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« Donner du sens à son argent ». Une expression qu’on entend régulièrement depuis quelques années, sans toujours savoir ce qu’elle veut (vraiment) dire 🙃. S’agit-il de financer une partie de l’économie réelle ? De placer ses euros en fonction de ses convictions et de ses valeurs ? Simple citoyen ou grande entreprise, de nombreux leviers permettent aujourd’hui de contribuer facilement à l’économie sociale et solidaire. Prenons 5 minutes pour comprendre tous les rouages d’un levier qui a le vent en poupe : la finance solidaire.
Finance solidaire : de quoi s’agit-il exactement ?
La petite histoire
La finance solidaire naquit il y a fort longtemps, probablement même avant le Moyen-Âge. À cette époque (et la définition est encore assez correcte aujourd’hui), un financement solidaire était un échange entre une personne dans le besoin et une autre disposant de moyens financiers suffisants pour pouvoir donner.
Pour un premier exemple concret et connu de finance solidaire, direction l’ Allemagne. Le groupe bancaire Raiffeisen créa aux alentours de 1850, une caisse de Crédit Mutuel Agricole. Elle permettait aux paysans et aux artisans d’une même zone géographique assez restreinte d’améliorer leur situation matérielle et morale, grâce à des crédits aux taux d’intérêt assez bas. Pour bénéficier de ce système, l’emprunteur devait devenir membre de la caisse. L’initiative a été reproduite dans différents pays à travers le monde. En France, cela a marqué la naissance du crédit populaire.
🖐 Ne pas confondre : si pendant un temps, la définition de microfinance et de finance solidaire était la même, ce n’est aujourd’hui plus le cas. En effet, la microfinance désigne un système de financement s’adressant aux personnes exclues du système traditionnel.
Le premier fonds éthique a vu le jour dans les années 1920 au sein de mouvements religieux. Puis il a fallu attendre 50 ans avant de voir apparaître pour la première fois la notion de RSE. Pour répondre à la relative « inefficacité » de la finance traditionnelle et améliorer les conditions de vie des citoyens, des initiatives de finance solidaire ont alors commencé à être développées dans plusieurs pays.
Mais permettons-nous une petite ellipse narrative et atterrissons directement en 2014 : cette année-là, la loi relative à l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) est adoptée en France. Avec un objectif clair : encadrer juridiquement l’ESS pour mieux mettre en place de nouveaux modes de financements adéquats.
Définition
On peut définir la finance solidaire comme l’ensemble des mécanismes et institutions qui appliquent au secteur financier les principes de l’économie sociale et solidaire. On parle d'économie sociale d'une part car on poursuit un but non lucratif et d'autre parce que l'on privilégie l’humain par rapport au capita. « Solidaire » renvoie au fait que l'on propose des nouveaux modèles de développement et de financement d'organisation ayant une forte utilité sociale et environnementale.
Le produit financier solidaire bénéficie aux porteurs de projets qui peuvent ainsi :
- créer des emplois,
- fournir des logements sociaux,
- mettre en place des projets environnementaux (agriculture biologique, commerce équitable...),
- développer les activités économiques dans les pays en voie de développement.
Son but est donc de permettre à chacun d’utiliser son épargne pour des causes qui lui sont chères. Comme la microfinance, ce système représente une alternative aux circuits financiers traditionnels. Cela signifie notamment ne plus laisser dormir ses euros sur un compte bancaire ou un livret qui rapporte peu, mais plutôt de les faire fructifier au travers d’investissements sociaux et/ou environnementaux.
🖐 L’info qu’on devrait tous connaître : lorsqu‘un taux d’intérêt d’un placement est plus bas que l’inflation - par exemple, le taux du livret A en 2020 (0.5% contre 1.1% d’inflation) - y maintenir ses petites économies revient à perdre de l’argent.
Finance solidaire, ISR ou Impact Investing ?
L’Investissement Socialement Responsable (ISR) consiste à intégrer de façon systématique et traçable des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) à la gestion financière.
L'Impact Investing représente « des investissements faits dans les entreprises, les organisations ou les fonds, avec l'intention de générer des impacts environnementaux et sociaux positifs en même temps qu'un rendement financier » selon le GIIN.
