Depuis le 17 janvier et jusqu'à septembre 2024, la fondation Groupe EDF invite 23 artistes à l'occasion de sa nouvelle exposition « DEMAIN EST ANNULÉ... de l’art et des regards sur la sobriété ». L'occasion de questionner notre comportement face à l'urgence écologique tout en faisant une large place à la question de la mondialisation et des inégalités.
Surprenantes, humoristiques, dérangeantes, poétiques. Dès les premiers pas dans la galerie, deux œuvres donnent le ton de l'exposition. La première consiste en trois toiles inspirées des « warming stripes » du climatologue Ed Hawkins par l'artiste français Rero. Elles se dressent devant nous, offrant une représentation simplifiée mais puissante du réchauffement climatique. Les rayures bleues et rouges, dévoilent les écarts de températures par rapport aux normales sur plusieurs décennies. Plus la bande est foncée, plus l’écart de température est grand, alertant ainsi sur l'ampleur du phénomène. C’est à travers ces lignes que les phrases emblématiques de Rero doivent être interprétées, à la fois incisives et mystérieuses. Tel un rappel de nos paradoxes, ce triptyque interpelle visuellement avec ses mots systématiquement barrés, niant leur signification même lorsqu'ils sont lus. Ces oxymores visuels posent à chacun de nous une question cruciale : comment réagir face à la réalité d’un monde en mutation ?
La seconde œuvre sur laquelle tombe notre regard rappelle le lien entre dérèglement climatique et dérèglement économique. L'artiste franco-espagnole Bianca Argimón propose une réinterprétation satirique des traditionnels jardins zen, façon capitalisme. Plantés dans le sable en guise de bonsaïs, on trouve des travailleurs de la City en costume, le tout sur fond d'une bande son ASMR composée de bruits d'objets du quotidien comme des billes ou des claviers d’ordinateur. Avec humour et subtilité, l'artiste franco-espagnole Bianca Argimón met ainsi en lumière le tumulte de la vie moderne, et dénonce les travers d'une société obsédée par l’économie. Les hommes de pouvoir préféreraient faire l'autruche plutôt que d'affronter les défis sociaux et environnementaux qui les entourent…
Le rêve est terminé
Plus loin, l'œuvre provocatrice « Burn Them all » de Jordan Roger, plus jeune artiste de l’exposition, invite à réfléchir sur l'identité, l’acceptation et l'industrie du divertissement. En juxtaposant l'allure enfantine et féerique du célèbre château de Walt Disney avec des flammes et un titre violent, l'artiste nous confronte à une réalité brutale, éloignée des contes de fées. Cette œuvre trouve son origine dans la réaction de l'artiste à la loi controversée « Don't say gay », promulguée en 2022 en Floride, qui interdit aux professeurs d'aborder les sujets liés à l'orientation sexuelle ou à l'identité de genre. Cette loi a mis en lumière les liens financiers entre Disney et certaines organisations politiques de cet État.
Ailleurs dans l'exposition, « Land of Coca-Cola and Colgate » du sculpteur zimbabwéen Moffat Takadiwa, offre une critique percutante de la mondialisation, de la surconsommation et de la relation inégale entre les pays développés et les pays en développement. En utilisant les déchets comme matière première pour créer des œuvres d'art, l'artiste met en lumière le potentiel de transformation et de réutilisation, tout en soulignant le fardeau imposé aux communautés africaines qui sont souvent confrontées à la gestion des déchets importés. À travers une mise en scène visuelle frappante, reprenant la forme du costume traditionnel du Zimbabwe, l’artiste rappelle également les implications historiques et coloniales.
Prospérité matérielle n'est pas synonyme de bien-être
L’exposition ne dénonce pas seulement les dérives de l'Anthropocène, mais nous invite à réfléchir sur notre avenir commun et sur les inégalités, sans jamais tomber dans la caricature. Par exemple, la série de photographies « Home Pharma » de l’artiste Gabriele Galimberti révèle les disparités d’accès aux soins dans le monde. Une des photographies dépeint la réalité des soins dans les milieux défavorisés tels qu’Haïti, tout en mettant en lumière l'importance, souvent négligée, de la médecine traditionnelle. À proximité, d'autres clichés exposent l'abondance de médicaments dans des sociétés plus développées, soulevant des préoccupations sur la surmédication et la dépendance à la pharmacologie. Avec une touche d'ironie, cette œuvre nous rappelle que la prospérité matérielle n'est pas toujours synonyme de bien-être : une importante partie de notre consommation de médicaments est constituée d’antidépresseurs.
« DEMAIN EST ANNULÉ... de l’art et des regards sur la sobriété ». Une exposition à retrouver jusqu'au 29 septembre 2024, entrée gratuite sur réservation, du mardi au dimanche, de 12h à 19h, et des nocturnes les jeudis jusqu'à 22h. L'Espace Fondation EDF est situé au 6 rue Juliette Récamier, 75007 Paris.
