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Financer sa transition énergétique est un enjeu majeur pour les TPE et ETI. A l’occasion du salon PRODURABLE le 13 et 14 Septembre dernier,
- Céleste Nourissat, (Responsable partenariats à impact, Carbo),
- Laurent Roth (Directeur Marketing Entreprise, La Banque Postale),
- Nicholas Vantreese (Directeur Adjoint, Direction de l’Engagement Citoyen, La Banque Postale)
- et Nicolas Vucekovic (Debt Capital Markets | Originateur Senior / Director, La Banque Postale)
détaillent pourquoi et comment entamer sa transition dans les meilleures conditions.
Si vous n’avez pas eu la chance de nous rencontrer lors du salon, retrouvez dans cet article, la retranscription de la conférence des experts sur le sujet 👇
Quelles sont les dynamiques à l’œuvre dans le développement très rapide de la RSE dans les organisations ?
Réponse de Nicholas Vantreese
Le cadre réglementaire
En France, nous observons une forte impulsion réglementaire. Depuis la loi NRE début des années 2000, jusqu’à la loi TECV, puis la DPEF, en passant par la loi DDV et la loi PACTE, le cadre réglementaire français a longtemps donné le tempo.
C’est l’une des raisons pour laquelle les entreprises françaises ont toujours été à la pointe en matière de RSE.
Aujourd’hui l’ensemble du marché européen est rattrapé par le un corpus réglementaire qui s’impose à tous et établit des règles du jeu communes (CSRD, SFDR, Taxonomie, DDV…).
Toutes les entreprises de plus de 250 collaborateurs doivent déployer des plans d’actions et reporter sur leurs réalisations.
Les attentes des parties prenantes pour financer leur transition énergétique
ONG, clients certes, mais aussi (et beaucoup !) les collectivités ! De plus en plus d’appels d’offre incluent des éléments extra-financiers, parfois même construits avec les ONG, et si on ne peut pas y répondre avec sérieux, on passe à côté du marché.
Pourquoi la mesure du bilan carbone est-elle devenue aujourd’hui un incontournable ?
Réponse de Céleste Nourissat
Un bilan carbone est un état des lieux des émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité de l’entreprise directement (scope 1) ou indirectement (scope 2 et 3).
La méthodologie du bilan n’est pas libre, elle est arrêtée par ADEME (Agence de la transition écologique) et fait l'objet d'une certification selon le référentiel ABC (Association pour la transition bas-carbone).
La loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte et le Code de l’Environnement ont introduit le principe d'une Stratégie Nationale Bas-Carbone. Concrètement, c'est une feuille de route qui précise les orientations que la France doit suivre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre avec deux objectifs :
- Viser la neutralité carbone collective d'ici 2050 ;
- Réduire l'empreinte carbone de notre consommation.
Depuis, la réalisation d’un Bilan Carbone est obligatoire en France pour :
- Les entreprises de 500+ salariés (ou 250+ salariés dans les DOM) ;
- Les collectivités territoriales et EPCI de plus de 50 000 habitants ;
- Les établissements publics et services d’État de plus de 250 agents.
Les petites et moyennes entreprises ne sont pas tenues légalement de présenter leur bilan carbone à l’ADEME. Cependant, la Stratégie Nationale Bas Carbone, menée par le Ministère de la transition écologique, prévoit une neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour répondre à cet objectif, le cadre légal devrait s'étendre à l’ensemble des acteurs de l’économie française dans les années à venir. Le message est clair : anticiper le changement plutôt que le subir.
Chez Carbo, nous sommes convaincus que le bilan carbone sera bientôt partout dans nos vies, et qu'il s'agira d'un indicateur incontournable dans la mesure de performance d'une entreprise. Il s’agit en somme d’intégrer à sa stratégie d'entreprise, au même titre qu’un bilan comptable financier, les émissions de gaz à effet de serre converties en facteur comptable CO2. Cela permet de quantifier et prévoir les externalités négatives liées à son activité.
La réalisation d'un Bilan Carbone ® certifié s’inscrit généralement dans une initiative plus globale de développement durable ou de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Autrefois limité aux (très) grandes entreprises, de plus en plus d’ETI, PME et startups prennent conscience de l’intérêt de mieux maîtriser leur impact carbone
Pour synthétiser, réaliser un bilan carbone permet de :
- Anticiper les évolutions de la réglementation
- Comprendre leur impact écologique pour élaborer une stratégie climat et réduire leurs émissions de CO2
- Valoriser leur engagement auprès des collaborateurs, partenaires commerciaux, actionnaires
- Soumissionner à des appels d’offres
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Quels sont les enjeux économiques pour financer sa transition énergétique ?