FINANCE SOLIDAIRE | ISR | IMPACT INVESTING | |
---|---|---|---|
NATURE DE L'INVESTISSEMENT | Activités qui lutte contre l’exclusion ou agissent pour le développement durable (entreprises non cotées) | Notion de développement durable en intégrant les critères ESG (entreprises cotées) | Activités qui cherchent à générer un impact social ou environnemental mesurable |
OBJECTIF | Augmenter le capital social des destinataires | Faire pression sur les entreprises pour qu’elles améliorent leurs pratiques | Générer un impact social ou environnemental positif accompagné d’un rendement financier |
PRODUITS | FCPE, livrets d’épargne, SICAV, actions, assurance-vie | Fonds d’investissement ISR, FCP, FCPE, SICAV | - |
LABELS | Label finansol | Label ISR, Label Greenfin | - |
La finance solidaire en quelques chiffres clés
Voici quelques chiffres de 2019 à propos de la finance solidaire :
💶 15 milliards d’euros d’encours
💸 458 millions d’euros de financement solidaire pour les projets sociaux et environnementaux
💼 42 000 emplois créés ou consolidés
🏡 1 360 personnes logées
⚡️ 25 000 foyers équipés en électricité durable et responsable
Les principaux acteurs de la finance solidaire
Les financeurs solidaires
Ces financeurs collectent de l’épargne solidaire pour la réinvestir dans des projets sociaux et/ou environnementaux. Ils permettent de répondre à des besoins généralement ignorés par les financeurs traditionnels. Et parfois sans demander de contrepartie. L’objectif ? Rendre le projet réalisable. Certains financeurs proposent également un accompagnement, œuvrent pour leur territoire et sensibilisent les citoyens.
L’ADIE
L’ADIE est une association de financement et d’accompagnement. Elle permet notamment à des entrepreneurs de créer ou de développer leur entreprise. L’association octroie également des crédits pour acheter ou assurer un véhicule, ou encore passer le permis. C’est une solution alternative pour tout projet qui n’a pas réussi à se faire financer par une banque.
Initiative France
Ce réseau associatif accompagne les entrepreneurs pour leur donner les moyens de s’engager socialement et en faveur de l’environnement. C’est le 1er réseau associatif au niveau national (18 164 entreprises créées en 2019).
Le petit + d’Initiative France : viser la parité dans tous les projets soutenus 😉.
Les banques, assurances et mutuelles
La Fédération Européenne de Finances et Banques Ethiques et Alternatives (FEBEA) définit une banque solidaire comme un établissement qui récolte des fonds pour financer des crédits culturels, sociaux et environnementaux. Les mutuelles et assurances de l’ESS appliquent notamment des valeurs de transparence, de solidarité, de confiance et d’équité économique.
La Nef
Cette banque verte et solidaire fait partie du FEBEA. Elle ne finance que des activités à forte valeur ajoutée sociale, culturelle ou écologique. Cependant la Nef n’est qu’une banque de dépôt. Cela signifie qu’on ne peut pas y détenir de comptes de paiement.
Le Crédit Coopératif
Le Crédit Coopératif permet à ses clients d’effectuer des dons à des associations œuvrant pour différentes causes. Elle oriente ses crédits vers des secteurs qui contribuent à la préservation de l’environnement. Et elle ne finance aucune activité d’extraction et de première transformation du pétrole, du gaz naturel et du charbon.
Luko
Luko est une assurance habitation éthique et solidaire certifiée B Corp. Son point fort ? La transparence. 70% des cotisations sont destinés aux assurés et 30% servent à la gestion du service. S’il reste de l’argent à la fin de l’année (non utilisé pour rembourser les sinistres), il est reversé à des associations. En 2019, l’excédent a été reversé à Emmaüs Défi et à Terre & Humanisme.
Les fonds et sociétés de gestion spécialisés
Les fonds solidaires collectent auprès d’investisseurs institutionnels et qualifiés. Ces derniers s’inspirent des méthodes de capital-risque traditionnel et les appliquent au financement de projets en faveur de la solidarité et la protection de l’environnement. Quant aux sociétés de gestion spécialisées, elles collectent de l’épargne solidaire via des fonds communs de placement solidaires (FCP).
