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En juillet 2021, le prix du carbone est à son plus haut sur le marché du carbone en Europe, dépassant les 50 euros. En parallèle, la taxe carbone, en France, est gelée à 44€ la tonne depuis 2018 et le mouvement des gilets jaunes. Deux systèmes de tarification différents pour un seul objectif : réduire les émissions de gaz à effets de serre pour ralentir le réchauffement climatique. Comment calcule-t-on le prix du carbone et où retrouve-t-on ce prix ? Qui paie ? Et, pour rappel, quelle différence entre le marché du carbone et sa taxe ? Beaucoup de questions pour un mécanisme très efficace pour le climat.
Pourquoi le carbone a-t-il un prix ?
Le prix du carbone sert à orienter les choix des entreprises et des institutions, en rendant tangible, par le prix, les coûts causés par les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’un des leviers les plus efficaces dans la lutte contre le réchauffement climatique, à condition que cette logique dit du « signal-prix » respecte deux conditions :
- fixer un prix du carbone assez haut pour être dissuasif ;
- soumettre les industries les plus polluantes à la tarification carbone.
Le prix du carbone : un outil et deux mécanismes
Pour donner un prix au carbone, il existe deux outils : la fiscalité carbone (ou taxe carbone) et le marché carbone. Deux leviers efficaces, chacun à leur manière, dans la lutte contre les émissions des gaz à effets de serre.
1. Qu’est-ce que la taxe carbone et pourquoi elle est indispensable
Une question de vocabulaire
Lorsqu’il est question de la taxe carbone, il est en fait question de la « composante carbone ». La taxe est un prélèvement obligatoire au profit d'un service public déterminé. Même si vous réussissez à être zéro déchet, vous paierez la taxe sur les ordures ménagères. La redevance, quant à elle, est un prélèvement non obligatoire payé uniquement par l'usager d'un service. Si vous ne faites pas le plein d’essence, vous ne paierez pas la composante carbone associée. Tout le monde ne paie pas la -mal nommée- taxe carbone qui ressemble davantage à une redevance.
Un objectif clair
Elle vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre en augmentant le coût de la production et de la consommation des énergies les plus polluantes (pétrole, gaz naturel et charbon).
C’est le principe du « pollueur-payeur », qui ambitionne de modifier les comportements, non pas en interdisant des produits, mais en augmentant progressivement leur coût.
Ce sont les particuliers, les artisans et les petites entreprises qui payent la taxe carbone. Elle est intégrée au prix final de du gazole, de l’essence, du fioul ou du gaz naturel. On la retrouve dans trois des quatre taxes intérieures de consommation (TIC) en France depuis 2014 : la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), celle qui contribue à 57% du prix de l’essence, la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), et la taxe intérieure sur la consommation de charbon (TICC). On la calcule à partir d’un prix à la tonne de carbone, fixé par le gouvernement français.
2. Le marché du carbone, un bon outil encore trop fragile
Comment vendre et acheter un crédit carbone ?
Sur le marché du carbone, une entité publique (l'Union européenne, un État, des Régions) fixe aux entreprises les plus polluantes un plafond d'émission de gaz à effet de serre. Si les émissions dépassent les quotas autorisés sur la période, l’entreprise est contrainte d’acheter des quotas à d’autres pays qui ont émis moins de gaz à effet de serre (GES).
À l’inverse, si un émetteur respecte son plafond d’émissions, il peut vendre ce quota à un émetteur qui connaît des difficultés.
Les termes « quota » et « crédit » sont parfois utilisés de la même manière. Pourtant, il est important de les distinguer :
- le quota carbone pour tout document permettant de « libérer » des émissions ;
- le crédit carbone pour tout document certifiant que l'émission de CO2 a bien été évitée ou supprimée.
Qui est concerné par les quotas de CO2 ?
En Europe, qui concentre le plus gros marché du carbone au monde, les quotas concernent les installations industrielles d’une capacité de 20 MW ou plus. Ainsi, plus de 11 000 installations fixes sont couvertes par le système européen d’échange. Cela couvre près de 50% des émissions de gaz à effet de serre de l’UE. On retrouve les secteurs qui émettent le plus, tels que la production d’électricité, l’industrie (sidérurgie, fabrication de ciment, chimie, etc) et depuis 2012 l’aviation.
🖐 En France, 1 000 installations sont concernées, des sites qui appartiennent à EDF, Total, ArcelorMittal ou encore Solvay.
