Depuis quelques semaines, le claviériste de Rammstein s’affiche dans un clip sur l’urgence environnementale pointant la responsabilité de son industrie. L’ennui, c’est qu’il n’invite pas à changer grand-chose à part… les gobelets.
180 semi-remorques, plus de 1 000 tonnes de matériel, 2 scènes de 70 mètres de large et 40 mètres de haut… Voici « quelques-uns » des éléments qui composent l’infrastructure gargantuesque du Rammstein Stadium Tour, la tournée des stades du sulfureux groupe de métal allemand connu pour ses concerts démesurés. Ces chiffres ahurissants ont été dévoilés dans une vidéo TikTok publiée sur le compte Out of Phase tenu par Corentin Bulard, un ingénieur du son qui vulgarise l’ingénierie technique des concerts. D’après la vidéo, il s’agit de la plus grosse tournée du monde dont la logistique colossale serait incomparable avec d’autres. Initiée en 2019, elle s’achèvera à l’été 2023 après 104 concerts entre l’Europe et l’Amérique du Nord. À titre de comparaison, la tournée Reise, Reise de 2004-2005 n'avait demandé « que » 10 à 13 semi-remorques, dispositif qui s'est étoffé au fil des années, gonflé par le goût du groupe pour la démesure et les effets pyrotechniques.
Chaque date immobilise un stade pendant 10 jours consécutifs. Le montage de la scène requiert 7 jours de travail en mobilisant pas moins de 300 techniciens. Le chantier est tel que la scène en question a été répliquée en un second exemplaire identique pour faciliter l'enchaînement des concerts. Quand le groupe joue sur l’une, l’autre est déjà en construction dans la ville ou le pays suivant. En cas de transport par les airs, ce sont sept Boeing 747 qui sont nécessaires pour déplacer tout cet univers. Quant au show en lui-même, rien que les effets pyrotechniques demandent de brûler 1 000 litres de fioul, auxquels il faut rajouter – entre autres – la consommation électrique des 2 000 projecteurs et 370 enceintes.
Autant dire que ce déferlement scénique spectaculaire ne fait pas de Rammstein un grand ami de l’écologie… Pourtant, depuis quelques semaines, leur claviériste Christian "Flake" Lorenz s’affiche dans une campagne pour sensibiliser à la protection de la planète. Une courte vidéo de deux minutes qui le met en scène avec sa propre fille dans un futur apocalyptique.
Assis dans un bunker à l’atmosphère lugubre, la jeune fille lui reproche, à lui et toute sa génération, d’avoir détruit la planète. Mais alors qu’elle dénonce certains abus du groupe : « Toi et ton groupe, en tournée constamment, avec des shows gigantesques, des milliers de camions… Pourquoi faire au final ? », la vidéo prend une tournure inattendue. Loin de demander une remise en question ou un mea culpa critique de ces gigantissimes tournées ou de la surproduction de l’industrie musicale, l’adolescente termine son discours en pointant simplement… la consommation de gobelets : « Vous avez dû gaspiller des millions de gobelets ! Rien qu’en Allemagne plus de 2 milliards de gobelets sont jetés chaque année ». Menée en collaboration avec l’association Better World Cup, la vidéo s’achève en affichant un message de prévention indiquant : « Pour protéger l’environnement, utilisez des contenants réutilisables ! C’est plus facile que vous ne le pensez ! ».

Dommage de devoir encore le préciser : dans un monde en route pour les +2°C, les gobelets réutilisables sont loin d'être à la hauteur pour nous sauver... Dans ce contexte, on ne retient du clip qu'un témoignage de plus du décalage abyssal entre l’insoutenabilité de nos modes de fonctionnement et les actions de communication auprès du grand public. Si « le soleil arrive » (« Hier kommt Die Sonne »), comme le chante le groupe dans l’un de ses tubes, le changement climatique, lui, est déjà là.