Mandarine Gestion
Cette société de gestion financière propose des fonds qui s’inscrivent dans l’économie réelle. 50% de leurs fonds détiennent un ou plusieurs Labels (Greenfin, Finansol, etc.).
Mirova
Mirova est une société de gestion dédiée à l’investissement durable. Elle propose des solutions de financement combinant performance financière et impact environnemental et social. C’est également le premier actionnaire et financeur privé de France Active (réseau associatif de financement solidaire).
Les différents véhicules de finance solidaire
L’investissement solidaire
Ces placements consistent à investir tout ou une partie de son épargne dans un projet de l’économie sociale et solidaire. On distingue 3 formes de placement à forte valeur sociale et/ou environnementale :
Les fonds 90/10
Ces fonds comportent 90% d’ISR et 10% de solidaire. Autrement dit, la grande majorité représente des titres cotés sur les marchés financiers et le reste correspond aux entreprises non cotées à forte utilité sociale. Ces 10% d’actifs peuvent servir à financer des entreprises ou financeurs solidaires mais aussi des Institutions de MicroFinance (IMF). Comme représenté sur le schéma ci-dessous, différents fonds fonctionnent sur le principe du 90/10.
L’épargne salariale solidaire
Pour rappel, l’épargne salariale permet (en bref) de bénéficier de la réussite de votre entreprise et d’ainsi recevoir des primes. Vous pouvez empocher directement ces primes ou les placer sur un plan d’épargne salariale (PERCO/PEE).
Aujourd’hui, toute entreprise ayant mis en place un PERCO (Plan d’Épargne Retraite Collectif) et/ou un PEE (Plan Épargne Entreprise) doit proposer au moins un fonds solidaire. On appelle ce fonds FCPES (Fonds Commun de Placement d’Entreprise Solidaire). Entre 5% et 10% de ce placement seront investis dans des entreprises agréées ESUS (Entreprise Solidaire d'Utilité Sociale).
Oui, ça fait beaucoup de sigles d’un coup ! Promis on fait une petite pause 😅.
L’actionnariat solidaire
L’actionnariat solidaire consiste à investir directement dans des projets solidaires. Pour ce faire, il est possible d’entrer directement au capital d’une entreprise agréée ESUS. En achetant un ou des titres d’une entreprise, vous en devenez actionnaire et bénéficiez d’un droit de décision dans l’entreprise. Vous pouvez également souscrire à un compte à terme. Celui-ci vous permet d’obtenir des intérêts à condition que l’argent déposé reste bloqué pendant un certain temps. Cet argent sert ainsi à des organismes de l’économie sociale et solidaire pendant une durée limitée.
L’épargne de partage
Les plus cupides d’entre vous vont être déçus : il ne s’agit ici pas de rentabilité 😄. En effet l’épargne de partage signifie d’utiliser son épargne pour en faire don, généralement à une association.
🖐 Bon à savoir : Le premier produit d’épargne de partage a été créé par le Crédit Coopératif. Il s’appelait Faim et développement et existe encore aujourd’hui.
Parmi les différentes solutions de partage existantes, on retrouve les livrets d’épargne et les Fonds Communs de Placement (FCP). Dans ce cas précis, la banque propose des associations au client. Ce dernier en choisit une ou plusieurs et partage ensuite ses intérêts. Le partage peut également passer par un autre produit : l’assurance-vie. Le don s'effectue alors à la souscription ou sous forme de versement annuel.
Enfin, il existe des cartes bancaires solidaires. Elles peuvent fonctionner sur différents principes :
- L’association bénéficie d’un pourcentage du paiement effectué ;
- Vous reversez une partie de la cotisation de la carte à l’association ;
- L’arrondi solidaire : lorsque vous effectuez un paiement, le montant est arrondi à l’euro supérieur. Le supplément récolté est ensuite reversé à l’association.
🖐 Une entreprise peut également appliquer le principe de l’arrondi solidaire initié par MicroDon, comme l’ont fait Monoprix, Celio et bien d’autres.
