Cette année, le festival de Cannes a invité à défiler, au milieu des stars du grand écran, la militante écologiste Camille Étienne. Signe que l'écologie est enfin devenue mainstream ? On a envie d'y croire, et on le prouve en 4 artistes, œuvres ou personnalités désormais bien connus·es du grand public.
Autrefois l'apanage des seuls·es hippies soixante-huitards·es, les préoccupations environnementales se sont progressivement infiltrées dans nos modes de vie et dans toutes les formes d'expression culturelle. Lire les rapports du GIEC est une tâche à laquelle peu d'entre nous s'attellent, mais la pop-culture permet d'envisager le climat sous un angle universel : celui des histoires. Tour d'horizon avec quatre artistes qui soulèvent les foules avec leurs créations engagées.
Musique. Aurora, nature réenchantée, et capitalisme accusé
Convaincue que parler de la beauté de la nature à travers l'art est la manière la plus efficace de toucher les gens, l'auteure-compositrice-interprète norvégienne Aurora peuple son univers musical de références aux mondes végétal et animal, aux éléments comme aux astres, avec une poésie oscillant entre rêve et réalité. Dans The Seed, elle critique ouvertement le capitalisme et aborde l'inaction humaine face à la crise environnementale. Elle tisse les paroles autour d'un proverbe du peuple Cris d'Amérique du Nord, le fil rouge de la chanson : « When the last tree has been cut down, the last fish caught, the last river poisoned, only then will we realize that one cannot eat money. » (« Quand le dernier arbre aura été abattu, le dernier poisson pêché, la dernière rivière empoisonnée, alors seulement nous réaliserons que l'argent ne se mange pas ».) Une chanson puissante qui lance un appel à la vie (« feed me sunlight, feed me air ») dans une société qui s'évertue à la détruire.
À quel point c'est mainstream ? Ses mots semblent résonner avec la sensibilité d'un grand nombre de personnes, puisque The Seed a presque déjà fait 19 millions de vues sur sa chaîne YouTube.
Spectacle vivant. Swann Périssé, « le potentiel comique de la fin du monde »
Suivie par plus d'un demi-million de personnes sur YouTube, cette humoriste française aborde des sujets comme la sexualité, le féminisme et l'écologie, notamment dans son nouveau spectacle Calme et son talk-show Y'a plus de saisons, où elle donne la parole à des spécialistes de l'écologie, comme Camille Étienne, Cyril Dion et Jean-Marc Jancovici. Calme, c'est tout ce qu'elle n'est pas, explique-t-elle. Elle puise dans ses coups de gueule pour explorer « le potentiel comique de la fin du monde ». Vous l'aurez compris, rire et engagement font partie intégrante de sa présence sur scène. Résultat ? Elle est comme une tempête qui décoiffe, tout comme ses punchlines climatiques : « Ne pas avoir de grille-pain est-il un signe de radicalité écologique ? ». Bref, rien de tel pour réfléchir sur le monde.
À quel point c'est mainstream ? Son one-woman-show Calme a fait salle comble au Palais des glaces ; elle est partout dans la presse ; et elle compte 600 000 abonnés sur Youtube.
Cinéma. Don't Look Up, une métaphore des problèmes écologiques actuels sous forme de blockbuster
Don't Look Up, c'est l'histoire de deux astronomes en mission : alerter l'opinion publique de l'arrivée imminente d'une comète se dirigeant tout droit vers la Terre. Le seul hic : personne n'y croit. Ça vous semble familier ? Ce n'est pas qu'une impression : ce film est une satire de notre société, où les gouvernements, les médias et les citoyens font la sourde oreille aux alertes des scientifiques face à la crise climatique. Une prise de conscience peut-elle émerger en riant de la fin du monde ? C'est ce que le réalisateur Adam McKay croit dur comme fer. Il est vrai que Don't Look Up marque les esprits, notamment dû à son casting prestigieux – Jennifer Lawrence, Meryl Streep et Leonardo DiCaprio – mais aussi à son caractère comique et angoissant. L'absurdité de cette ignorance généralisée fait écho à notre situation actuelle, et ça se ressent.
À quel point c'est mainstream ? Sorti en 2021, le film a figuré pendant sept semaines dans le top 10 des films les plus vus sur Netflix, plateforme qui comptait 260 millions d'abonnés en 2023. Il est devenu le troisième film le plus vu de l'histoire de la plateforme.
Littérature. La Servante Écarlate, une société imaginaire face aux conséquences de la crise écologique
Imaginez un monde où un désastre environnemental rend la population stérile. Face au risque d'extinction humaine, des fanatiques religieux instaurent une théocratie privant les citoyens de leurs droits. Le peu de femmes encore fertiles sont systématiquement violées afin d'engendrer les progénitures de l'élite. Bienvenue à Gilead. Publiée en 1985, La Servante Écarlate pose une question centrale : comment la société réagira-t-elle face aux conséquences d'une crise environnementale ? Ainsi, Gilead bannit les énergies fossiles et met fin à la pollution plastique, mais au détriment des droits fondamentaux humains. L'autrice, Margaret Atwood, souhaitait aussi illustrer combien les femmes sont plus impactées en temps de crise : à Gilead, la survie de la race humaine repose sur l'entière soumission de la femme. Inconfortablement réaliste, La Servante Écarlate s'est installée comme une référence : le costume rouge emblématique de la série est devenu le symbole de la colère des Américaines lors de manifestations dénonçant la pénalisation de l'avortement en 2018. Plus récemment en France, certains ont comparé le « réarmement démographique » promu par Macron à une réplique tout droit sortie de l'univers de Gilead…
À quel point c'est mainstream ? Depuis sa parution, la seule version anglaise du roman a été vendue à 8 millions d'exemplaires dans le monde. Le roman a été adapté au cinéma, en ballet, en one-woman-show, en roman graphique, mais aussi et surtout sous forme de série télé. Cette dernière bat des records d'audience sur les plateformes de streaming et a reçu de nombreuses récompenses.