Retour sur la première bande dessinée du journaliste Hugo Clément, Le Théorème du Vaquita, parue en octobre dernier aux éditions Fayard. Surexploitation animale, pollution des océans, épuisement des ressources… À la manière du documentaire Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent, la BD dresse un état des lieux complet de la crise écologique et de ses conséquences pour la planète et l’espèce humaine. Une piqûre de rappel douloureuse mais nécessaire pour se souvenir de l’urgence dans laquelle nous nous trouvons.
Éco-anxieux·ses, s’abstenir
Dès les premières pages, on comprend qu’il ne s’agit pas d’un sympathique ouvrage de fiction à lire l’été sur la plage entre deux siestes. Le Théorème du Vaquita nous met face à la dure réalité de nos actions. « Il est possible que la sixième extinction, à l’origine de laquelle nous sommes, finisse par nous emporter avec elle », voici le message que veut faire passer l’auteur à travers cet ouvrage.
D’entrée de jeu, le lecteur est plongé au cœur d’affrontements violents en mer de Cortez, au Mexique, où des activistes de l’association Sea Shepherd se battent contre la pêche illégale des Totoabas¹. Le message est clair : les écolos ne sont pas des hippies idéalistes qui passent leur temps à jouer de la guitare en rêvant d’un monde meilleur. Ce sont des guerriers qui se battent tous les jours pour la survie de notre espèce. « Chaque année, entre deux-cents et trois-cents défenseurs de l’environnement se font tuer. On n’a pas envie d’en faire partie », explique Ben, bénévole sur le bateau de l’ONG de défense des océans, cible d’attaques violentes de la part des braconniers.
Le fond du problème : notre déconnexion au vivant
Dans son ouvrage, Hugo Clément présente de nombreux faits scientifiques pour informer au mieux le lecteur. Mais le livre est également nourri de ses propres réflexions et ressentis. « Jamais je n’ai ressenti une frontière si mince entre un animal et moi », partage-t-il lors de sa rencontre avec les gorilles de Bwindi, en Ouganda. On comprend vite que, pour lui, la cause profonde de tous ces dérèglements est avant tout le gouffre que l’on a créé entre nous et les autres animaux. À cause de notre mode de vie hors sol, nous avons oublié que pendant longtemps, nous vivions en équilibre avec toutes ces espèces.
« Nous ne sommes rien d’autres que des animaux, pourtant nous nous pensons supérieurs (...) et cette supériorité nous permet de justifier leur exploitation et leur destruction. »
Hugo Clément, Le Théorème du Vaquita
La BD est parsemée de phrases coup de poing qui nous ramènent à notre propre bêtise, comme cette réflexion d’Emmanuelle Pouydebat, éthologue et directrice de recherche au CNRS : « En peu de temps, nous avons endommagé les écosystèmes dont nous dépendons. Donc pour moi, s’il faut absolument faire des catégories, à l’échelle de l'évolution, on est plus proches des plus stupides que des plus intelligents. »
Objectif : changer notre rapport à l’alimentation
Comme dans la plupart des ouvrages sur l’écologie, après les constats accablants viennent les solutions. À la fin de la BD, le journaliste met en avant plusieurs actions que l’on peut chacun·e faire pour atténuer notre impact : limiter nos voyages en avion, acheter d’occasion, réparer nos appareils...
La plus importante d’entre elles consistant à remettre en cause notre rapport à l’alimentation, et la nécessité de cette domination que l’on exerce sur les autres êtres vivants. Hugo Clément consacre un chapitre entier à ce sujet, à travers trois arguments imparables :
- Écologique : « L’élevage est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial², soit autant que les rejets directs des voitures, avions et bateaux du monde entier. »
- Humain : « La souffrance infligée [aux animaux] devrait suffire à nous faire changer nos habitudes de production et de consommation. »
- Spirituel : « Selon les philosophes présocratiques [comme Pythagore], l’âme est immortelle et passe aussi bien dans des corps d’hommes que d’animaux. Tuer un animal peut donc potentiellement revenir à tuer son frère ou sa grand-mère. »
Pour l’auteur, il ne s’agit pas de devenir tous végétarien·nes du jour au lendemain, ce qui paraît illusoire. L’objectif est plutôt de faire baisser massivement la production de viande et la pêche. Et pour cela, mieux vaut des millions de personnes qui réduisent leur consommation de produits animaux, que quelques milliers de végans !
Une (petite) lueur d’espoir
Face à ce tableau sombre, Hugo Clément nous apporte tout de même une petite lueur d’espoir dans le dernier chapitre. Pour sauver notre maison, nous devons utiliser notre plus grande force : la coopération. « C’est en nous répartissant les tâches et les rôles que nous avons pu relever les défis qui s’imposent à nous : chasser, développer l’agriculture, construire des villes… », explique-t-il. C’est là que le nom de la bande dessinée prend tout son sens : le théorème du Vaquita, c’est comprendre que nous ne sommes rien d’autre que des animaux qui ont besoin d’un écosystème en bonne santé pour survivre...
Après Le Théorème du Vaquita, une BD déjà accessible pour les ados, Hugo Clément s’est lancé dans l’écriture d’une collection d’albums jeunesse, Mission Planète. L’objectif : sensibiliser les enfants à l’écologie et la biodiversité à travers quatre grandes thématiques : les animaux, les mers et océans, les forêts et le climat. Ils sont à retrouver également aux éditions Fayard.
Le Théorème du Vaquita, Hugo Clément, Vincent Ravalec et Dominique Mermoux, Fayard Graffik, 160 pages, 21,90€
- 1. Grand poisson de la famille des Sciaenidae, classé dans la liste des espèces menacées à cause d’un intense braconnage pour sa vessie natatoire, vendue à haut prix en Chine (jusqu’à 50 000 euros le kilo).
- 2. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.