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🖐 On vous parlait rapidement du scope 4 dans un article sur le périmètre du Bilan Carbone. Aujourd'hui, on vous fait un zoom sur le sujet !
Il y a plusieurs scopes à prendre en compte dans l'évaluation d'un bilan carbone d'entreprise. Historiquement, on parle de :
- scope 1 (tous les gaz à effet de serre émis directement par l'entreprise)
- scope 2 (les émissions indirectes et liées à l'énergie)
- scope 3 (toutes les autres émissions indirectes)
Depuis quelque temps, un petit dernier fait son apparition. Le fameux scope 4.
Dans cet article, on vous explique tout ce qu’il faut savoir sur le sujet (périmètre, méthode de calcul, limites, avantages, perspectives, intérêt pour l’entreprise).
Le scope 4, c’est quoi ?
Une mesure des émissions évitées
Le concept a été inventé par le World Resources Institute. Ce fameux organisme est à l’origine du GHG Protocol (le cadre international autour de la mesure de l’impact carbone).
Cela date de la fin des années 1990. L’objectif était alors d’établir une norme internationale afin de comptabiliser et déclarer les GES générées par les entreprises. Depuis, la démarche a pris de l’ampleur, le champ d’action s’est élargi.
Et voilà que le scope 4 fait son apparition. Alors, à quoi cela correspond ?
Ce sont les émissions qui ont lieu en dehors du cycle de vie du produit, du service ou de la chaîne de valeur. On parle aussi d’émissions évitées. En d’autres mots ? Ce sont tous les impacts potentiels liés à l’utilisation du bien ou service en question. Il y a donc une dimension collective.
Ce scope 4 est complémentaires aux scopes 1, 2 et 3. Il n’est pas encore intégré dans les obligations réglementaires et aucune norme internationale ne cadre encore le sujet.
Un peu perdu sur le bilan carbone ?
On débroussaille le sujet dans ce guide pédagogique
Quelle est la différence entre scope 3 et scope 4 ?
- Les émissions indirectes intégrées dans le scope 3 : Cela permet d’analyser les émissions réelles indirectes liées à l'activité de l’entreprise. Autrement dit ? Ces émissions n’ont pas lieu dans les locaux de la société mais à différents niveaux de la chaîne de valeur (chez un fournisseur, pendant la logistique, etc…).
- Les émissions évitées du scope 4 : Cela fait ici écho aux émissions générées par le client ou l’utilisateur final lors de l’usage du produit/service. Dans ce cas, on ne mesure pas les émissions réelles générées. On compare l’impact de cette solution à l’alternative la plus probable (le train à la place de l’avion, la seconde main à la place du neuf, etc…).
5 exemples concrets
- Un fabricant de vélo électrique : Il permet de remplacer un moyen de transport thermique (comme la voiture) et donc d’éviter les émissions liées à ce dernier (carburant, etc…). Sachez qu’il est d’ailleurs possible d’aller plus loin. Certaines entreprises, comme la marque française Virvolt, proposent des kits permettant d’électrifier n’importe quel vélo. Autrement dit ? On évite la fabrication d’un vélo neuf, en capitalisant sur le vélo mécanique que l’on a déjà chez soi.
- Un fournisseur d’énergie renouvelable : Il permet au consommateur d’éviter au quotidien le recours aux énergies fossiles. Il y a cependant une petite subtilité. En France, les fournisseurs d’énergies renouvelables ne garantissent pas l’utilisation d’énergie verte, étant donné que tout est mis en commun dans le réseau. En revanche, ils s’engagent à réinjecter autant d’énergie renouvelable dans le réseau que celle consommée.
- Un site de seconde main : L’outil proposé permet d’éviter les émissions liées à la fabrication d’un produit neuf. C’est par exemple le cas de Vinted avec les vêtements ou de Back Market avec le matériel électronique.
- Une société de transports durables : Une entreprise qui propose des trajets en train permet ainsi d’éviter l’usage potentiel de la voiture ou de l’avion. Donc les émissions qui sont liées à ce service. C’est par exemple ce que propose la SNCF. Elle communique d’ailleurs de plus en plus largement sur la dimension responsable du train.
- Un logiciel qui permet de faciliter le télétravail : Ce dernier va ainsi faciliter la mise en place d’une stratégie RH avec travail à domicile, et permettre d’économiser les émissions liées à la gestion d’un bureau (consommation plus importante, trajets domicile travail, etc…).
Le scope 4 permet-il une mesure plus pertinente de l’impact de l’entreprise ?
