Jusqu’au 7 juillet 2024, le Muséum d’histoire naturelle de Toulouse accueille l’exposition « Sex-Appeal : la scandaleuse vie de la nature ». Soit une fenêtre ouverte sur la sexualité omniprésente et effrontée des plantes et des animaux. À voir absolument.
Cinéma, bande-dessinée, séries télévisées… La sexualité, notamment humaine, colonise l’espace culturel maintenant depuis plusieurs années. Elle est cependant le plus souvent abordée du point de vue des sciences humaines et non des sciences naturelles. C’est pour combler ce manque que le Muséum d’histoire naturelle de Toulouse a souhaité bâtir une exposition autour de la sexualité du vivant. Et quelle exposition ! Ludique et piquante, suggestive sans jamais être vulgaire, « Sex-Appeal » offre un aperçu peu commun des pratiques intimes des plantes et des animaux.
Introduction végétale... et féministe
Pénétrons d’abord dans la première partie de l’exposition sur le végétal. L’inventif muséographe Ali Akbari a eu l’idée d’alterner entre une présentation classique, tels que les plans de coupe montrant les différentes parties des fleurs (qui sont, rappelez-vous, les organes sexuels des plantes) et des trouvailles plus modernes. Vous avez du mal à vous figurer les stratégies des roses et des orchidées pour attirer les pollinisateurs ? Pas de problème, l’exposition a prévu une vidéo immersive, dans laquelle vous adoptez le point de vue d’un insecte se baladant de pétales en pétales. Et c’est absolument fabuleux !
Afin d’illustrer des propos scientifiques un peu ardus et maintenir éveillée l’attention du public, le musée a également fait le choix judicieux de s’appuyer sur une série de vingt planches de bande-dessinée, qui jalonnent toute l’exposition. Réalisées sur commandes par l’artiste Mister Box, ces planches hilarantes, au ton franchement féministe, évoquent la sexualité de la nature en se moquant gentiment des humains, en particulier ceux du genre masculin. Les premiers scientifiques comme Aristote n’ayant jamais pu concevoir que les plantes soient autre chose que des icônes de pureté féminine asexuelles, en prennent par exemple pour leur grade.
Des ateliers interactifs pour découvrir les parades amoureuses
La seconde partie de l’exposition, plus conséquente et consacrée aux pratiques sexuelles « bestiales », est aussi source de jeu, d’étonnement et de renouvellement du genre. Saviez-vous par exemple qu’au sein de la plupart des espèces marines, les femelles étaient plus grandes que les mâles ? Rien de plus tordant en effet que d’examiner, à travers la vitre de protection, un argonaute mâle de quelques centimètres faisant face à une femelle de la même espèce, quinze fois plus grande que lui. Misogynes à couvert !
L’exposition tord aussi le cou au cliché selon lequel les femmes seraient par nature séductrices. Au sein du règne animal, ce sont surtout les mâles qui déploient des trésors d’ingéniosité pour attirer l’attention des femelles. Des ateliers interactifs, simples et efficaces, permettent ainsi de découvrir leurs différentes stratégies : le public peut écouter les cris des cervidés mâles (le brame du wapiti, qui ressemble au hurlement d’une personne en train de se faire égorger, est proprement terrifiant), esquisser le pas de danse des grues du Japon, humer les odeurs laissées par les renards (quel fumet !) ou juste observer attentivement les nids réalisés par les oiseaux mâles pour convaincre les homologues féminines de leurs qualités domestiques.
La science hétéro-normée questionnée
La science hétéro-normée est elle aussi largement battue en brèche : on apprend que la monogamie est pratiquée dans seulement 2 % du règne animal. Ainsi, l’homoparentalité, l’hermaphroditisme ou la sexualité entre individus de même sexe ont été décrits chez plus de 1500 espèces, dont les lions. Généralement associés à la virilité triomphante, les rois de la savane passent en réalité une partie de leur jeunesse à s’ébattre avec d’autres mâles. Une façon d’assurer la cohésion du groupe, nous disent les scientifiques.
Mais la mention spéciale revient à la partie du musée consacrée au « kamasutra des animaux ». Dans cet espace de l’exposition, dont les murs ont été retapissés en rose fuchsia, les organes sexuels les plus étonnants nous sont présentés, du double pénis du crotale en passant par les vagins à multiples entrées des cannes pour se préserver des agressions sexuelles. Une fois n’est pas coutume, le ton est plutôt badin, volontairement provocateur. Jugez un peu : « Chez les crapauds, la compétition entre mâles, en surnombre par rapport aux femelles, est acharnée. Pour évincer et dissuader ses rivaux, le mâle s’accroche coûte que coûte au dos de la femelle. Ces dames sont littéralement assaillies de prétendants. Ils sont parfois si nombreux à s’agripper à elles que, succombant à leurs poids, elles coulent et se noient, entraînant avec elles les crapauds mâles si déterminés… » peut-on lire à côté d’une image explicite de batraciens en pleine action.
Dans cette partie de l’exposition, le plus étonnant reste les vidéos de masturbation animale, projetées au moyen d’une installation judicieuse, qu’on vous laissera découvrir. Cunnilingus chez la chauve-souris, onanisme du chimpanzé et même voyeurisme chez les ours… On est loin, très loin, de l’image des animaux cherchant uniquement à chasser et à procréer. Chez eux aussi, le plaisir pour le plaisir existe donc. Les humains n’ont décidément rien inventé.
Photo à la Une : crédit © Patrice Nin, Muséum de Toulouse