Les enjeux économiques
Réponse de Laurent Roth
Concernant les enjeux économiques, la transition des modèles économiques permet de palier :
- les risques physiques : augmentation de la sévérité et de la fréquence des évènements climatiques extrêmes
- les risques de transition : passage à un modèle économique bas carbone (changements réglementaires, technologiques, modifications des habitudes de consommation, etc.)
Un monde à 2°pourrait être assurable, un monde à 4°ne l'est certainement pas.
Henri de Castries, Président d'AXA, ClimateFinance Day 2015
L’histoire récente nous a montré la résilience des entreprises en transition contrairement aux entreprises classiques. L’extra financier et le financier ne sont pas 2 planètes lointaines et isolées. Cela s’est particulièrement illustré lors de la crise, pendant laquelle les entreprises engagées se sont montrées meilleures en termes de remboursement des crédits, moins exposées aux sinistres et donc globalement moins risquées.
La grande majorité des études analysées, plus de 2.000 études empiriques, font état d’une relation positive entre utilisation des critères ESG et performance financière. Les études tendent même à démontrer que l’impact positif des facteurs ESG sur la performance financière reste stable dans le temps.
Les enjeux financiers
Réponse de Nicolas Vucekovic
Concernant les enjeux financiers pour financer sa transition énergétique, on voit d’abord un impact direct sur les structures de capital et bilanciels des groupes, avec la prise de conscience que la vulnérabilité des entreprises et les risques financiers sont plus importants qu’imaginés :
- des besoins en financement de plus en plus important, des opérations de M&A pour acquérir des technologies, des marchés ou partager le coût de la transition (ex : secteur automobile)
- les actionnaires accentuent leur pression sur les managements, notamment sur les groupe pétrolier, et
- les créditeurs qui demandent des primes à l’émission et des engagement ESG forts aux entreprise
L’autre aspect des enjeux financiers est l’optimisation des financements :
- On constate une plus forte demande et des fond ESG en croissance, ce qui garantit des spreads de crédit moins élevés et un meilleur accès aux marchés bancaires et/ou désintermédiés
- Les dettes ESG ont aussi prouvé être plus résilientes durant la crise sanitaire avec une surperformance globale vs. les souches non ESG, appelé Greenium
- Les financements ESG tendent à avoir une plus longue durée moyenne, offrant une optimisation supplémentaire pour les entreprises.
En conclusion, on observe que chaque acteur déploie sa stratégie ESG, avec un certain nombre de bénéfices mais aussi de contraintes, sous peine d’affecter sa performance long terme.
Pourquoi les banques et La Banque Postale (LBP) aident les entreprises à financer leur transition énergétique ?
Réponse de Nicholas Vantreese
Les banques ne font pas la transition à la place des entrepreneurs, mais elles ont un rôle central de catalyseur. A travers les flux qu’elles reçoivent et qu’elles réinjectent dans le secteur financier, elles peuvent être facteur d’inerties, ou à contrario moteurs dans la promotion de la transition juste.
D’après le GIEC il faudrait 6 000 Mrds de dollars d’investissements dans le monde chaque année pour suivre une trajectoire de 2 degrés.
Le pouvoir de décision du banquier : un des seuls métiers qui peut refuser de vendre (pour équilibrer son risque) ce qui génère un pouvoir de stimulation pour accélérer les tendances économiques
De ce point de vue, La Banque Postale est le seul acteur bancaire, à être aujourd’hu aligné entre sa politique de « dé-financement » et sa politique de « financement » :
- Le « dé-financement » : avec la fin du financement des énergies fossiles, pour limiter la capacité à en produire, et donc la capacité de nuisance climatique ;
- Le financement de la transition, pour accompagner le développement des solutions de substitution.
La RSE dans l’ADN historique de La Banque Postale
Pour rappel, La Banque Postale est une entreprise à mission depuis février 2022 et couvre 17 000 points de contacts en France qui accueillent 1 million de pers/jour.
Quelques chiffres sur l’engagement dans la transition énergétique de la LBP :
- 22 Md€ de financements en faveur de la transition énergétique
- Pas de financement des énergies fossiles
- 5 ODD de l’ONU prioritaires pour LBP : bonne santé et bien-être, travail décent et croissance économique, inégalités réduites, énergie propre à un coût abordable & lutte contre les changements climatiques
- notation de 1ère banque mondiale en RSE selon Vigeo Eiris.
