Les jardins merveilleux d’une paysagiste visionnaire

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màj en mars 2024
bottes geantes au milieu du jardin du chateau

Près de Chinon, en Indre-et-Loire, il émane des jardins du château du Rivau quelque chose de magique. Et pour cause, Patricia Laigneau, la paysagiste qui les a conçus, a pris soin d’y faire rejaillir les traces du passé médiéval de la forteresse, vieille du 13e siècle. Balade dans un écrin de nature labellisé “Jardin Remarquable”, qui a choisi de mêler histoire, art du conte, et écologie dans une même bouture. 

Des jardins pensés comme des scènes

Artiste dans l’âme, Patricia Laigneau a conçu ses jardins comme des tableaux, « aux harmonies colorées, un peu réversibles ». « Une de mes références est Piet Oudolf, paysagiste hollandais, confie-t-elle. Je m’inspire également du jardin dit « naturaliste ». De multiples scènes laissent le regard circuler dans le jardin. « Je fais en sorte que le jardin soit beau au fil des saisons », explique-t-elle.

Plus encore que des tableaux, Patricia Laigneau crée des scènes. Grâce à l’archéologue des jardins Anne Allimant, et à ses découvertes historiques, elle a pu découvrir et s’inspirer des traces d’organisation du jardin et son histoire médiévale. « Je me suis intéressée au merveilleux du Moyen-Âge, d’où la présence de plantes extraordinaires et d’installations d’art contemporain. » Comme les noms des jardins - Jardin du Petit Poucet, Forêt enchantée, Chemin des fées, Jardin de la princesse Raiponce, Labyrinthe d’Alice au pays du Rivau -, les œuvres qui y sont disséminées font à la fois référence au merveilleux et aux contes. Une manière d’inviter les visiteurs à prendre conscience de la nature avec légèreté et même pointe d’humour. « Je cherche à créer du vrai en évoquant le passé. », confirme Patricia Laigneau. Par exemple, dans le verger, un arbre différent est planté dans chaque carré, une référence à la théorie des quatre humeurs de l’époque médiévale. Les œuvres d’art contemporain, réalisées par des artistes à la fois locaux et internationaux, achèvent d’attirer le regard et participent d’une attention aux formes et aux couleurs des espèces présentes dans le jardin. Surgissant de la terre du potager de Gargantua, « Taupologie » du Rivau de l’artiste plasticien français Ghyslain Bertholon, accueille les visiteurs.« Je souhaite que tout public puisse trouver son compte en se promenant dans les jardins », assure-t-elle. 

“Taupologie”, la taupe géante de Ghyslain Bertholon dans le Jardin Gargantua
“Taupologie”, la taupe géante de Ghyslain Bertholon dans le Jardin Gargantua

Des jardins pensés comme des récits

En faisant des recherches, Patricia Laigneau a également découvert que Rabelais a beaucoup visité le Rivau. Elle décide alors de relier le concept de « Jardin de la France » forgé par Rabelais et d’inviter des artistes de différents horizons dont le travail artistique s’inscrit dans la lignée d’un intérêt pour le jardin. Dans le cadre des Nouvelles Renaissance(s), festival de création et d’art de vivre en région Centre-Val de Loire, l’exposition « Jardins, Miroir du monde » se déploie dans les salles du château selon différents chapitres. « Chacune de mes expositions est pensée comme un récit » affirme la curatrice. 

Elodie Antoine, Fleur carnivore, 2006
Fleur carnivore, 2006 © Elodie Antoine,

Au fil de l’exposition, le récit laisse place à une variation de réflexions sur le jardin. Le motif floral est au centre du premier chapitre de l’exposition dans lequel on y découvre différentes symboliques données aux fleurs (sentiment, pardon, commémoration…). Un cabinet aux oiseaux accueille ensuite des œuvres qui révèlent combien ces êtres contribuent à la biodiversité au jardin. Dans la partie « Conter fleurette, est-il toujours d’actualité ? », les artistes interrogent la relation de la femme au jardin, autour de l’expression “conter fleurette” autrefois synonyme de “jardiner”, et aujourd’hui de “faire la cour”. Les cabinets de curiosités sont aussi revisités par les artistes, hommage à ces lieux allant chercher la curiosité et l’imaginaire dans les règnes végétal, animal et minéral.

La biodiversité et le développement durable au jardin

L’exposition se poursuit dans le jardin avec une photographie d’Orlan, qui exprime l’impact des technologies sur les êtres vivants. Plus loin, dans celui des fleurs comestibles, une série photographique de Daesung Lee rend compte de la montée des eaux sur l’île de Ghoramara, à l'orée du golfe du Bengale, en Inde. 

Sur le rivage d’une île qui disparaît, 2013 © Daesung Lee
Sur le rivage d’une île qui disparaît, 2013 © Daesung Lee

La présence de tels sujets n’est pas un hasard. « Le jardin c’est la nature ordonnancée par l’homme » affirme la conceptrice des lieux, qui veille à l’équilibre entre les espèces végétales et entretient les jardins avec soin. Les jardins répondent aux enjeux actuels de la préservation et de l’accueil d’une biodiversité. « J’ai fait beaucoup de choses pour améliorer le sol. » témoigne-t-elle. Le potager, notamment, est biologique. Depuis 2013, un conservatoire du patrimoine légumier de la région Centre permet de reproduire des légumes afin de les partager dans d’autres jardins. Les jardins sont également remarquables pour la présence de deux collections l’une de roses - comptant environ 500 variétés de roses classées "Conservatoire National de Roses Parfumées" - et l’autre de légumes régionaux. Les fleurs indigènes sont privilégiées afin d’attirer les auxiliaires au jardin. On a pu relever 67 espèces d’oiseaux dans les jardins. Aucun produit chimique n’est utilisé pour l’entretien. Pour répondre aux enjeux liés à la durabilité et à l’éco-responsabilité, le jardin bio climatique, autrement dit « Jardin du papillon » est un jardin sec, composé d’ardoises récupérées des anciennes toitures et de végétaux déjà présents dans les jardins. Enfin, le dernier des fleurs comestibles fut conçu selon la méthode de la permaculture.

Vue arienne du château
Vue arienne du château

« J’essaie de montrer aux personnes qui visitent les jardins qu’ils peuvent faire des choses avec ce que la nature laisse. » revendique Patricia Laigneau. Dans la forêt enchantée, Les gardiens de Lionel Mauny furent réalisés à partir d’arbres abattus par la tempête de 1999. La Tour Du Bois Dormant de Dominique Bailly, au bout du Chemin des fées fut créée à partir de sarments de vigne provenant de la dernière taille des vignobles de Chinon.

Ainsi, au Rivau, la présence de l’art contemporain participe d’une découverte d’un art du jardin qui répond aux enjeux actuels. Ici, le jardin est le lieu d’enchantement, de la réflexion, du plaisir de sens et d’une rencontre avec les êtres qui l’habitent.

Pauline Lisowski
Pauline Lisowski est critique d'art et commissaire d'exposition, intéréssée par les relations entre art, nature, paysage et écologie.
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