L’écologie selon la série Plus Belle La Vie

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màj en février 2025

Dans Plus Belle La Vie, l’écologie est prise au sérieux, mais pas tous les jours. Une chose est sûre : le feuilleton quotidien emblématique intrigue les chercheurs en sciences sociales pour ses choix narratifs.

C’est LA série. Rien de moins. Un feuilleton qui a dicté les repas devant la télévision pendant 4 665 épisodes diffusés entre 2004 et 2022 sur France Télévisions. Et qui continue, en 2024, avec 2 millions de personnes qui suivent leurs Marseillais préférés tous les jours sur TF1, qui diffuse le feuilleton depuis janvier 2024. Surtout, c’est une série au caractère « intergénérationnel », décrypte Laurence Corroy, professeure des universités qui en a fait un objet d’étude jusqu’en 2020, intriguée par les « ados qui la regardaient » : « France 3 c’est une des chaînes les plus âgées en termes de public. Mais comme le feuilleton se passe à l’heure du repas, on avait des parents qui regardaient, et les enfants avec, et parfois même des pratiques de visionnage avec des grands-parents. »

« Le jour où vous serez novateur »

Un aspect rassembleur reflété à l’image, d’après la chercheuse : « Ça a été une série politique, dans le sens où elle montre une société multi-composite qui arrive quand même à s’épanouir, en encourageant la tolérance, l’inclusion, ne pas trouver que l’argent était une valeur en soi, être dans l’altruisme, le service aux autres, etc. »

Elle décrit une série « chorale » où « tout le monde se sent représenté, excepté les extrêmes », avec tout de même une « sensibilité humaniste » qui la place plutôt à gauche sur l’échiquier politique.

Jusqu’en 2020, la chercheuse a constaté un engagement de la série sur des questions sociétales : « PBLV a accompagné le mariage pour tous, une acceptation beaucoup plus grande de la diversité sexuelle, de la transidentité. » Invitée à une conférence à France Télévisions pour parler de son travail de recherche, Laurence Corroy avait même challengé les scénaristes : « Je leur ai dit : ‘‘Le jour où vous serez novateur c’est quand vous montrerez qu’une jeune femme avorte.’’ Quelques mois après, ils l’avaient fait. »

Dans Plus Belle La Vie, une scène d'avortement

Et l'écologie ?

Qu’en est-il de l’écologie ? Pour bâtir l'une des séquences narratives les plus écolos de toute la série, en 2021, l’équipe de PBLV s’était entourée des associations On Est Prêt et Imagine 2050. « C’est la fibre d’On Est Prêt d’accompagner les leaders culturels à incarner ces nouveaux récits » justifie Magali Payen, fondatrice d’On Est Prêt, dans une interview pour France Télévisions.

La séquence en question montre Lola, une jeune ado écolo, défendre un arbre centenaire qui devait être abattu par la municipalité afin d’y ériger un parking. La comparaison avec la vie de Julia Butterfly Hill, qui a passé deux ans dans un arbre pour sauver une forêt de séquoias millénaires aux États-Unis entre 1997 et 1999, est évidente. Pour échanger avec Lola, c’est l’activiste Camille Étienne en personne qui débarque, offrant un échange à mi-chemin entre fiction et réalité. Lola, perchée dans l’arbre – comme l’ont fait les opposants à l’A69 par exemple – justifie son combat : « Un arbre absorbe 30 kg de dioxyde de carbone par an. Et il fait de l’oxygène avec la photosynthèse, donc en fait sans eux on ne pourrait pas respirer ! » Dans l’emblématique bar du Mistral, sa mère et ses proches suivent le moment en live sur leurs téléphones. Le message passe.

Dans Plus Belle La Vie, apparition de la vraie activiste Camille Étienne pour échanger avec Lola, l'activiste de la fiction

Dans une interview racontant la construction de cet épisode, Camille Étienne se montre enthousiaste : « Je trouve ça chouette que [l’écologie] ne s’arrête pas à des petits gestes [dans la série]. Lola, l’écolo de la famille, c’est devenu une activiste “badass” qui s’est battue pour des trucs beaucoup plus grands qu’elle-même. C’est dire aussi : ‘‘On est concernés, ce sont des combats près de chez nous.’’ L’écologie c’est pas simplement se battre pour les ours polaires. »

En dehors de ce moment fort, la série aborde ces enjeux avec un angle pédagogique, sans les estampiller « écolo ». En septembre 2022, Lola – encore elle –, se lie d’amitié avec un loup qui l’aide à surmonter ses démons mentaux. « J’ai aucune raison d’avoir peur parce que toi tu m’as jamais fait de mal. T’es mon pote, hein ? », lui lâche-t-elle. Une relation humain-loup très éloignée de l'image de cette espèce protégée en France, accusée de nuire aux éleveurs notamment.

