifie vraiment être écoféministe, et comprendre le courant dans ses dimensions plurielles, carbo vous a préparé une série de trois articles sur le sujet. Dans ce premier volet, un peu d’histoire pour appréhender les origines et les raisons d’être du mouvement.

L’histoire d’une triple domination

L’écoféminisme est un mouvement qui pense l’exploitation et la domination des femmes, des minorités et de la nature comme un tout. La raison est simple : cette triple domination est considérée par les écoféministes comme la conséquence d’un système patriarcal, capitaliste et colonial dominé par les hommes, dans lequel on cherche à exploiter plus pour produire (toujours) plus. Plus largement, l’écoféminisme est un mouvement qui réfléchit à la manière dont ces discriminations s’articulent entre elles, et qui lutte de concert contre toute forme d’oppression, envers les femmes, les animaux, la nature et les minorités. Se dire écoféministe, c’est donc souhaiter un changement de système global, c’est vouloir se battre contre toutes les formes d’inégalités sociales et contre les discriminations de genre, de race et de sexe. Les écoféministes défendent l’idéal d’un monde plus juste où l’on vivrait dans un environnement social et naturel plus sain, enfin connecté·es à nos émotions.

On comprend donc aisément pourquoi, pour les militant·es écoféministes, la question de la justice sociale est indissociable de celle de la transition écologique. On le sait : l'impact du dérèglement climatique sera d’autant plus fort pour les personnes les plus précaires, un constat écrit noir sur blanc dans la dernière synthèse du rapport du GIEC : « les populations les moins responsables du changement climatique (les plus pauvres) sont les plus touchées ». Même chose pour les femmes, qui polluent moins en moyenne, mais se retrouvent pourtant parmi les premières victimes du changement climatique. 

Manifestation du samedi 9 avril 2022 à Genève, pour « une réduction massive du temps de travail », placée sous le signe de la convergence des luttes : climat, femmes, syndicats.

Féministes pour sauver le monde

Les femmes, nous rappelle Lauren Bastide dans son essai indispensable Futur·es. Comment le féminisme peut sauver le monde (octobre 2022), composent en effet « la majeure partie des populations pauvres et précaires ». Ce sujet est également approfondi dans le podcast « Un jour la Terre s’ouvre » du studio Louie Media, qui prend la forme d’une enquête sur l’impact disproportionné du changement climatique sur les femmes. Pour la journaliste belge Charline Vanhoenacker, l'écoféminisme est « un mix entre Greenpeace et le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) ». Pour la philosophe Jeanne Burgart Goutal, spécialiste de l’écoféminisme, c’est un mouvement qui veut « renverser complètement le système ». L’écoféminisme s’applique à l’ensemble de la société et impacte tous les domaines, autant le politique que le culturel, en proposant de décaler le regard. Il dresse les contours d'un futur désirable pour tous et toutes, car libre de toute domination. Comme l’écrit Lauren Bastide dans les premières pages de Futur·es, c’est un mouvement qui « peut sauver ce monde qui est en train de brûler sous nos yeux. »

Féminisme + écologie = la genèse de l’écoféminisme

Revenons un peu en arrière. La première mention de l’écoféminisme remonte aux années 1970, sous la plume de Françoise d’Eaubonne, autrice et militante féministe française, ancienne résistante. Ce mot issu de la contraction entre écologie et féminisme, elle l’utilise pour la première fois en 1974, dans son ouvrage Le Féminisme ou la Mort. Dans les années 1970, nous sommes en pleine naissance du mouvement féministe, avec la création du MLF au sein duquel Françoise d’Eaubonne anime d’ailleurs un groupe « écologie et féminisme ». Ce sont également les débuts du combat pour l’avortement et la contraception. Mais à cette époque surgit aussi la première prise de conscience écologique suite à la publication du rapport Meadows en 1972 sur les limites de la croissance économique et d’une démographie exponentielle. Dans ce rapport, on appelait déjà à la « croissance zéro », et on avait largement de quoi prédire la crise climatique… 

Logo écoféministe – Wikimedia Commons

Pour René Dumont, homme politique français à l’origine de l’écologie politique, le responsable de cette situation n’est autre que « le pouvoir des privilégiés qui maintient le système de profit ». Françoise d’Eaubonne va plus loin : pour elle il est impossible d’émettre une critique radicale du capitalisme sans évoquer le patriarcat. En 1974, elle publie donc Le Féminisme ou la Mort, ouvrage de référence sur l’écoféminisme. Dans ce dernier, elle écrit que si le monde refuse la mutation offerte par le féminisme, « il est condamné à mort ». Françoise d’Eaubonne luttera notamment tout au long de sa vie pour une sexualité non-reproductive, une lutte à la fois féministe et – dans une certaine mesure – écologique. L’écoféminisme, dès son apparition, s’inscrit donc dans une perspective décroissante : de la population, de la consommation, de la production. C’est l’union de toutes les causes. « La convergence des luttes féministes, écologistes, antinucléaires et pacifistes contre toute forme de domination et de destruction du vivant est la toile de fond de l’écoféminisme » détaille Pascale d’Erm dans l’ouvrage L'Écoféminisme en question : un nouveau regard sur le monde. Et pour conclure sur les mots de Françoise d’Eaubonne : « C’est une urgence que de souligner la condamnation à mort, par ce système à l’agonie convulsive, de toute la planète et de son espèce humaine, si le féminisme, en libérant la femme, ne libère pas l’humanité toute entière, à savoir, n’arrache le monde à l’homme d’aujourd’hui pour le transmettre à l’humanité de demain ».

Suite de la série avec :

Juliette Mantelet
Juliette est journaliste et co-rédactrice en chef. Ce qui l'enthousiasme par-dessus tout, c'est d'explorer le monde qui change et les futurs possibles avec optimisme par le biais de la littérature et de la pop culture.
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