Pourquoi le marché du carbone européen devient un outil incontournable
2021 est une année charnière, puisque jusqu’alors le volume de quotas sur le marché baissait de 1,71% par an, soit une diminution de 38 millions de tonnes de carbone chaque année. Désormais, la baisse sera de 2,2 %, soit 48 millions de tonnes par an. Anecdotique ? Pas vraiment. Avec cette augmentation, l’Union Européenne force les entreprises à baisser encore plus leurs émissions.
L’élargissement des entreprises concernées par le marché du carbone est également en discussion à Bruxelles. Deux secteurs qui ont un fort impact sur le climat ne font toujours pas partie du marché. Il s'agit du fret maritime et de l’agriculture. Il en va de même pour le transport en général et le chauffage à domicile, soumis à la taxe carbone.
Quel est le prix d’une tonne de CO2 ?
Au moment de la création du marché en Europe, en 2005, les gouvernements ont eu peur qu’un plafond d’émissions trop strict handicape les industries européennes. Ils ont donc alloué une quantité généreuse de quotas aux entreprises. Résultat : la tonne de carbone a atteint 0€ en 2007. Il était plus avantageux pour les entreprises d’acheter des quotas supplémentaires, plutôt que de réduire leurs émissions. La crise de 2008 maintenait aussi le prix du carbone très bas en réduisant la production et donc les émissions de gaz à effets de serre. Pas très dissuasif.
Il a fallu agir. À partir de 2013, les pays membres arrêtent l’allocation gratuite de quotas aux entreprises. En 2019, elle enlève du marché le surplus de quotas pour garantir un prix minimum. Et les résultats sont là : une augmentation quasi constante depuis 2018, de 7€ à plus de 28€ en mai 2020.
Le prix du carbone dans le monde
Au 1er mai 2020, 31 taxes carbone fonctionnaient à travers le monde. Elles ont rapporté 26 milliards de dollars, dont 65 % provenant des pays membres de l’Union européenne. Quelques exemples de prix en US $/tonne de carbone à travers le monde en mai 2020 :
Pays | Prix (en US $/tonne de carbone) |
---|---|
Suède | 123 |
Norvège | 58 |
Afrique du Sud | 8 |
Mexique | 3 |
Canada | 23 |
En ce qui concerne le marché du carbone, l’Europe n’est pas une exception. Il existe une trentaine de marchés du carbone ou système d’échange de quotas en 2021. La Chine a notamment mis en place le sien le 1er février 2021 sur son territoire. Inspiré du modèle européen, ce marché devrait couvrir un tiers des GES et deviendra rapidement le plus grand marché mondial du carbone. Rappelons que le pays s’est fixé comme objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2060, et quand on sait qu’il est responsable de 30% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et qu’aucune restriction n’existait jusqu’alors, on peut estimer que c’est un bon début.
Pourquoi le prix du CO2 augmente ?
Depuis janvier 2021, tout s’accélère. Le prix du carbone sur le marché enchaîne les records. En avril, la tonne est à plus de 44 euros. 50 euros au début de l’été. Cette hausse très rapide est alimentée par la spéculation des hedge funds et des fonds de pension (nous sommes bien sur un marché financier), mais aussi (et heureusement) par la remontée des objectifs réduction de gaz à effet de serre de l'Union européenne, qui souhaite réduire l’ensemble de ses émissions de 55% d’ici à 2030.
Conclusion : plus le mécanisme sera compris, plus il sera efficace
Au vu des enjeux climatiques et des difficultés à changer pour un modèle bas-carbone, petite liste pour vous convaincre des bienfaits d’allouer un prix au carbone :
- comme il n’est pas encore d’actualité d’interdire toute énergie fossile, émettre un signal-prix en constante augmentation est la meilleure solution pour limiter son utilisation et donc réduire les gaz à effet de serre ;
- les entreprises et les ménages ont recours aux énergies fossiles, car elles sont plus rentables que les énergies renouvelables. Ce n’est que par une taxation carbone et un système de plafond des émissions que ce principe destructeur pour le climat pourra être enrayé ;
- en 2019, les émissions de CO2 des sites industriels couverts par le marché du carbone ont baissé de 8,7 % par rapport à l'année précédente selon la Commission européenne ;
- la taxe carbone n’est pas une taxe contre l’emploi. Mieux : accompagnée d’une politique de formation des métiers verts, elle facilite le reclassement vers ces emplois de la transition ;
- même si la part qui va directement aux chantiers verts n’est que de 20%, la taxe carbone est une recette non négligeable pour l’Etat français dans sa stratégie bas carbone.