Comment faire preuve de résilience dans un monde qui s’effondre ? Incursion dans la BD Les Terrestres, signée par l’éternel écolo Noël Mamère et l’illustratrice Raphaelle Macaron, une porte d’entrée dans le monde de la collapsologie et de la transition écologique.
Le 2 décembre 2015 sortait au cinéma le film Demain, le docu qui a marqué un tournant dans le discours écolo. Son idée révolutionnaire : montrer les solutions d’aujourd’hui pour construire le monde de demain. Cinq ans plus tard, c’est ce même message d’espoir teinté de réalisme, que l’on retrouve dans Les Terrestres (éditions du Faubourg), une série de reportages dessinés, nés d’une alliance improbable entre un vieux politicien moustachu et une jeune dessinatrice libanaise.
Le rôle de l’effondrement
Les Terrestres c’est l’histoire d’une rencontre entre Noël Mamère, soixante-huitard, et éternel abonné du mouvement écologiste, et Raphaelle Macaron, une jeune illustratrice libanaise de la génération Y. Pendant un an, ils partent à la découverte de celles et ceux qui ont choisi la résilience face à l’effondrement probable de notre civilisation.
Pendant 140 pages, on suit le parcours de ce duo de choc qui nous emmène de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes à la Ferme Légère (un écolieu dans le Béarn), en passant par le village de Langouët en Bretagne. Avec à chaque nouvelle rencontre, la question signature de Noël Mamère : « Et vous, quel rôle a joué l’effondrement dans votre projet ? »
À travers les personnages interviewés, on découvre le déclic qui leur a donné envie de changer de mode de vie. À la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, Jean-Guy du collectif des « Cent noms » raconte : « Je ne supportais plus de vivre ce confort sur le dos des autres, ici on met en pratique nos utopies ». L'important c’est donc de porter les valeurs du collectif car l’action individuelle ne suffit pas.
À la Ferme Légère, nos deux compères rencontrent Valérie qui a une vision nettement plus pessimiste de l’effondrement. « Ce qu’on fait ici ça a du sens au quotidien, ça prépare un peu le futur. Mais je doute que ça change le monde, et ça ne change rien à ce qui nous attend... »
Alors qu’à Langouët, baptisé « village le plus écolo de France », ils abordent plutôt la question de la politique, avec le maire qui leur raconte sa frustration face au décalage entre « le temps politique et celui de la société ».
Prise de conscience écologique et deuil d’un futur incertain
En parallèle de leurs aventures, le lecteur suit également une autre histoire. Celle de Raphaelle, la dessinatrice, qui entend parler pour la première fois d’effondrement au tout début de la BD. À chaque nouveau reportage, on suit son cheminement personnel, qui passe d’abord par le déni, la peur, puis la colère et avec elle l’envie d’agir.
À travers ses dessins, l’illustratrice nous plonge par moments dans une atmosphère angoissante, reflet de ses émotions face à une situation qui échappe à son contrôle. Entre deux reportages, elle dévoile sa détresse intérieure : « Si tout va se casser la gueule, qu’il n’y aura plus d’eau, plus de pétrole, et qu’un mec comme Noël n’a pas le courage de changer de vie, je ne vois pas ce que quelqu’un comme moi peut bien faire… »
Les Terrestres est avant tout un récit cathartique qui invite le lecteur à vivre en même temps que la jeune femme, le deuil d’un futur illusoire, afin de laisser place à un nouvel imaginaire. L’enjeu pour Raphaelle, comme pour chacun d’entre nous, étant de trouver sa place dans ce monde incertain.
Comment on vit avec ça ?
Tout au long de leurs aventures, il y a un nom qui revient constamment sur la table. Celui de Pablo Servigne, père de la collapsologie et co-auteur de Comment tout peut s’effondrer, l’ouvrage fondateur de ce mouvement.
À la fin de la BD, nos deux acolytes profitent du passage de cet illustre personnage à Paris pour réaliser une dernière interview. Pablo Servigne revient sur les fondements de la collapsologie. Il explique que c’est simplement « partir de ce qu’on a et faire avec, pour arriver à un monde le moins brutal possible. »
En fait, pour le chercheur, il y a aujourd’hui trois questions à se poser : « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Comment on s’organise ? Et comment on vit avec ça ? »
L’interview se termine sur un message d’espoir de la part du collapsologue : « L’effondrement ça fait peur, mais c’est la peur qui montre le chemin du courage ! »
Trois ans après la sortie de la BD, de plus en plus d'initiatives similaires voient le jour, prouvant que s’il y a bien une chose qui ne s’effondrera jamais, c’est l’espoir.