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La solastalgie est le « mal du siècle» et le terme est repris dans le rapport du GIEC : le concept de solastalgie fait la une des journaux du monde entier. Il s’invite même dans votre vie quotidienne : sueurs froides lorsque l’on vous parle changement climatique, frissons à l’idée d’atteindre les +2 degrés avant la fin du siècle, voire dépression suite à l’échec de la COP26 ? Pourtant, même si ce terme ne date pas d’hier,comment expliquer l’émergence de cette détresse psychologique associée à un sentiment d’impuissance ? Et surtout, comment surmonter ce mal-être ? Eco-anxiété ou solastalgie, Carbo décrypte le sujet.
Solastalgie et éco-anxiété : tout savoir sur ces concepts
La solastalgie, une détresse psychologique
La solastalgie désigne la détresse psychologique et la souffrance existentielle liée à la prise de conscience d’une urgence écologique. Le réchauffement climatique, perçu comme un phénomène irréversible, provoque cette solastalgie.
La solastalgie est «l’expression du lien qui existe entre la détresse des écosystèmes et la détresse psychologique, quand la première engendre la seconde » (d’après le livre L’éco anxiété d’Alice Desbiolles)
Le concept est par ailleurs étroitement lié à celui de la collapsologie puisque la solastalgie intègre le constat d’un effondrement des écosystèmes et du monde ayant un effet miroir sur un effondrement plus personnel.
Certains disent qu’il s’agit également d’un stress pré-traumatique s’exprimant par plusieurs types de symptômes tels que :
- la tristesse,
- l’anxiété,
- l’insomnie,
- l’anorexie,
- la dépression.
Quelle différence avec l’éco-anxiété alors ?
Une différence liée aux émotions
Les deux termes sont fortement corrélés, leur définition a tendance à se recouper. L’éco-anxiété est une inquiétude qui n’implique pas forcément un état dépressif. Si la solastalgie peut prendre la forme d’une éco-anxiété, l’éco-anxiété n’est pas solastalgie.
Comme son nom l’indique, il s’agit d’une anxiété liée à l’environnement et aux dérèglements climatiques. L’éco-anxiété ne regroupe pas les sentiments tels que l’impuissance, la tristesse ou la culpabilité. La solastalgie permettant une diversité et une palette d’émotions plus intenses.
On peut aller plus loin, comme l’explique la psychothérapeute spécialiste de la solastalgie Charline Schmerber : l’éco-anxiété n’est pas une pathologie. En effet, ce sentiment serait davantage une «réaction émotionnelle normale compte tenu de la situation et de l'ampleur de l'enjeu. Je dirais d’ailleurs que celles et ceux qui ne sont pas éco-anxieux ne sont simplement pas assez informés.»
Une différence de temporalité
Finalement, c’est l’incertitude qui devient le socle de l’éco-anxiété : comment puis-je imaginer mon avenir alors même que le réchauffement climatique soulève de nouvelles problématiques non résolues dans le présent ? Voilà la source de l’angoisse : je n’arrive ni à me projeter, ni à construire mon avenir.
L’éco-anxiété est donc une peur par anticipation : elle se fonde sur l’avenir alors que la solastalgie est vécue sur le moment présent. Glenn Albrecht aurait en effet évoqué la solastagie comme une «expérience immédiate, une détresse à la fois rétrospective et présente. Elle diffère de la nostalgie d’un endroit qu’on quitte, c’est une expérience de la perte d’un environnement familier qui se dégrade. L’éco-anxiété a une dimension plus prospective, elle est relative à la manière dont on perçoit l’avenir » (selon les propos de Charline Schmerber)
Histoire des termes solastalgie et éco anxiété
L’éco-anxiété, le premier né
L’éco-anxiété naît bien avant la solastalgie, dans les années 90. La journaliste Lisa Leff, l’utilise lorsqu’elle écrit un article de journal sur la pollution dans la baie de Chesapeake et l’inquiétude associée à cette dernière.
La solastalgie de Glenn Albrecht en lien avec l’environnement
Le concept de solastalgie émerge avec Glenn Albrecht, philosophe de l’environnement australien en 2003 qui fait le lien entre la détresse environnementale et la détresse psychique.
Il recueille de nombreux témoignages des habitants de la Hunter Valley en Australie. Ces derniers constatent le développement de mines à ciel ouvert, modifiant à perte de vue leur environnement et le polluant. Ne se sentant plus chez eux, ces habitants se sentent impuissant face à la dégradation de leur environnement.
Albrecht décide donc de nommer et conceptualiser cet état mental et ce sentiment d’impuissance corrélée à la dégradation de l’environnement. Ainsi naît la solastalgie : formé du latin solacium (le réconfort, le soulagement) et du suffixe grec algia (relatif à la douleur).
Dans son article datant de 2007 Solastalgia' A New Concept in Health and Identity, il expose le cheminement intellectuel menant à la création du terme «solastalgia ». Le terme « nostalgie » est apparu comme pertinent pour Albrecht. En effet, la nostalgie renvoie à la mélancolie et au mal du pays ressenti par les personnes vivant loin de leur maison.
