Chanteur, compositeur, poète, écrivain… Reconnu comme l’un des auteurs les plus prometteurs de sa génération, Gaël Faye se sert de sa plume pour écrire tout haut ce que l’on pense tout bas. Zoom sur les textes de ce rappeur engagé qui parlent d’injustice, mais aussi d’écologie.
« Seule la musique sera ma catharsis ». Né d’une mère rwandaise et d’un père français, Gaël Faye passe son enfance au Burundi jusqu’en 1994, quand la guerre oblige sa famille à fuir le pays pour venir s’exiler en région parisienne. Il a 13 ans et doit redémarrer à zéro dans un pays inconnu. Il trouvera alors son salut dans la musique et l’écriture.
28 ans plus tard, on ressent encore dans son dernier EP, Mauve Jacaranda, la présence de ce traumatisme qu’il a transformé en force. Au fil du temps, il en a fait un plaidoyer contre les injustices sociales et le racisme… mais pas que.
La cause sociale n’est pas la seule pour laquelle Gaël Faye prend position. Depuis la sortie de son album Lundi Méchant en 2020, et plus récemment l’EP Éphémère, en collaboration avec Grand Corps Malade et Ben Mazué, on sent dans ses textes l’envie grandissante d’alerter sur la crise climatique et écologique.
Un engagement de plus en plus présent
Dans sa chanson Respire, tirée de l’album Lundi Méchant, l’artiste nous transmet l’anxiété qu’il ressent face aux dérives de notre société. Il décrit le quotidien d’une personne lambda en région parisienne, le fameux « métro, boulot, dodo », reflet pour lui d’une vie vide de sens.
C’est dans cette chanson qu’il mêle pour la première fois à niveau égal, considérations sociales et climatiques.
Pourtant ce n’est pas la première fois que l’artiste évoque sa peur face au changement climatique. En 2017, il sort dans son EP Rythmes et Botanique, la chanson Irruption, dans laquelle il exprime un sentiment de résignation face à l’avenir qui nous attend : « On n'a plus 20 ans mais on n'aura jamais 60, car on bouffe du bisphénol à l'heure d'une planète suffocante ».
Mais ce n’est qu’en 2022, lorsqu’il collabore avec Grand Corps Malade et Ben Mazué pour sortir un EP commun, que le discours de Gaël Faye sur la cause climatique commence véritablement à s’affirmer. La chanson La Cause en particulier, est un plaidoyer pour les trois chanteurs. Ils y déclarent haut et fort que les artistes peuvent, et ont en quelque sorte le devoir, de prendre position sur les causes écologiques et sociales.
Au regard de cette évolution, on peut s’attendre à retrouver dans les prochains textes du chanteur un engagement grandissant en faveur de la cause environnementale. En tout cas on l’espère fortement !
Des textes anxiogènes pourtant remplis d’espoir
À travers l’ensemble de son œuvre, Gaël Faye nous partage sa recherche constante d’équilibre entre l’anxiété qu’il ressent face à un monde hostile, et l’espoir de parvenir un jour à changer les choses.
Sa chanson Tôt le matin traduit très nettement cette ambivalence, avec une envie presque violente de fuir la ville où « la foule est un zombie » et dans laquelle « il meurt », pour se réfugier dans la quiétude de la nature, et trouver en lui les ressources pour agir.
Même dans sa chanson Respire, où le rythme effréné transmet à celui ou celle qui l'écoute un sentiment d’angoisse permanent, l’artiste a choisi pour son refrain un message d’espoir qu’il répète en boucle : « Quand rien n'est facile, respire (...) et si tout empire, espère. »
Finalement, face à la situation du monde aujourd’hui et l’anxiété que l’on peut ressentir face à cela, Gaël Faye nous dit qu’il est toujours possible d’aller de l’avant. Que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir !
La puissance des rêves pour imaginer le monde de demain
Le rappeur l’a bien compris, pour faire bouger les choses il faut avoir l’espoir que demain sera meilleur qu’hier. Et pour espérer, il faut d’abord rêver..
Dans ses textes on retrouve souvent le même message : c’est par la puissance des rêves que l’on réussira à sortir de cette morosité et que l’on pourra imaginer le monde de demain.
Sur ce point, le discours de Gaël Faye rejoint celui de figures du mouvement écologique comme Pablo Servigne (Une autre fin du monde est possible) ou encore Julien Vidal (2030 Glorieuses), qui parlent du besoin de construire des nouveaux récits, un imaginaire collectif qui donne envie de se mettre en mouvement.
« On viendra vous faire la guerre avec la parole poudrière »
Bien qu’il dise « je crois aux rêves pas aux révolutions » (La Cause), Gaël Faye reste lucide. Il a conscience que rêver ne suffit pas ; qu’il faut aussi se mettre en action si l’on veut que les choses bougent.
Dans sa chanson Des graines sortie en 2022 (EP Mauve Jacaranda), comme dans de nombreux autres de ses textes, le rappeur a recours à un registre violent. Celui de la révolte et de la révolution.
Cela relève-t-il d’une métaphore ou bien d’une véritable incitation à la révolte ? En tout cas, lui a choisi son moyen d’action : la parole. Par sa plume, il dénonce les dérives de ce monde tout en inventant celui de demain. Et à en croire ses derniers textes, il ne compte pas s’arrêter de sitôt !
Aller, on vous laisse sur cette phrase remplie d’espoir, à garder précieusement pour les moments où tout paraît foutu : « Bien qu’on tombe constamment sous le feu de leurs haines, s’ils nous enterrent ils perdront car nous sommes des graines ! » 💪
Crédits de la photo de couverture : Gaël Faye - PAM - L'homme plein d'exils - 2018