Écologie : « Le festival est l’endroit parfait pour agir »

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màj en août 2023

Que se passe-t-il lorsque l'on mélange une association ramassant des déchets dans les calanques marseillaises et un concert de Niska ? On obtient une puissante force de communication écolo. Il y a quelque jours, les activistes environnementaux de Clean my calanques, en ont fait l'expérience en prenant le micro entre deux artistes sur une scène du Delta festival, devant 15 000 festivaliers. Ils racontent leur démarche.

Depuis six années, l'association Clean my calanques organise mensuellement des sessions de nettoyage sur les plages et espaces naturels du sud. En 2023, ils doublent leur efforts d'un nouveau mode d’action : les prises de parole devant de larges audiences, notamment sur les scènes de festivals. Fin août, c'est au Delta festival, évènement annuel marseillais réunissant fin août jusqu’à 150 000 personnes, qu'ils ont encore frappé. Une fois le micro en main, aux côtés de stars de la musique – Angèle, Niska, Worakls... – Clean My calanques chauffe le public avec quelques chants et blagues, puis enchaîne sur un discours, extrêmement simple : « Je vais vous apprendre un truc : l’écolo parfait n’existe pas. Toi, toi et toi, chacun fait un petit peu et on n’en parle plus. Les mégots et les déchets, ça va à la poubelle ! Est-ce que c’est bon pour vous ? ». La stratégie semble facile et pourtant elle est encore rare dans le monde de la culture événementielle. Alors comment l’utiliser à bon escient et comment la généraliser ? Entretien croisé avec Lise Perrin, directrice des relations associations engagées au Delta festival, et Eric Akopian, président et co-fondateur de Clean my calanques. 

Pourquoi prendre le micro sur une grande scène de festival ? 

Eric : Parfois, on est frustrés, parce que lors d'opérations de sensibilisation dans la rue ou dans les médias, notre message passe trop lentement. On a observé une plus grande efficacité en réunissant les gens en groupe. Surtout, on ne doit pas attendre que les gens viennent d'eux même vers nous car ceux-là auront déjà les bases. Avec Clean my calanques, je m’en fous de parler d’écologie à des écolos, ils savent déjà tout ! Il faut aller au contact. Sur scène, aux côtés d’artistes, face à 15 000 personnes, tout est là pour réussir : l’ambiance est ludique, les stars te donnent une légitimité, le tout dans la bonne humeur. Donc le festival est l’endroit parfait pour agir !

Quand et comment avez-vous commencé l’un et l’autre à utiliser ce type d’action ?

Lise : Côté Delta, l’année dernière, on s’est rendus compte que notre dispositif éco-responsable était trop peu utilisé par les festivaliers. Il fallait trouver d'autres moyens de communication, or les scènes musicales sont très attractives ! 

Eric : J’ai commencé mes messages de sensibilisation au Red festival en avril à Marseille devant 1000 personnes, puis à Marsatac, à chaque fois, devant un public plus nombreux. Je vais aussi au stade Vélodrome à Marseille avec un mégaphone près des supporters pour ramasser des mégots avec eux. Je commence toujours par des chants de l’OM, je ne veux surtout pas avoir un ton de donneur de leçons. Quand je vais au Vélodrome je suis un supporter de foot, quand je vais au Delta, je suis un festivalier. 

© Paul Sauvage

Vous soulevez la question du lieu de sensibilisation des actions écologiques et de leur efficacité. Souvent dans les festivals, il existe une segmentation entre les stands, les conférences et les scènes. Là, vous cassez ces barrières ! 

Eric : Le Delta a construit l’organisation du festival avec nous, les associations. Par exemple, lorsqu’ils ont construit le plan des différents lieux de l’évènement, ils ont fait exprès de mettre l'entrée principale à côté du « Village environnement », qui aura forcément moins d’attractivité qu’une zone offrant des jeux. Les festivaliers sont obligés de passer devant nous !

Lise : La présidence de Delta a toujours voulu un festival favorisant le rassemblement des publics. On a besoin des concerts pour faire vivre la partie « Monde des possibles » (ndlr : partie regroupant les stands et animations), mais le fond du projet a toujours été de parler engagement à la jeunesse. Comment faire cela ? Avec un prétexte musical mais il faut l’organiser pour générer des flux aux bons endroits. 

© Paul Sauvage 

Mais tout cela est-il bien efficace ? Dire simplement « ne jetez pas vos mégots » n’est-ce pas un message trop simple ? 

Eric : J’explique que les mégots finissent dans la mer et polluent, qu’ils peuvent activer un feu, mais je vais au plus simple. On ne demande même pas aux gens de recycler ou de trier leurs déchets... on en est au niveau de base : ne pas jeter ses déchets par terre. C’est assez triste mais impossible d’aller plus loin sur une scène. Les festivaliers – si je me fais l’avocat du diable – ne sont pas là pour ça, mais on plante des petites graines. 

Vous êtes-vous inspirés d’autres festivals ? 

Eric : Je pense qu'on est la seule association à faire cela ! 

Lise : Bien sûr, on regarde ailleurs, mais nous avons tous les mêmes stratégies. Simplement, Clean my calanques a une force de communication locale qui fait la différence. 

© Clean my calanques

L’ancrage local est-il la botte secrète ? 

Eric : Je dis souvent que c’est génial d’avoir des antennes d'associations environnementales comme Greenpeace, mais représenter sa propre ville avec une association marseillaise est une fierté et c'est essentiel. Il faut aussi l’associer à deux autres ingrédients : une forte présence sur les réseaux sociaux – tout s’y joue ! – mais aussi de ne pas parler comme des pros. Chez Clean my calanques, on n’est pas des écolos à la base. On se rappelle de nos lacunes et cela nous permet sans doute de mieux toucher les gens.

Pourquoi ce type d’action n’est-il pas plus utilisé dans le monde de la culture ? Comment en amplifier l'usage ?

Lise : Il y a un tabou chez certains artistes : leur médiatisation les empêche parfois de prendre la parole. On essaie de solliciter les plus engagés pour qu’ils prennent la parole mais certains refusent par peur d’être critiqué. 

Eric : Cela commence petit à petit et par pitié continuons ! Appelez-moi, donnez-moi un micro, je viens direct : concerts, festivals, écoles, facs ! Ramasser des déchets c’est bien, mais si l’on ne sensibilise pas derrière, cela ne sert à rien, on en ramassera tous les matins.

Photo à la Une : © Paul Sauvage 

Alexia Luquet
Journaliste indépendante et réalisatrice vidéo, le travail d’Alexia Luquet pose depuis huit ans son regard aux croisements de l’art, du social et de la planète, avec un œil - critique - sur l’innovation. Ses reportages l’ont emmenée vers des territoires peu couverts en Europe et d’autres plus lointains au Bangladesh et à Hong Kong. Elle consacre également du temps à enseigner l’éducation aux médias et à l’information.
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