Dans l'univers riche et complexe de Hunter x Hunter, l'écologie n'est pas simplement un décor, mais un thème central qui influence l'intrigue et le développement des personnages. À travers des arcs narratifs profonds et des interactions nuancées, la série d’animation japonaise explore les conséquences de l'action humaine sur l'environnement, tout en posant des questions essentielles sur notre coexistence avec la nature et avec les autres espèces.
Hunter x Hunter est un manga créé par Yoshihiro Togashi (1998), également adapté en série d'animation (2011). L'histoire suit Gon Freecss, un jeune garçon qui découvre que son père, qu'il croyait mort, est en réalité un Hunter légendaire. Déterminé à marcher sur ses traces et à le retrouver, Gon décide alors de devenir lui-même Hunter. Les Hunters sont des aventuriers d'élite, autorisés à explorer le monde, traquer des trésors, découvrir des espèces rares et accomplir des missions dangereuses.
La série aborde des thèmes profonds tels que l'amitié, la quête d'identité, la moralité, la justice sociale, mais aussi, l'impact des actions humaines sur la nature. Décryptage.
L'harmonie avec la nature au cœur de l'intrigue
Dès les premiers instants, la relation intime entre les personnages et la nature est mise en avant. Gon, le jeune protagoniste, grandit sur l'île de la Baleine, un lieu isolé où la faune et la flore sont omniprésentes. Son lien profond avec la nature n'est pas seulement une caractéristique personnelle, mais un élément qui guide ses actions et ses choix tout au long de la série. Gon est capable de comprendre les animaux, de ressentir les subtilités de son environnement, incarnant une harmonie idéale entre l'Homme et la nature.
Les Hunters, ces aventuriers aux compétences extraordinaires, incarnent également cette connexion complexe. Nombre d'entre eux se consacrent à la préservation des espèces rares ou à la protection des écosystèmes menacés comme Kite et Pokkle par exemple.
Le pays NGL : une utopie écologique imparfaite
Le Neo Green Life (NGL) est sans doute l'exemple le plus frappant de la place de l'écologie dans Hunter x Hunter. Ce pays incarne une vision extrême de la préservation environnementale, rejetant la technologie moderne pour vivre en harmonie avec la nature. Les habitants y suivent des principes stricts, n'utilisant que des outils traditionnels pour minimiser leur impact sur l'environnement.
À première vue, le NGL pourrait donc être perçu comme un modèle écologique idéal. Cependant, la réalité est plus nuancée. Cette façade idyllique cache une réalité beaucoup plus complexe. Le NGL est gangrené par la corruption et une industrie clandestine de production de drogues s'y développe, utilisant secrètement la technologie qu'il prétend avoir bannie.
Cela peut rappeler, d’une certaine manière, une situation comme celle de l'Amazonie sous la présidence de Jair Bolsonaro au Brésil (2019-2022). Le discours officiel, tout en insistant sur la souveraineté nationale sur la forêt et sur le potentiel agricole du pays, laissait entendre qu’un développement économique basé sur l’exploitation des ressources pouvait coexister avec une forme de conservation. Toutefois, dans les faits, cette vision s’est traduite par une déforestation accrue, le braconnage et l’exploitation minière illégale, sans véritable programme cohérent garantissant une protection durable de l’environnement. Comme pour le NGL dans la série, on constate un décalage entre une rhétorique nationaliste et soi-disant protectrice de la nature et la réalité de pratiques qui nuisent aux écosystèmes.
Comme cela est illustré dans Hunter x Hunter, on voit donc qu'un équilibre réellement soutenable ne se construit pas sur de simples slogans ou sur le rejet aveugle de la modernité, mais exige une gouvernance éthique, des institutions solides et une mise en cohérence des principes avec les pratiques. Le NGL, avec ses idéaux et ses contradictions, sert d'avertissement sur les dangers de l'extrémisme et de l'écologie de façade.
