Dans quel type d'émission peut-on parler écologie, luttes sociales et culture sur un même plateau ? Chez Jam&Talk bien-sûr. On vous emmène à la découverte de ce talk-show décalé aux côtés de son fondateur, Julien Party.
Qui n’a pas déjà passé sa soirée à refaire le monde autour d’un verre ? Ces moments où l’on peut entendre se juxtaposer des phrases comme : « le réel enjeu avec le GIEC c’est… » et « au fait, est-ce qu’on est toujours en happy hour ? » sont essentiels pour dessiner le monde de demain. C’est en tout cas le crédo de Jam&Talk, une émission à la fois sérieuse et décalée, qui mêle interviews, débats et musique live, le tout dans une ambiance légère et décontractée. À l'initiative de ce projet un peu fou : Feuillus Libres, un auto-média indépendant qui traite de sujets engagés à l’échelle de Strasbourg et ses alentours. On a rencontré son fondateur, Julien Party.
Des projets nés de la convergence des luttes
Nous sommes en 2017. Comme de nombreux·ses citoyen·nes, Julien Party est à la recherche d’une association dans laquelle s’engager pour faire bouger les choses. Vivant dans les Vosges, il décide de rejoindre un collectif local, engagé dans la transition écologique sur le territoire. Son engagement prend forme, il aide le collectif à filmer et à promouvoir leurs événements. Puis arrive 2018, et le mouvement des gilets jaunes : pour Julien c’est l’occasion rêvée de se rassembler et de mêler différents combats ! Mais le collectif ne partage pas cette vision… et ne voit pas l’intérêt de mêler écologie et luttes sociales, deux chevaux de bataille bien distincts selon eux.
Pour Julien, c’est en faisant converger les points de vues que l’on arrivera à faire bouger les lignes. « J’estime que toutes les luttes sont importantes, nous explique-t-il. On ne peut pas être juste sur l’écologie, ou juste sur l'antispécisme ou juste sur le féminisme… tout est important ». C’est à ce moment-là que lui vient l’idée de Feuillus Libres, un auto-média lui permettant de parler de toutes les luttes, sans discrimination. Quelques mois plus tard, c’est cette même aspiration qui l’amène à créer Jam&Talk, une émission façon talk-show pas comme les autres, dans laquelle on peut retrouver une activiste d’Alternatiba, un Soudanais qui raconte son parcours d’émigration, et un auteur-compositeur strasbourgeois ; le tout dans le même épisode !
Une volonté de casser les codes (et les formats)
Jam&Talk est né d’une volonté de défier le statu quo en faisant de l’information différemment de ce que l’on peut voir dans les médias classiques. « À la télé, il n’y a que des débats chiants, il manque le côté festif, fait-il remarquer. Je me suis rappelé de quand j’étais petit et qu’on avait tous vu les images des vieilles émissions télé avec Gainsbourg et Renaud. Ils étaient là à discuter, fumer des clopes et boire des coups. J’aime ce côté un peu punk, à la cool. On sent qu’on n’est pas sur le plateau de TF1. »
C’est le côté décontracté et authentique d’émissions comme Squat Philo ou Tournée Générale, qui donne à Julien l’idée de combiner musique et interviews, le tout dans une ambiance cool et décomplexée. Une envie de ne faire « pas que du sérieux, pas que de la culture, mais tout en même temps. »
Entre chaque intervention ou débat sur un sujet engagé, s’intercale un intermède musical sous la forme d’un jam (séance d’improvisation musicale), entre musiciens et musiciennes d’horizons divers et variés qui se rencontrent pour l’occasion. « L’engagement c’est cool, mais si c’est chiant ça ne donnera envie à personne d’agir, note Julien. J’avais envie de créer un espace où l’on peut faire de la lutte avec un côté festif, tout en se marrant. »
Contre l’entre-soi, des intervenant·es venus d’horizons différents
Les intervenant·es sont choisis pour leur engagement, les musicien·nes pour leur sensibilité alternative, et la variété des instruments utilisés. Le tout se fait par bouche à oreille et à l’échelle locale uniquement. L’idée étant de conserver un groupe restreint pour que tous les participant·es puissent se sentir à l’aise et dans l’envie d’échanger. « L’objectif premier n’est pas de faire beaucoup de vues, mais plutôt de rassembler des personnes d’horizons différents pour créer des synergies, explique-t-il. Pendant qu’on filme une interview, certains regardent, d’autres sont dehors en train de discuter et de faire du réseau. L’idée est de créer du lien et de faire converger les luttes à l’échelle locale. »
En tout, le tournage de l’émission dure environ une dizaine d’heures. « L’après-midi, on enchaîne les interviews et la soirée c’est au tour des jams. Tout le monde se croise, discute autour d’un verre, écoute la musique… C’est assez impressionnant, à chaque fois il y a des liens qui se tissent entre les participants. »
Un engagement 100% bénévole
Aujourd’hui, Julien est à la fois réalisateur, cadreur et monteur de l’émission. Il s’agit pour lui d’un engagement entièrement bénévole, comme c’est le cas pour toutes les personnes qui viennent donner un coup de main le jour du tournage et pour les intervenant·es et musicien·nes qui participent à l’émission. « Jam&Talk est un projet avant tout basé sur l’entraide et l’envie de passer un bon moment », continue-t-il.
Pour Feuillus Libres comme pour les soirées Jam&Talk, la gratuité est un principe fondamental. Pour Julien, la culture doit être accessible à tous et à toutes, un point c’est tout. Il voit cette émission comme un concept gagnant-gagnant : les participant·es donnent de leur temps bénévolement, et en contrepartie les vidéos permettent d’apporter de la visibilité aux musicien·nes et aux différents projets.
L’avenir de Jam & Talk
Les prochaines éditions de Jam&Talk seront chacune tournées dans un lieu alternatif différent de la région Strasbourgeoise. L’idée étant de mettre en valeur les intervenant·es et musicien·nes qui gravitent autour de ces lieux. Le prochain tournage est prévu pour cet été au M33, un atelier d’artistes collaboratif à Strasbourg. L’émission devrait être disponible sur la chaîne Youtube de Feuillus Libres à partir de septembre.
Quand on le questionne sur l’avenir de Jam&Talk, Julien ne manque pas d’idées. Pourquoi ne pas organiser un temps de débats entre les intervenant·es à la fin des interviews ? Ou bien intercaler des spectacles en plus de la musique ? Ou encore intégrer un concours de court-métrages ? Nul ne sait donc quelle forme prendra l’émission dans les mois et années à venir. Mais une chose est sûre, ce projet un peu fou est bien la preuve que l’on peut mélanger écologie, culture et luttes sociales, tout en parlant sérieusement et en passant un bon moment.