Le vendredi 8 septembre, Carbo s’est rendu à l’Académie du Climat à Paris pour assister à l’un de leurs nombreux événements : la projection du court métrage Where is She, un projet artistique visant à aider les gens à trouver leur place dans la lutte pour le climat. Récap’ d’un événement mitigé.
« Où est-elle ? »
Situé dans la Salle des Fêtes de l’Académie, l’événement a commencé à 19h avec la projection du court métrage de Laragh McCann : Where Is She ? Ce film expérimental fait partie d’un projet plus large dont elle est également la fondatrice, qui vise à aider les femmes ou « toute personne qui s'identifie à son côté féminin, qui se préoccupe de l'environnement » à « trouver sa place pour s'impliquer de manière significative », selon leur site. Le court-métrage Where is She nous place ainsi dans la tête d’une adolescente irlandaise qui explore les liens entre les oppressions qu’elle subit en tant que femme et la destruction de la planète, notamment par une dévalorisation et une surexploitation commune. Sa voix déclame un poème, simple et efficace, qui nous guide à travers son expédition onirique pour répondre à une question classique mais toujours d’actualité : où est-elle, sa personne authentique, noyée par les injonctions et les violences qui lui ont appris à se cacher et à se détester ?
La narration va alors glisser d’une journée quotidienne – marquée par le harcèlement de rue et une dysmorphie tristement banale – à un voyage dans les bois et l’océan, pensé pour se retrouver. Les plans s’accélèrent, graduellement étranges puis fantastiques, jusqu’à un climax enflammé. Le film ne tranche pas si c’est un rêve ou un périple réel, mais à la fin, une chose est sûre : la jeune femme s’est trouvée et imposée au monde extérieur.
Un projet en recherche, mais prometteur
La réalisation et la photographie sont les deux qualités indéniables de Where Is She : l’esthétique est affirmée et les plans léchés, le montage permet de caser de nombreux propos dans un temps pourtant limité. Plusieurs prix ont d’ailleurs été attribués au court métrage, notamment au Amsterdam Short-Film Festival, au New York International Film Award et au Berlin Women Cinema Festival.
Clairement inscrit dans le courant écoféministe (dont Carbo vous parlait déjà ici), Where is She illustre l’une des tensions qui parcourent ce mouvement très varié : de par des propos et des images ambiguës (comme un enchaînement entre du sang de règles et une danse devant la lune), on ne sait pas très bien si l'héroïne de Laragh McCann est liée à l’environnement parce qu'elle s'y identifie après avoir vécu des oppressions similaires, ou si elle y serait connectée du simple fait de sa « nature féminine». Une posture qui pourrait glisser vers l’essentialisme et qu’il nous paraît dommage de ne pas clarifier. Car comme il a été démontré par des décennies de recherches, le genre est une construction sociale et non une catégorie naturelle absolue. Si de nombreuses femmes sont effectivement soucieuses de la condition de l’environnement, le phénomène semble davantage lié à leur éducation genrée incitant au soin des autres qu’à un éventuel lien inné entre les utérus et la Terre.
Questionnée par Carbo sur ce qu’elle souhaitait exprimer dans son documentaire, Laragh McCann a précisé qu'elle situait son propos dans un entre deux : pour elle, chacun et chacune possède des qualités masculines et féminines, et Where is She est un film qui explore la découverte de ces qualités chez les individus dans une société qui nous éloigne de nous-même. Fidèle à la tradition écoféministe qui rejette les dualités binaires, elle laisse donc la réponse ouverte pour que chacun·e se fasse son opinion.
Collages, troc et table-ronde
La soirée s’est ensuite poursuivie sur une table ronde et un keynote speech avec quatre invitées. Mais, surprise : malgré l'intitulé de l’événement « trouver sa place et agir pour le climat », les discussions se sont concentrées sur l'entreprenariat, l’action individuelle et les biais personnels. Quelqu’un qui serait venu pour découvrir des recommandations d’organisations dans lesquelles s’impliquer serait surtout reparti avec d’excellents conseils de développement personnel.
Des points intéressants ont tout de même été abordés par les invitées : l’importance de la sororité, le développement des tiers lieux, la puissance de l’art engagé, le travail de l'écrivaine et militante féministe indienne Vandana Shiva… Mais la discussion, pourtant bien modérée par la vice-présidente du média écoféministe Les Impactrices, est restée très concentrée sur les individus et non sur le combat social. Une tendance de plus en plus fréquente – et souvent inconsciente – dans certains événements engagés. Le programme s’est conclu sur une note plus collaborative, entre troc de vêtements et collage collectif pour réfléchir aux émotions abordées dans le court-métrage. On reste sur notre faim concernant les discussions autour de Where is She, mais il est annoncé comme le premier film expérimental d’une longue série. On attend donc de découvrir la suite pour profiter plus en profondeur du travail de Laragh McCann.
Les recos lecture de Carbo pour aller plus loin sur les thèmes de cet article :
- Reclaim, recueil de textes écoféministes proposés par Emilie Hache, pour comprendre le mouvement dans toute sa diversité
- Des Paillettes sur le compost, Myriam Bahaffou, pour un écoféminisme ancré dans le quotidien
- Le féminisme ou la mort, Françoise d’Eaubonne, texte majeur de celle qui a inventé le terme “écoféminisme”
- Chères Collaboratrices, Sandrine Holin, sur le néolibéralisme dans le féminisme
- Une Révolution intérieure, Gloria Steinem, qui traite de la confiance en soi et de la guérison des individus dans une perspective politique