Carbo s’est rendu au Théâtre des Célestins de Lyon pour voir Richard dans les étoiles de Valérian Guillaume. Une pièce à mi-chemin entre le rêve et la réalité. Un éloge de la lenteur à contresens d’une société ultra consumériste.
Richard dans les étoiles, c’est l’histoire de Loïc, un jeune homme qui n’en peut plus de cette vie qu’il n’a pas choisi. Loïc tient la baraque à frites du coin, jusqu’au jour où il décide de tout arrêter. Dès les premiers instants, le spectateur est plongé dans un univers déjanté, inventé de toutes pièces, mais ressemblant étrangement au nôtre... À travers cette histoire, le metteur en scène nous invite subtilement à repenser notre société, son fonctionnement et ses croyances.
Une baraque à frites pas comme les autres
Du début à la fin, la pièce se déroule autour d’une baraque à frites, dans la zone commerciale d’une ville lambda. Cette baraque à frites est tenue par un jeune homme prénommé Loïc, qui l’a lui-même hérité de son père, décédé il y a quelques mois.
Dès les premières scènes, on comprend que ce n’est pas un commerce comme les autres. Avec ses patates, Loïc fait la pluie et le beau temps. De jour comme de nuit, les gens viennent et reviennent pour consommer ses frites croquantes et dorées.
À vrai dire, cette baraque à frites est le seul lieu de socialisation de la ville. On y vient pour manger des frites, certes, mais aussi et avant tout pour se retrouver et oublier ses soucis. Tout tourne autour de cette institution, qui s'immisce dans la culture locale et même dans la la langue, avec des expressions comme « gardez la frite », qui est le slogan officiel de la ville.
Overdose de frites
Mais depuis le décès de son père, Loïc est surmené. Il parvient de moins en moins à gérer son activité, sans parler de la pression constante des clients dont la vie tourne autour de ses frites.
Tous les jours, il répète les mêmes gestes : laver, couper, peler, frire. Tous les jours, on l’adresse de la même manière, en commençant par « chef Loïc, chef Loïc », comme un perpétuel jeu de Jacques à dit.
Jusqu’au jour où Loïc n’en peut plus. En plein service, il baisse le rideau et disparaît. A partir de ce moment, Loïc devient Richard, son alter ego. Il s'autorise à quitter cette société toxique, à « partir dans les étoiles », pour vivre ses rêves d’évasion et de poésie.
« Tous les jours pendant des années j'ai fait des frites, tous les jours j'ai pensé à arrêter. Aujourd'hui je ne veux plus être au menu, je rends le tablier. »
À travers le personnage de Loïc, le metteur en scène remet en question le fonctionnement même de notre société, et en particulier de notre travail. Il invite le spectateur à s’interroger sur notre valeur en tant qu’êtres humains : Que vaut-on quand on s’arrête de travailler ? A-t-on toujours de la valeur lorsqu’on ne produit plus rien ?
Critique d’un consumérisme à outrance
Le départ de Loïc a l’effet d’un attentat. C’est la panique, le désarroi. Les habitants passent d’abord par une phase de déni. Cet acte remet en question les fondements même de leur système, et ils ne sont pas prêts à accepter une telle transformation. Les frites de Loïc étaient leur drogue quotidienne. Un plaisir immédiat qu’il faut renouveler quotidiennement pour maintenir l’illusion d’un bonheur artificiel. Ça vous rappelle quelque chose ?
Finalement, ce n’est pas très loin de notre propre société, où l’on nous apprend dès le plus jeune âge que pour être heureux.se, il faut consommer. À travers Richard dans les étoiles, Valérian Guillaume met en scène notre addiction à la surconsommation, une drogue qui nous coupe les uns des autres.
En outre, après le « drame », personne ne s'inquiète pour Loïc. Personne ne cherche à savoir comment il va. La seule chose qui compte est qu’il se remette à faire des frites. Même sa propre mère l’accuse de tous les maux. Alors que la salle se remplit d’une fumée oppressante, elle l’accuse de gâcher sa chance, incapable de comprendre que c’est avant tout pour se protéger qu’il a choisi de partir.
Le clash des générations
Dans la pièce, Loïc et son ami Ralph représentent les jeunes générations. Celles pour qui le bien-être est plus important que le travail. Contrairement à la mère de Loïc qui incarne les anciennes générations, pour qui le travail apporte une valeur sociale fondamentale.
Le personnage de Ralph en particulier, n’est pas comme les autres habitants. Il cherche sa place dans ce monde qui ne lui ressemble pas. Grâce à Loïc, il trouve le courage de se rebeller lui aussi. Dans un excès de zèle, il finit par détruire le décor, qui était faux, tout comme ce monde absurde.
La pièce se termine sur une tirade spectaculaire de Loïc (devenu Richard), et un message d’espoir : « Ne perdez pas votre courage, voyagez léger. »
Informations pratiques
Richard dans les étoiles est à voir et à revoir du 27 septembre au 7 octobre au Théâtre des Célestins à Lyon, les 24 et 25 novembre au Théâtre Sorano à Toulouse, et du 4 au 16 décembre au Théâtre de la Cité internationale à Paris.
Crédits de la photo de couverture : Richard dans les étoiles - Théâtre des Célestins à Lyon - 2023