Le label Finansol
La finance solidaire ne possède qu’un seul label : le label Finansol. Cet acteur incontournable de l’ESS permet de reconnaître les produits d’épargne à forte valeur sociale et/ou environnementale des autres produits d’épargne. Pour être labellisé par le comité du label, un produit d’épargne doit répondre à plusieurs critères de solidarité, de transparence et d’information. L’épargnant doit, par exemple, verser au moins 25% des intérêts ou de la performance à des associations. Le comité examine également les produits tous les ans et vérifie qu’ils respectent bien ces critères. À noter que le comité ne peut en aucun cas labelliser une entreprise ou une personne.
🖐 Bon à savoir : Au 31 décembre 2020, 166 produits financiers solidaires étaient labellisés Finansol.
Finance solidaire et rentabilité
La finance solidaire, aussi rentable que l'épargne classique ?
Oui… et non. Par exemple, en utilisant une carte bancaire solidaire, l’épargnant ne perçoit aucun retour sur investissement puisqu’il... effectue des dons. Cependant dans le cas des fonds 90/10, vous obtenez une performance sociale et/ou environnementale ainsi qu'un rendement financier. En effet, les revenus peuvent provenir des 90% investis en ISR. La rentabilité varie donc en fonction du produit financier choisi par l’épargnant.
Par ailleurs, si vous choisissez un placement de partage ou d’investissement solidaire, la rentabilité dépendra du taux fixé par votre banque ou assureur. Le livret jeune agir du Crédit Coopératif propose par exemple un taux de 1,25% net par an. Mais dans d’autres établissements, le taux des livrets solidaires rapportent parfois moins que le livret A.
🖐 L’astuce : retrouvez les performances financières de tous les produits labellisés Finansol sur leur site.
Les principaux avantages fiscaux de la finance solidaire
PRODUITS FINANCIERS SOLIDAIRES | FISCALITÉ |
---|---|
Le placement de partage et d’investissement solidaire (livret, OPC, compte à terme, assurance vie, FCP...) | Intérêts imposables, réduction d’impôt sur le don (de 66 % ou 75 %, suivant la nature de l’association) |
Le FCPES | Les intérêts sont exonérés d'impôt si le placement a au moins cinq ans pour les PEE et jusqu'à la retraite pour les PERCO |
Le financement d’entreprise solidaire (action) | Réduction d’impôt de 18 % sur les sommes investies et exonération des gains après 5 ans de détention |
Comment participer à la finance solidaire ?
Côté offre : comment financer un projet solidaire ?
De manière générale, n’oubliez pas qu'il existe de nombreux produits financiers pour toutes les bourses et tous les profils.
Se renseigner constitue la première étape avant de se lancer. Discutez-en avec votre banquier.e, votre assureur ou votre entreprise. Et si ces acteurs ne vous apportent pas les informations espérées, tournez-vous vers des financeurs solidaires.
Vous pouvez également séparer votre compte courant de votre épargne. Pour ce faire, des outils spécialisés existent comme Cashbee. Grâce à cette application, vous pouvez connecter votre compte en banque, mettre de l’argent de côté et suivre vos placements. Cashbee a par exemple mis en place un système de virements récurrents pour épargner facilement et intelligemment. Et pour investir de manière responsable, on vous conseille de passer par Goodvest. L’entreprise vous propose de placer votre épargne dans des fonds labellisés (Finansol, Greenfin et ISR) pour soutenir la transition écologique.
Enfin, une autre solution (un peu plus radicale) est de changer de banque ou d’assurance pour un organisme plus éthique.
Côté demande : comment obtenir le label Finansol ?
- Satisfaire les conditions d’éligibilité de son produit, et fournir aux épargnants toutes les informations nécessaires ;
- Adhérer à l’association Finansol ;
- Remettre le dossier de candidature au label ;
- Faire examiner son dossier par le comité du label ;
- Obtenir l'approbation de ce comité ;
- S’assurer au fil du temps que son/ses produit(s) respectent les critères. Vous devez ainsi remplir un dossier chaque année.
Que ce soit en épargnant dans un produit financier solidaire ou en labellisant les siens, chacun peut agir à son niveau dans l’ESS. Mais attention, la rentabilité ne doit pas nécessairement être la motivation première. Car être acteur de la finance solidaire, c’est avant tout contribuer à l’émergence de nouveaux modèles économiques plus vertueux 😉. Non ?