La RSE est une ambition au cœur du plan stratégique :
- Une des 1ère banques à afficher la neutralité carbone sur l’ensemble de son périmètre opérationnel depuis 2018
- Des encours de placement 100% ISR depuis fin 2020
- Emissions d’un Green Bond d’un montant de 750 M€ en 2019 et d’un Social Bond de 750 M€ en 2021 en refinancement de prêts verts et de prêts en faveur du « logement social » ou de l’accès aux services « essentiels » de santé
- 3 Md€ de projets EnR financés d’ici à 2023.
- Sustainalytic place La Banque Postale première banque française et quatrième mondiale parmi 408 banques, concernant l’engagement citoyen en faveur de la transition juste
Quels sont les moyens mis en œuvre et les solutions en crédits bancaires pour aider les entreprises à financer leur transition énergétique
Réponse de Laurent Roth
Les moyens
Il existe un dispositif commercial LBP qui permet un maillage de l’ensemble des segments et du territoire avec :
- Un coverage réseau avec 115 chargés d’affaires entreprises et 90 chargés d’affaires SPL, répartis dans respectivement 34 centres d’affaires entreprises et 18 centres d’affaires SPL.
- Un coverage Grandes Entreprises, avec une équipe de 1é commerciaux, organisée en secteur d’activité
- Un coverage à qui sert les grands institutionnels
- L’expertise et son rayonnement
- Par la formation : 100% des commerciaux SPL et Entreprises formés à la RSE en 2020. Ce lancement a été une première sur la place bancaire en France. La montée en puissance sur des thématiques d’expertises se poursuit avec de la formation continue à destination des chargés d’affaires entreprises.
- Par les outils mis à disposition des forces commerciales :
- Un pitch client TEE,
- Un questionnaire RSE adressé par les chargés d’affaires à leurs clients. Il permet aux entreprises de structurer leur réflexion autour des enjeux RSE et d’engager des actions supplémentaires ; et de se voir proposer une offre adaptée à leurs besoins
- Des outils d’aide à l’éligibilité de nos solutions de financements durables
Les solutions pour financer sa transition énergétique
Les entreprises attendent des solutions robustes dont on peut mesurer l’impact pour financer leur transition énergétique.
Prêt vert La Banque Postale
- Financement bilatéral fléché vers des investissements à impact écologique positif
- Eligibilité adossée à la taxonomie européenne : immobilier responsable ; énergies, eau et déchets, transports, industrie manufacturière, solutions et infrastructures informatique et télécommunications.
- Critères d’éligibilité vérifiés par La Banque avant la mise en place du financement
- Prêts éligibles à un refinancement par la prochaine émission obligataire verte de LBP, permettant une bonification
Crédit à impact LBP
- Non fléché
- Indexation du taux réalisée selon les indicateurs ESG de l’entreprise. Le taux varie pendant la durée de vie du crédit, en fonction de l’atteinte ou pas de critères RSE (environnementaux, sociaux ou de gouvernance) déterminés entre LBP et le Client à la mise en place.
Exemples de critères : Index égalité H/F ; Taux d’accidentologie ; achats responsables - L’emprunteur fait certifier les indicateurs chaque année par un Organisme Tiers Indépendant
Le format :
- En crédits syndiqués
- En financements bilatéraux
Quelques mots sur le format obligataire qui est également en plein essor
Nicolas Vucekovic
Il y a un essor effectivement fulgurant qui résulte de la combinaisons de plusieurs facteurs :
- d’une très forte demande du marché/des investisseurs apportant les liquidités,
- d’un quadrillage réglementaire aux niveaux étatiques (Taxonomie), bancaires (ICMA) et d’experts (SBTi) sécurisant une standardisation des structures et une meilleure compréhension, et
- la multiplication des projets éligibles aux niveau des entreprises permettant d’allouer ces liquidités dans le cadre établi.
Sur une base de financements principalement dit de Green bonds jusqu’en 2018/19, des nouvelles structures ont progressivement vu le jour : social bonds, sustainable bonds, sustainability linked bonds ou autres blue bonds et rhino bonds. Il est aussi important de réaliser que le covid à jouer un rôle d’accélérateur sur la diversification des offres et des objectifs affichés par les entreprises dans les financements depuis 2020. Peut être le fruit d’une prise de conscience comme évoqué précédemment.