L'arc des Kimera Ants : une allégorie écologique
L'un des arcs les plus marquants de la série est sans doute celui des fourmis chimères, qui prend place principalement au sein du NGL. Ces créatures, capables d'assimiler les caractéristiques des espèces qu'elles consomment, représentent une menace pour l'équilibre naturel. Leur évolution rapide et incontrôlée est une métaphore des conséquences désastreuses que peut avoir l'intervention humaine sur les écosystèmes.
Le fait que les fourmis chimères émergent au NGL n'est pas anodin. Cela souligne l'ironie d'un pays dédié à la protection de la nature qui devient pourtant le point de départ d'une catastrophe écologique majeure. La prolifération de cette espèce est exacerbée par les activités illégales et le manque de préparation du NGL face à une telle menace, révélant les failles d'un système qui se pense à l'abri des dangers extérieurs.
Cet arc narratif soulève des questions profondes sur l'évolution, la survie et l'impact de l'espèce dominante sur son environnement. Les fourmis chimères, en bouleversant la chaîne alimentaire et les habitats naturels, forcent les personnages à réfléchir sur le respect de la vie sous toutes ses formes et sur les limites de l'exploitation de la nature.
Protéger ou exploiter : des engagements opposés
Plusieurs personnages de Hunter x Hunter incarnent des perspectives écologiques fortes. Par exemple, Kite, un Hunter spécialisé dans la recherche et la protection des espèces rares, est un fervent défenseur de la nature. Dès sa première rencontre avec Gon, alors que celui-ci n’était encore qu’un jeune enfant, Kite lui transmet une leçon essentielle : respecter la faune et ne pas perturber inutilement les animaux. Un enseignement qui façonne la vision que Gon aura par la suite du monde vivant.
Au-delà de cette première leçon, la relation de Kite avec les animaux se fonde sur une compréhension profonde de leurs comportements et de leurs besoins. Plutôt que d’extraire ces espèces de leur environnement ou de les chasser pour en tirer profit, il préfère en comprendre les mœurs, le cycle de reproduction, la place qu’elles occupent dans l’écosystème, afin de les préserver. Son approche s’apparente à celle d’un biologiste de terrain prêt à s’aventurer dans les contrées les plus isolées pour collecter des informations, sensibiliser et agir en conséquence.
À l'inverse, certains antagonistes exploitent les ressources naturelles pour leur profit personnel. Les dirigeants corrompus du NGL, comme Jairo, ou les trafiquants opérant sur le marché noir de Yorkshin City participent au commerce illégal d'espèces rares et de matériaux précieux, sans considération aucune pour l'impact environnemental et humain.
Cette opposition met en lumière le conflit entre exploitation et conservation : jusqu'où sommes-nous prêts à sacrifier la nature pour satisfaire nos ambitions ?
Un message sur la coexistence
Hunter x Hunter ne se contente pas de dénoncer les problèmes écologiques ; la série propose également des solutions axées sur la coexistence et le respect mutuel. Les interactions entre les humains et les fourmis chimères évoluent vers une compréhension plus profonde de l'autre, suggérant que l'empathie et la communication sont essentielles pour résoudre les conflits environnementaux.
La métamorphose du personnage de Meruem, le roi des fourmis chimères, illustre cette idée. Initialement indifférent à la vie humaine, il développe progressivement une conscience et une appréciation pour la diversité de la vie, remettant en question sa vision du monde initiale et son rôle de prédateur suprême. Sa relation avec Komugi, une jeune fille humaine, symbolise avec force cette possibilité de coexistence. C’est notamment cette exploration de l’entente mutuelle qui nous a le plus touchées.
Sans fournir de réponses toutes faites, Hunter x Hunter nous invite à questionner nos propres convictions et à envisager de nouvelles façons d'interagir avec le monde qui nous entoure. C'est cette capacité à susciter la réflexion qui rend la série si pertinente et qui en fait une œuvre majeure pour aborder les problématiques écologiques et existentielles. C'est d'ailleurs le cas de nombreux mangas qui « permettent de faire de nombreux parallèles avec notre monde », comme le défend l'auteur Gabriel Malek dans son livre Les Sensei de la décroissance.