Mise en garde contre la finance verte

Dans l’épisode 119, sorti le 21 juin 2024, on apprend que Mirta compte investir de l’argent dans BeBack, la société fictive pour laquelle travaille Steve. Mirta en parle avec Yolande, sa collègue : « Je vais investir dans l’écologie, je me lance dans la Fintech. Je deviens actionnaire dans une société qui fabrique des sacs poubelles à partir des algues. » Dans un premier temps, Yolande relève l’anomalie : « C’est débile, ils feraient pas mieux d’enlever les sacs poubelles directement de l’Océan ? » Puis elle cède, face à l’enthousiasme de sa collègue, qui s’en étonne à son tour : 

« - Vous l’anarchiste, vous allez devenir actionnaire du capitalisme ?
- Le capitalisme solidaire Mirta, pour la planète et un peu pour ma retraite. »

Dans la suite de l’épisode, Steve décrit BeBack à Thomas, curieux d’en savoir plus : « On a investi dans des secteurs en plein boom : les énergies vertes par exemple, ou des algorithmes responsables, moins énergivores en données et plus soucieux de la biodiversité. Les GAFAM font beaucoup d’efforts en ce moment pour verdir leurs centres de données. »

Plus tard, Thomas le relance : « C’est génial ça ! En fait ce sont des investissements intelligents et engagés c’est ça ? » On pourrait croire qu’il s’agit d’une pub bien nette pour la finance verte. Rien de tout ça, à condition de regarder la série les jours suivants. BeBack est en fait une arnaque dont Steve ne savait rien. L’argent investi ne sera jamais rendu. Une sorte de mise en garde des téléspectateurs contre les arguments alléchants de la finance verte ? On aurait aimé poser la question aux équipes de production de TF1, mais elles n’ont pas souhaité nous accorder une interview.

Le réel s'invite dans la fiction

Le 20 septembre, dans l’épisode 174, Mirta – encore elle – participe à une collecte de déchets dans les Calanques de Marseille avec Robert, son flirt. L’évènement est organisé par l’association Clean My Calanques, une association bien réelle et très connue à Marseille. La frontière entre réalité et fiction est une nouvelle fois ténue.

Dans Plus Belle La Vie, apparition de l'association Clean My Calanques

Les deux personnages échangent. « C’est fou le nombre de cochonneries qu’on peut ramasser en quelques heures sur cette plage », lui dit Mirta. Plus tard, Robert lui explique pourquoi il a arrêté le golf : « Toute cette eau dépensée pour des greens, c’est une vraie aberration écologique. » Il a même transformé ses clubs de golf en outils de nettoyage.

Plus belle la société ?

Par son ampleur, PBLV est un formidable objet d’étude de la diffusion des imaginaires écologiques dans la fiction. Charles Menard, doctorant, et Laurence Allard, maîtresse de conférences en Sciences de la communication à l’Université Sorbonne Nouvelle, vont utiliser l’IA pour analyser les représentations liées aux mobilités quotidiennes dans la série.

Pour autant, PBLV n’est pas une série dédiée à l’écologie. Nous avons visionné les cinq épisodes de la semaine du 9 au 13 décembre 2024, et seule deux séquences narratives peuvent se rattacher à ces enjeux environnementaux. La première est construite autour de la réparation d’un petit train en guise de cadeau de Noël – le bilan carbone de Noël étant lourdement plombé par les cadeaux. La seconde est un échange autour d’une tarentule échappée dans une chambre, dont le propriétaire se veut rassurant : « On a souvent peur de ce qu’on ne connaît pas ».

Dans Plus Belle La Vie, Clara, jeune lycéenne, devient Antoine.

Ceci étant dit, lors de cette semaine de visionnage, ont été abordés dans la série les sujets de la parentalité sous toutes ses coutures, les liens familiaux biologiques ou pas, la répartition des rôles genrés au sein du couple… Autant d'enjeux de société qui ne manquent pas non plus d'importance.

Note : La production de la série Plus Belle La Vie accueille également sur les plateaux de tournage des « chargé·es d'éco-production » ou « carbon managers » qui ont notamment pour mission de calculer l'empreinte carbone des tournages.

Nicolas Beublet
Journaliste indépendant (et vélo reporter dès qu'il le peut). Nicolas parle très souvent d'écologie pour les médias Climax, Basta ou Vert. Pour Carbo, il se penche sur les moyens culturels d'en faire un sujet grand public, sans édulcorant à l'intérieur.
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