La diversification s’intensifie en termes d’offres, mais également en termes d’émetteurs et de secteurs, contribuant ainsi à augmenter la part des financements ESG dans les volumes obligataires globaux, aujourd’hui proche des 25% (versus circa 5% en 2018). Initialement la chasse gardée des émetteurs SSA, ils ne représentent qu’environ 50% des émissions vues en 2022.
De la même façon, côté entreprise, les secteurs infra et utilities étaient naturellement pionniers sur les financements verts, aujourd’hui les foncières, les telcos, les retailers, les industriels et autres ont accès à ces marchés et sont d’ailleurs le moteur de la finance ESG.
Si nous revenons sur les différentes structures de financement de marché que nous mettons en place pour les entreprises, il y a deux grandes catégories : les financements avec une utilisation des fonds bien définie d’un côté, et les financements entrant dans la stratégie globale de l’entreprise de l’autre.
La 1ere catégorie, avec un use of proceed détaillé, inclut principalement les green bonds, finançant des actifs avec un impact environnemental fort (énergies renouvelables, immeubles et transports bas carbone, etc.), les social bonds finançant des actifs axés sur l’Humain (accès aux soins ou aux services essentiels) et les sustainable bonds qui viennent financer des projets diverses touchant aux thématiques vertes et/ou sociales.
La 2e catégorie, sans use of proceeds clairement définit, inclut principalement les sustainability-linked bonds et vise à accompagner l’entreprise dans sa stratégie ESG globale : réduction des GES Scope1/2/3, % d’utilisation d’énergies renouvelables, réduction des déchets, objectifs de formation, d’accidents du personnel, etc.
Quel que soit le format choisi, le préalable reste d’établir un framework détaillant les actifs éligibles et le suivi des financements. Ce framework est construit par l’entreprise avec sa banque, notamment La Banque Postale, et est validé par des experts externes et auditeurs.
En conclusion, la généralisation des financements ESG est fondamentale, intégrant toujours plus d’acteurs pour tendre vers les objectifs de transition énergétique.
Outre le financement, comment les clients sont-ils conseillés ?
Réponse de Céleste Nourissat
Une approche opérationnelle
Dans le cadre du partenariat mis en place avec Carbo, les conseillers de la banque postale vont mettre en relation les entreprises qui souhaitent s'engager dans un bilan carbone avec l'équipe Carbo.
En quelques mots, Carbo est une start-up engagée qui accompagne les PME-ETI dans le calcul et le pilotage de leur empreinte carbone sur les scopes 1,2 et 3, grâce à un outil digital collaboratif et beaucoup de pédagogie !
Comment ?
- mise à disposition d'un outil qui permet de collecter les données, analyser ses résultats
- accompagnement par un expert bilan carbone sur toutes les étapes
Notre fil conducteur ? Allier pédagogie et Technologie pour rendre le bilan carbone accessible à ces entreprises
Quelles sont les étapes ?
Etape 1 : Collecte d’informations auprès des entreprises via la plateforme en ligne et / ou envoi de données brutes (questionnaires qui permettent ensuite de mener des actions pour réduire l’intensité carbone)
Etape 2 : Revue, vérification et certification du bilan carbone par un expert
Etape 3 : Analyse du bilan carbone et définition d'une trajectoire de réduction pour :
- identifier ses postes d'émissions principaux
- modéliser l'évolution de son bilan carbone dans le temps en fonction des perspectives de croissance de l'entreprise
- prendre des engagements et structurer sa démarche environnementale en définissant un objectif de réduction ambitieux et actions quantifiables échelonnées dans le temps.
Le conseil extra-bancaire passe aussi par l’aide à l’autofinancement. Quels sont les dispositifs ?
Réponse de Laurent Roth
Vous pouvez passer par les Certificats d’économie d’énergie (CEE) en partenariat avec Économie d'Énergie (EDE), filiale du groupe La Poste.
Qu’est-ce qu’un CEE ?
Un CEE est un document émis en accord avec l'Etat qui prouve qu'une action d'économie d'énergie a été réalisée par une entreprise, un particulier ou une collectivité publique. Il a pour but de valider les baisses de consommation d’énergie.
Fonctionnement de l’offre pour financer sa transition énergétique
⦁ Les bénéficiaires (entreprises, ménages…) réalisent des travaux de rénovation énergétique et sont éligibles à capter des CEE
⦁ L’Etat émet les CEE et les envoie à EDE
⦁ EDE monétise les CEE, les vend aux acteurs obligés (distributeurs de carburant, fournisseurs d’énergie) et reverse le produit de la vente aux bénéficiaires sous forme de primes.