Swann Arlaud décline souvent les invitations associant son nom à des événements. L’acteur aux trois César, devenu mondialement célèbre depuis sa performance d’avocat charismatique dans l’oscarisé Anatomie d’une chute (et grâce à une flopée de fancams aux millions de vues louant sa chevelure, entre autres qualités) a pourtant accepté, aux côtés de l’activiste Claire Nouvian, de parrainer le Festival Atmosphères, sans en avoir jamais entendu parler auparavant. À quelques jours de l'ouverture, le 9 octobre prochain, discussion avec l’un des piliers du cinéma français, persuadé que lutte climatique rime avec engagement social et que si le septième art n’a pas le pouvoir de changer le monde, il a définitivement son rôle à jouer.
Vous avez accepté de parrainer le Festival Atmosphères, pourquoi ?
Swann Arlaud : En découvrant la programmation, j’ai d’abord pensé à mon fils, je me suis dit que j’allais l’emmener. Pour être honnête, je ne connaissais pas ce festival avant de recevoir la proposition de parrainage. L’équipe m’a montré des extraits d’années précédentes, et leur idée de réunir des scientifiques, des gens très calés sur leur sujet, avec des cinéastes, d’élargir en somme, m’a vraiment semblé intéressante. J’ai toujours un doute sur le pouvoir du cinéma de changer le monde, plus qu’un doute même… mais le fait de rassembler des personnes parlant différemment de la même chose, en y incluant du concret, des sciences, je suis curieux de voir l’ensemble. Alors même si j’ai tendance à refuser beaucoup d’invitations - je n’ai pas envie de me montrer tout le temps -, cette approche m’a parlé et j’ai accepté !
Vous dites ne plus vous faire d’illusion sur le rôle du cinéma. En amenant votre fils dans ce festival engagé, qu’attendez-vous ?
S. A. : Mon fils fait partie de cette génération dotée de réflexes écologiques que nous n'avions pas à son âge. Il n'est donc pas question de prise de conscience, j’espère surtout que les invités nous donneront à penser "demain". Imaginer 2050 me rend inquiet, mon fils sera plus jeune que moi aujourd’hui et il évoluera dans un monde très différent. Pendant les cinq jours du festival, entre les films et les discussions, si l’on peut se saisir d’une chose ou d’une autre, allons-y !
« Ceux qui détruisent la planète sont les plus riches et les inégalités à venir seront aussi climatiques. »
Swann Arlaud
Y a t-il un événement que vous attendez particulièrement ?
S. A. : J’ai très envie de découvrir L'histoire de Souleymane, une fiction sur le parcours d’un livreur à vélo dont j’ai entendu parler plusieurs fois, également le documentaire Aires marines "protégées", une imposture française, le film d’animation Flow avec un chat, le long-métrage Vingt-dieux, dont je suis assez curieux, et la conférence Deep climate sur le changement climatique. Pas sûr de réussir à tout voir…
Votre liste résume bien la ligne éditoriale du festival : allier le côté environnemental et social. J’ai l’impression que cette jonction des deux sujets vous touche.
S. A. : Ce serait une erreur de les dissocier. On ne réglera pas la question écologique sans considérer son pendant social. Pour faire simple, ceux qui détruisent la planète sont les plus riches et les inégalités à venir seront aussi climatiques. Comme toujours, les premiers impactés seront les plus démunis. Donc allier les deux sujets, c’est du bon sens.
Côté action climatique, vous avez co-créé il y a un an le collectif CUT ! (Cinéma Uni pour la Transition) assez méconnu du grand public, qu’y faites-vous ?
S. A. : À l’origine, c’est l’acteur Jérémie Renier qui a eu une prise de conscience écologique. Il a réuni huit personnes exerçant des métiers différents (dont Cyril Dion et Flore Vasseur, ndlr) pour fonder d’abord un groupe de réflexion, le collectif a suivi. Notre idée n’est pas de dire « On arrive avec des solutions », mais de rassembler sur une plateforme en ligne celles existant déjà. En vous connectant vous trouvez des listes de formations, d’évènements, des informations sur des accompagnements en amont de l’écriture et au moment de la distribution des films à impact, les aides disponibles, comme celles du CNC qui a mis en place le « Plan Action ! ». On évoque aussi l’étape de fabrication des films, via notamment un guide à destination des acteur·ices. Il y est précisé par exemple la consommation de CO2 pour se rendre à Cannes en voiture, train, avion ou jet. Le but n’est pas de moraliser mais d’informer. Souvent, si les gens n’agissent pas, c’est par manque d’information.
Donc CUT ! est une sorte de guichet ?
S. A. : Je dirais plutôt un point de départ. Il reste beaucoup de travail. Lancer un tournage écolo, cela implique par exemple d’accepter de venir en transport en commun, de faire du covoiturage, de partager les loges, d'adopter des repas végétariens à la cantine. Ce sont des petites choses mais on essaie. Pour l’instant, CUT ! manque de visibilité, on réfléchit à l’organisation d’une grande fête avec de la sensibilisation et des espaces de rencontres.
Le Festival Atmosphères a lieu en plein quartier de la Défense où l’on aperçoit les tours de multinationales peu connues pour leurs vertus sur le climat. Est-ce qu’une solution passe par la discussion avec celleux à l'origine du problème ?
S. A. : La solution passe par le commun. On a vécu des décennies d’individualisme, on n’y arrivera pas si c’est chacun·e pour sa gueule. Précision, il faut discuter avec tout le monde mais prendre ses propres responsabilités. Si je refuse d’être sponsorisé par des marques, de représenter des parfums, des montres, des je ne sais pas quoi, cela n’engage que moi et je ne critique pas ceux agissant autrement. De toute façon, l’industrie est en train de prendre un virage vers l’écologie, malheureusement ce n’est pas pour sauver la planète mais pour des raisons fiscales. Alors si l’on se contente d’une opposition « On ne vous parle pas, on vous emmerde », ils gagnent.
Un mot de conclusion pour donner envie au public de participer au festival ?
S. A. : On va apprendre des choses, échanger avec des personnes maîtrisant leur sujet en profondeur. On sera entourés de gens animés par un esprit joyeux, dans le partage ; cela me semble essentiel.
Infos pratiques :
Le Festival Atmosphères, gratuit, aura lieu du 9 au 13 octobre à Courbevoie : prendre son Pass. Soirée d’ouverture le 10 octobre, avec Swann Arlaud et Claire Nouvian.
CUT ! : liste des évènements.
© Photo de couverture : Swann Arlaud par Josué Pichot