L’écologie urbaine va-t-elle sauver les villes ?

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màj en novembre 2024
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écologie urbaine

Depuis 2008, plus de la moitié de l’humanité résident en ville. Une première dans l’Histoire, pour un phénomène qui semble irréversible. Ces zones très denses montrent pourtant leurs limites : incapacité à offrir un cadre de vie décent face au réchauffement climatique, participation à l’érosion de la biodiversité, gestion non durable des espaces et des ressources, etc. Un sous-domaine de l’écologie tente de répondre à ces problématiques qui nous accompagneront tout au long du XXIème siècle : l’écologie urbaine. Quelles en sont les promesses ? Existe-t-il de bons exemples à suivre ? Et surtout, est-ce suffisant devant l’ampleur de la tâche ?

Comment définir l’écologie urbaine ?

Les fondamentaux

Pas de surprise, l’écologie urbaine s’intéresse à l'ensemble des problématiques environnementale et écologique en milieu urbain. Mais une fois cette banalité énoncée, ça se complexifie. Elle regroupe en réalité une multitude d’études, de disciplines et d’acteurs. 

L’écologie urbaine rassemble en premier lieu l’analyse des effets de l’urbanisation sur les écosystèmes (arbres, animaux, rivières, etc). Et ce terme rassemble également l’étude des relations entre ces écosystèmes et les facteurs environnementaux, dont les influences humaines.

 « Si l’institutionnalisation de l’écologie urbaine compose un lien nécessaire entre ville et nature, elle s’inscrit aussi dans une négation d’espaces naturels non maîtrisés, lieux essentiels de la biodiversité urbaine, que l’action politique voudrait pourtant rendre invisibles. »

Jean-Pierre Levy

Ensuite, l’écologie urbaine concentre les politiques publiques mises en place pour améliorer le cadre de vie des habitant(e)s des villes, en réduisant l’impact environnemental des habitats, en remettant la nature en ville (tout en la contrôlant, nous le verrons), en s’assurant de la qualité de l’eau et de l’air et en adaptant la ville à de possibles catastrophes climatiques. Une perspective plus anthropocentrée donc, qui place les composantes naturelles et sociales de la ville au même niveau. C’est dans cette optique que des chercheurs(ses) spécialisé(e)s comme Guillaume Faburel parlent « d’écologie urbaine et sociale ». 

Écologie urbaine

Pour y voir plus clair, l’écologiste Richard Forman, un homme certainement très organisé, a réalisé un travail de synthèse. En se référant aux études réalisées depuis les années 1970, il a distingué les quatre principaux attributs de l’écologie urbaine. Les voici : 

  • l’utilisation du sol 
  • les structures des constructions
  • les flux anthropogéniques
  • les décisions et activités humaines.

Les 11 thèmes directement liés à l'écologie urbaine

En définissant les quatre principaux attributs ci-dessus, Richard Forman en a également profité pour dégager 11 thèmes directement concernés par l’écologie urbaine :

L’habitat
La biodiversité
Les plantes et végétation
Les animaux
Les sols
Les produits chimiques
L’air
L’eau
Les espaces verts
Les zones résidentielles, commerciales et industrielles
La ville et ses alentours

De quand date le concept d’écologie urbaine ?

À partir du 18ème siècle

L’écologie urbaine n’est pas une nouveauté. Dès les XVIIIe et XIXe siècles, des médecins apportent une attention toute particulière à la santé des urbains dans des villes alors en pleine révolution industrielle. Paradoxalement, l’objectif n’est alors pas de remettre la nature en milieu urbain pour pallier notamment la pollution de l’air, mais bien de faire de la ville « le lieu par excellence d’une mise à distance de la nature, qui doit être orientée vers l’amélioration de la vie des hommes ». Cela se concrétise par les réalisations d’un urbanisme de régularisation et d'assainissement massif. Les grandes artères voient le jour pour favoriser la circulation des biens et des humains, ainsi que les réseaux souterrains d’eaux usées. 

Cette mise à distance commence à être critiquée dès la fin du XIXe siècle par de rares urbanistes comme Cerdà. Inventeur du terme « urbanisme », il estime que « la densité urbaine n’est supportable que dans la mesure où elle admet en son sein des espaces de nature ». Une pensée écologique de la ville naît. Cette vision d’une ville intégrant la nature trouve heureusement un écho et donne lieu à de nombreuses constructions de parcs et jardins dans les capitales européennes, et notamment en France, jusque dans les années 1930.

L’après-guerre

L’après-guerre signe l’avènement de l’impératif de la reconstruction et de la construction de logements en masse, notamment les grands ensembles des années 1960 et 1970. 

