Difficile d’imaginer un Noël sans sapin aujourd’hui. Mais comment ce conifère est-il devenu un arbre incontournable des fêtes de fin d’année ? Et peut-on lui prédire un avenir écologique ?
Le sapin, symbole de la vie ou de l’au-delà ?
Un peu comme pour un conte de Noël, plusieurs récits mythologiques cohabitent pour expliquer l’origine du tout premier sapin de Noël. À tel point qu’il est parfois difficile de distinguer la légende de l’histoire.
Plusieurs textes concordent pour dire que chez les Celtes, vers 2000 avant J-C, le 24 décembre aurait été choisi comme jour de célébration de la renaissance du soleil. À cette période de l’année, pendant laquelle la durée d’ensoleillement de la journée commence à s’allonger, on décorait un épicéa. Associé dans la mythologie à la Artémis, déesse de la chasse et qui aidait les femmes à accoucher, cet arbre était alors symbole de la vie et de l’enfantement. Des fruits, du blé et des fleurs ornaient l’épicéa pour l’occasion.
Si d’autres récits existent, la majorité donne une origine païenne au sapin comme symbole de Noël. Mais quelques siècles après J-C, l’Église décide de faire du 25 décembre le jour de célébration de la naissance du Christ et supplante la tradition païenne par une fête chrétienne. Depuis, l’arbre ne représente plus la vie mais le paradis, passant de la symbolique de la jouissance du vie présente, à celle de la jouissance dans la mort et l’au-delà.
Le sapin vivant, « signe d’une vie sans fin »
Le statut tout particulier du sapin vient aussi de ses caractéristiques naturelles. Son feuillage persistant et verdoyant même en hiver, en fait un symbole de vivacité.
À la fin du VIIème siècle, un moine évangélisateur allemand, Saint Boniface, veut convaincre des germains que le chêne n’est pas un arbre sacré. Et pour cause : ces derniers se réunissent chaque année autour d’un « chêne du tonnerre » dédié au dieu Thor, au nom duquel ils sacrifient un enfant. Alors abat le chêne à la hache, il dévoile un jeune arbre resté debout : un sapin. Saint Boniface y voit un miracle et déclare dans sa prédication :
« Ce petit arbre, un jeune enfant de la forêt, sera votre arbre sacré ce soir. Il est le bois de la paix… Il est le signe d’une vie sans fin, car ses feuilles sont toujours vertes. Voyez comme il pointe vers le ciel. Qu’on l’appelle l’arbre du Christ-enfant ; rassemblez-vous autour de lui, non pas dans la forêt sauvage, mais dans vos propres maisons ; là, il n’abritera pas d’actes de sang, mais des dons affectueux et des rites de bonté » (selon cette traduction)
La plantation de jeunes sapins chez les Allemands était ainsi liée à la célébration de la naissance du Christ. Par la suite, le sapin de Noël était décoré de différentes manières : des pommes rouges pour représenter l’arbre du paradis (dans le jardin d’Éden, des confiseries, ou encore des gâteaux en forme d’hosties.
Des noix et pommes en verre comme décoration
Aux 17ème et 18ème siècles, on commence à illuminer les sapins grâce à l’utilisation de coquilles de noix remplies d’huile et à la surface desquelles des mèches flottent, ou au moyen de chandelles souples nouées autour des branches.
La cour participe également à répandre la “mode” du sapin de Noël ; tradition que l’on retrouve rapidement dans la bourgeoisie, puis auprès du peuple. Marie Leszczynska, épouse de Louis XV - roi de France - installe un sapin de Noël dans le château de Versailles en 1738, selon une tradition qu’elle aurait importée de Pologne.
En ce qui concerne la décoration du sapin, la sécheresse de 1858, associée à un hiver rude, cause une pénurie de fruits, pourtant nécessaires à la composition du sapin. Un souffleur de verre, artisan de la verrerie de Goetzenbrück trouve alors une solution en fabriquant des boules en forme de pomme en verre soufflé.
Le sapin, de racine de la société à fruit de la discorde
Un siècle et demi plus tard, le sapin de Noël semble avoir perdu un peu de son symbole pour devenir le sujet d’affrontements sur le plan politique. En 2020, c’est le maire écologique de Bordeaux qui fait parler de lui en refusant d’installer « d’arbres morts sur la place de la ville.», et en lui substituant une œuvre en forme de cône de verre signée Arnaud Lapierre et conçue de manière locale à partir de matériaux recyclés et recyclables. De quoi susciter une vive polémique, mais surtout ouvrir un débat fertile sur le coût environnemental de la tradition du sapin (synonyme de monoculture, usage de pesticides et engrais, transports, etc.).
Hier symbole de réunion, le sapin devient aujourd’hui – dans certains contextes – un point de controverse, médiatisation aidant. Être écologiste, est-ce être pour ou contre le sapin de Noël ? La question n’est pas simple. Peut-on tirer un trait sur la place que cet arbre a occupée dans l’Histoire ? Pas facile. Mais à l'inverse, la genèse du conifère de Noël étant intrinsèquement liée à la nature et ses cycles, honorer la tradition ne suppose-t-il pas paradoxalement de bouder l’arbre pour mieux le respecter ? Voilà une question qui risque d’animer un bon nombre de repas de famille, à proximité du sapin – ou pas.
Image à la Une : Wikimedia Commons