Soyons francs, la réponse est “oui et non”.
Comme évoqué, on se base sur un impact potentiel et non réel. Cela permet donc simplement d’apporter une vision complémentaire et plus fine des émissions de l’entreprise dans son ensemble. On touche ici un sujet qui est à l’origine complexe à chiffrer et pourtant bien réel. Cela permet ainsi de compléter la démarche du bilan carbone. L’entreprise peut ainsi comprendre son impact global et en toute logique mettre en place une stratégie de réduction adaptée.
Prenons un exemple.
Une entreprise fabrique un smartphone.
Avec un bilan carbone classique, elle va mesurer le cycle de vie de son produit (fabrication et logistique en scope 1 et 2, émissions en amont et aval avec le scope 3, etc…). En revanche, elle ne va pas mesurer les émissions estimées qui seraient générées pendant le cycle du produit, et son usage par l’utilisateur final.
Et il y en a un (charge et énergie, réparation, stockage de données, etc…).
En mesurant ces données, l’entreprise peut faire évoluer la conception de sa gamme et réduire une fois de plus son impact et les émissions de gaz à effet de serre générées.
💡 L’ADEME a d’ailleurs réalisé une étude sur le sujet. L’achat d’un téléphone reconditionné plutôt que neuf permettrait d’éviter entre 77% à 91% de l’impact annuel. Cela revient à économiser l’émission de 25kg de CO2eq par année d’utilisation . Pas négligeable donc.
3 avantages à la mesure des émissions évitées pour l’entreprise
- Des produits et services mieux conçus : La mesure de l’impact de l’usage d’un produit/service comparé à son équivalent sert de support pour l’amélioration continue. Cela permet de mieux concevoir la gamme, d’identifier des pistes pour une conception plus raisonnée dès le début.
- Plus de transparence : Cela peut également permettre d’être encore plus transparent vis-à-vis des parties prenantes (investisseurs, fournisseurs, partenaires, etc…) et notamment des consommateurs. Ces données peuvent servir à sensibiliser et permettre aux utilisateurs d’effectuer un meilleur choix lors de l’achat.
- Un élément qui aide à atteindre ses objectifs : Cela permet de connaître les émissions évitées et surtout d’identifier de nouvelles pistes d’amélioration. Cela permet ainsi d’aller dans le bon sens et apporte de la matière en plus pour parvenir à ses objectifs définis.
Comment se calcule le scope 4 ?
Bonne question. Rentrons dans le vif du sujet.
Tout d’abord, il est important de préciser qu’il n’existe pas de norme internationale ou de calcul type. En revanche, la Net Zéro Initiative (NZI) a publié en juin 2022 un super guide méthodologique qui permet de guider les entreprises dans la calcul de leurs émissions évitées.
Pour faire très simple, le calcul est le suivant :
Et pour être plus concret, cela se décline en 3 étapes :
- Calculer les émissions dans la situation avec la solution : il s’agit du bilan carbone (scope 1, 2, 3) pour le produit ou service proposé par l’entreprise.
- Calculer les émissions dans la situation de référence : Il s’agit du bilan carbone (scope 1, 2 et 3) pour la situation de référence.
- Calculer les émissions évitées : Il ne reste plus qu’à soustraire les deux résultats.
💡 Bon à savoir : pour calculer les émissions évitées à l’échelle de l’entreprise dans sa globalité, il suffit de reproduire ce calcul pour l’ensemble des activités de l’entreprise et d’additionner le tout.
Quelles sont les limites de ce périmètre ?
Le calcul se base sur une comparaison avec un scénario fictif de référence.
Cela implique une grande part d’incertitude et de flou potentiel. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles le scope 4 n’est pas intégré de façon obligatoire dans la mesure du bilan carbone. Il est plutôt vu comme une mesure complémentaire, qui vient apporter des informations annexes qui aident l’entreprise à définir son plan d’action pour les années à venir.
Le sujet est également encore naissant et il y a un risque de greenwashing et communication abusive de la part des entreprises. On pourrait rapidement tomber dans le “On a évité 100 tonnes de C02 cette année et donc presque sauvé la planète”.
L'intégration du scope 4 a également une autre limite. Oui, il est pertinent mais pas suffisant. En effet, il permet de mesurer les émissions évitées au regard des émissions globales de l'industrie dans laquelle elle se situe. Cela implique qu’il faut être capable de pousser l’analyse un peu plus loin pour s’assurer qu’il permette réellement d’identifier si on est sur un report d'usage ou si on ne crée pas un usage supplémentaire.
À méditer.