Dans le même temps, un ouvrage fondateur, The City in History, publié en 1961 par Lewis Mumford, va marquer un tournant. Il y dénonce la ville tentaculaire et défend l’idée de la production d’une ville « naturelle ». On assiste alors à une prise de conscience des effets néfastes de la ville sur la nature qui l’avoisine. L’urbain est associé à un « métabolisme », qui « absorbe la nature, la transforme puis la rejette en matières et polluants nuisibles pour la planète, la santé et la qualité de vie de ses habitants » pour Jean-Pierre Lévy, chercheur au CNRS et auteur d’Ecologies urbaines. Le mal est fait : un milieu est perçu d’autant plus naturel que la présence de l’homme y apparaît faible. Villes et campagnes sont alors conçues dans un rapport d’exclusion réciproque, à travers, bien entendu, une représentation négative de la ville.

Cette vision ne pouvait durer. Aussi réelle soit elle, la ville doit être autre chose qu’un repoussoir gris et pollué. Devant la part toujours plus importante d’urbains et leurs exigences (légitimes) en matière de qualité de vie, le concept de la ville durable allait faire son apparition dans les années 1990.

La ville durable, nouvelle doctrine de l’écologie urbaine 

Biodiversité, eau, air... un champ d’action très large

La nature ne pouvait rester éloigner de la ville plus longtemps. Tout comme au début du XXème siècle, le milieu urbain est depuis une vingtaine d’années un espace où le vert et le sauvage doivent reprendre une place. Pour éviter l’érosion de la biodiversité, mais surtout pour créer un cadre de vie meilleur pour urbain(e)s en manque de nature, la ville durable est née.

Résultat : les architectes et les urbanistes se doivent d’accorder une place croissante à des conceptions qui valorisent la nature en ville. Des exemples de projets et de réflexion autour de la ville durable :

  • les coulées vertes et bleues. Exemple : la coulée verte de Paris 
  • le retour de l’agriculture au sein des villes avec des zones maraîchères et jardins ouvriers ou familiaux. Exemple : le maraîchage à Amiens.
  • la végétalisation des espaces urbains avec la plantation d’arbres. Un sujet un peu plus complexe qu’il n’y paraît. 
  • le désenfouissement de rivières et de cours d’eau, comme le projet pour la Bièvre à Paris
  • la protection et l’aménagement d’espaces pour des espèces sauvages qui elles aussi s’urbanisent. Exemple : Le livre Zoocity de Joëlle Zask pour tout comprendre sur cette cohabitation loin d’être évidente
  • décarbonation de l’énergie utilisée pour se chauffer. Exemple : le système de chauffage urbain d’Helsinki 
  • récupération des eaux de pluie. Exemple : le projet de la ZAC de Rungis à Paris 
  • les toits et murs végétalisés. L’exemple le plus connu étant le Bosco Vertical de Milan
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Les limites de l’écologie urbaine

Ces projets, qui participent à la création d’une nouvelle ville durable, tendent à gommer l’opposition ville-campagne. Cependant, ils se contentent d’apporter de la nature en ville. Qu’en est-il de la nature en ville non maîtrisée ? Les herbes qui envahissent la friche industrielle, les renards qui investissent les parcs ou plus modestement les liserons qui se frayent un chemin entre deux pavés. N’est-ce pas en laissant faire que la ville pourra à nouveau se targuer d’incorporer de la nature. Pour Jean-Pierre Levy, « si l’institutionnalisation de l’écologie urbaine compose un lien nécessaire entre ville et nature, elle s’inscrit aussi dans une négation d’espaces naturels non maîtrisés, lieux essentiels de la biodiversité urbaine, que l’action politique voudrait pourtant rendre invisibles ». 

Pourquoi l’écologie urbaine est plus que jamais primordiale 

La gestion durable ne peut plus être une option pour le territoire urbain, des plus grandes métropoles aux villes moyennes en passant par les zones péri-urbaines. Le réchauffement climatique oblige à revoir la manière dont la ville a été jusqu’alors pensée et construite. L’écologie urbaine, avec notamment les projets ci-dessus, participe à ce changement et rejoint la notion de construction durable, mais n’est qu’un parpaing face à un environnement dense, bétonné et régit pas l’ultra-mobilité, tout simplement plus adaptée.

L’écologie urbaine, l’éco-city ou la ville durable ne se concrétise le plus souvent qu’avec des projets à la marge, alors que c’est désormais tout l’imaginaire de la ville qui doit être revu. Et si la croissance infinie, l’instantanéité, la densité, la praticité, le jetable laissaient leur place à la sobriété, la réparabilité, l’espace, la limite, la durabilité, etc. L’écologie urbaine serait alors une base de travail et non plus une simple option pour toutes réflexions sur l’urbain. Et pour sûr, elle associerait le laisser-faire nécessaire pour tout retour de la nature et du vivant à une architecture adaptée aux enjeux climatiques.

Mathieu Brand
Journaliste indépendant spécialisé dans la transition écologique
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