Ainsi, la solastalgie sera construite en opposition à la nostalgie. La nostalgie, comme regret du passé mais avec une note positive, est le contraire de la solastalgie, le regret du futur avec une note négative.
« Le mal du pays, c'est le pays que l'on quitte. La solastalgie, c'est le pays qui nous quitte. » d’après Alice Desbiolles.
… étendue aux changements climatiques
Baptiste Morizot applique le concept de solastalgie au sentiment d’impuissance face aux changements climatiques en 2019, dans son article « Ce mal du pays sans exil. Les affects du mauvais temps qui vient ». Ainsi, la solastagie est la « nostalgie d’un foyer pourtant bien présent, mais qui fuit sous les pieds, sans qu’on l’ait quitté un instant » (Morizot)
Cela s’explique par des phénomènes et des changements inquiétants tels que l’extinction d’espèces ou la fonte des glaces par exemple. Morizot, par ailleurs, évoque un « temps du mythe » qui serait transition et métamorphose donc nécessairement instable.
🖐L’éco-psychologie, une branche de la psychologie, s’attache à étudier depuis les années 1990, la dimension psychologique de la crise écologique. L’éco-psychologie souhaite réconcilier l’être humain et la nature.
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La solastalgie, c’est moi, c’est toi, c’est nous ?
Selon un sondage Ifop, 85 % des Français en 2018 se déclarent inquiets face au changement climatique dont 29% se considèrent comme étant très inquiets ! Preuve que vous n’êtes pas seul.e face à vos émotions. Et c’est finalement une bonne nouvelle que d’être sensible voire inquiet.e face au changement climatique.
L’éco-anxiété toucherait davantage les jeunes…
Les études démontrent que les jeunes sont plus soucieux de leur avenir au vu des dérèglements climatiques que les plus vieux.
« Les risques liés au changement climatique sont identifiés, par les jeunes de 15 à 35 ans interrogés, comme l’enjeu environnemental et sanitaire le plus important de nos jours : 59% des interviewés estiment qu’ils sont un des risques les plus préoccupants » d’après le sondage IFOP.
Une autre étude sur l’anxiété climatique des jeunes, parue dans le journal The Lancet et fondée sur un sondage auprès de 10 000 jeunes de 16 à 25 ans dans 10 pays dont la France, indique que :
- 45 % des 15-25 ans ressentent de l’anxiété à propos de la crise climatique,
- 75% des 15-26 ans voient le futur comme « effrayant »,
- 56% jugent que « l’humanité est condamnée ».
Une anxiété qui se répercute au quotidien, allant du sommeil à l’alimentation en passant par le travail et les loisirs. Ils sont :
- 55% à estimer que la crise environnementale impactera leur vie professionnelle et personnelle en leur donnant moins d’opportunités que n’ont eu leur parent,
- 52 % sont inquiets et pensent que la sécurité de leur famille « sera menacée »,
- 39% hésitent à avoir des enfants,
Ils sont 59% à juger « très » ou « extrêmement inquiets » le réchauffement du climat dans le monde.
🖐 La toute récente enquête sur les FRACTURES FRANÇAISES menée sur 983 personnes révèle que la protection de l’environnement est la deuxième préoccupation des Français. La première place revenant à l’épidémie de Covid-19 (enquête effectuée en août 2021). 82% réclament des «mesures rapides» sur le sujet et sont prêts à changer leur mode de vie.
… mais n’est pas l’unique émotion
Charline Schmerber a produit une enquête sur l’éco-anxiété menée entre septembre et octobre 2019 auprès de 1264 participants. Ainsi l’anxiété n’est pas nécessairement la première émotion ressentie ;
- 84 % des personnes interrogées affirment ressentir d’autres types d’émotion,
- la colère pour 24 % des sondés,
- la tristesse à hauteur de 18 %,
- et 9 % pour l’impuissance.
30% des répondants de l’enquête ressentent tellement cette angoisse, que leur santé physique en pâtit. 67% en revanche, se tournent vers des actions concrètes pour inverser la tendance.
🖐L’enquête a aussi montré que les inquiétudes tournaient autour de l’érosion de la biodiversité, les ressources en eau (quantité et qualité), et le réchauffement climatique.
Les trois profils d’éco-anxieux
La psychothérapeute distingue trois profils d’éco-anxieux :
- militant lié à une activité axée sur le développement durable, donc faisant face à des problématiques sur le climat. Ce profil est dans un 'burn-out écologique', sans espoir pour l’avenir ;
- sensibilisé à la collapsologie avec un sentiment d’urgence et le besoin de trouver des solutions. Ils ont besoin d’être accompagné et d’être rassuré ;
- sentiment d’être en décalage avec la société dans laquelle ils vivent. Le concept de solastalgie et d’éco-anxiété permet de mettre un terme sur ce qu’ils ressentent.
Gérer la solastalgie au quotidien, rien de sorcier
«La détresse solastalgique est parfaitement normale : elle indique que vous avez un lien puissant avec votre environnement, et que vous souhaitez le conserver», Glenn Albrecht, philosophe. Alors, respirons ensemble et inspirons nous de l’article du News Scientist portant sur le stress lié au changement climatique qui nous donne quelques conseils pour faire face à l’éco-anxiété.
🖐 N’hésitez toutefois pas à consulter un médecin car ces bons conseils ne peuvent remplacer l’avis d’un expert sur le sujet. Méditation, gestion du stress ou encore relaxation peuvent également être une solution à vos angoisses.
Solastalgie, vivre en cohérence avec ses valeurs
Si vous angoissez, c’est parce que vous avez peut-être peur de ne pas faire assez ou de ne pas être à la hauteur face aux événements climatiques dans le monde ? Pensez au fait que vous avez le contrôle et le choix dans votre vie.
Place aux éco-gestes citoyens dans votre vie personnelle mais aussi dans votre vie professionnelle ! Visez la cohérence sur tous les plans de votre vie pour être en adéquation avec vos valeurs.
Solastalgie, apprendre à accepter l’ampleur des dégâts
On ne peut pas être responsable de tout, partout et du monde entier. Si mamie ne trie pas ses déchets ou si papi refuse d’arrêter de prendre l’avion, on ne pourra pas les changer. Concentrez-vous sur vous et ne vous désolez pas de toute la misère du monde.
Apprenez également à ne pas toujours réussir; ce que vous faites n'est pas une goutte d’eau dans l’océan, mais la goutte d’eau qui forme la transition ! Oui, vous avez votre part à faire individuellement, mais ne vous laissez pas avoir par les discours culpabilisants de grandes marques ! Elles doivent aussi porter leur responsabilité, à commencer par la transparence.
«Les systèmes dans lesquels nous nous trouvons nous forcent essentiellement à nuire à la planète, et pourtant nous mettons toute cette honte sur nos propres épaules» évoque Emma Marris, militante écologiste au NewScientist. Selon elle, la honte ne fait pas avancer les choses : faire le mieux possible c’est mieux que ne pas faire le possible (ou faire l’impossible)
Faire changer le système, pour moins de solastalgie
L’article du NewsScientist précise que le travail collectif et en collaboration est facteur de réussite. Alors agir individuellement oui et agir pour faire changer les choses à une échelle mondiale encore plus oui ! Un conseil du Grantham Institute ? Contactez vos représentants locaux et votre mairie pour faire avancer les choses !
Comprendre, réduire et compenser son empreinte carbone
On a souvent peur de ce qu’on ne comprend pas et de ce qu’on n’identifie pas. Pour lutter contre l’éco-anxiété, Carbo vous propose de calculer gratuitement votre empreinte carbone. L’application pédagogique vous aidera à la réduire en vous donnant des conseils et si cela ne suffit pas à vous réconforter, vous pourrez compenser votre empreinte !
Ainsi, vous prenez conscience de votre impact en mesurant automatiquement votre impact carbone à partir de vos dépenses bancaires. C'est sécurisé, 100% gratuit, simple et ludique. Réduisons ensemble l’impact de notre vie quotidienne, un acte à notre échelle !
S’entourer des bonnes personnes pour combattre la solastalgie
Créer un groupe de parole et un groupe d’action, s’associer avec les bonnes personnes aide à lutter contre la dépression. Et parler de sa santé mentale, du sentiment qui vous anime dans votre vie à propos de la terre, aide à ne pas tomber dans l’éco-anxiété et la solastalgie en général. Car finalement, comme l’ont montré les chiffres, vous n’êtes pas seul.es.
🖐 Le collectif Urgence écologie organise à Paris des conférences sur le sujet de l’éco-anxiété ! En 2019, a eu lieu une conférence Émotions et urgence écologique : dépasser déni et anxiété pour agir réunissant des experts du sujet !
Comment la société s’empare des termes ?
Malheureusement aujourd’hui, l’éco-anxiété comme la solastalgie sont des angoisses à la fois rarement étudiées mais surtout difficilement reconnues et connues en France. Bien que les médias se soient accaparés de la thématique. Par exemple, l’éco-anxiété n’est pas un sujet d’étude sur les bancs de l’Université...
Les médias s'emparent du sujet, avec un ton assez inquiétant, éco-anxieux : « mal du siècle », « dépression verte »... Alors avant de se sentir tout de suite concerné par cette angoisse, on souffle un peu et on prend du recul sur la situation.
Oui, la situation n’est pas des plus drôles, mais chez Carbo, une de nos valeurs est #Everoptimist. On a totalement conscience que la situation climatique globale n’est pas des plus glorieuses, ce qui ne nous empêche pas d’agir, de lutter contre l’éco-anxiété et de s’engager plutôt sur la voie des possibles. 😇
Et comme le dit la célèbre citation, « Tout seul on va plus vite, ensemble, on va plus loin. » 🚀
Glenn Albrecht pense l’arrivée d’une nouvelle ère qui remplacerait l'Anthropocène : la Symbiocène. Une ère caractérisée par des « émotions positives » vis-à-vis de la planète dont le futur serait désiré et « hautement souhaitable ».