Cannes 2023 - Un peu d’écologie au milieu des paillettes 

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màj en mars 2024

Si l’on retiendra surtout de cette édition de Cannes 2023 l’hypocrisie du milieu du cinéma français face aux agresseurs et l’urgence écologique - montée des marches triomphale de Johnny Depp en ouverture, déplacements quasi systématiques en avion pour venir se montrer sur le tapis rouge et dissonance cognitive d’Harrison Ford - une initiative, bien sûr passée relativement inaperçue, a malgré tout retenu notre attention chez Carbo. C’est celle du collectif CUT ! et du lancement de son manifeste pour une transition écologique du milieu du cinéma. On vous raconte.

Naissance du Collectif CUT ! 

Au Festival de Cannes, une montée des marches n’a pas fait autant de bruit que les autres : celle des membres du collectif CUT ! le 22 mai 2023. CUT pour Cinéma Uni pour la Transition écologique du secteur. Dans ce collectif, on retrouve sans grande surprise le documentariste engagé Cyril Dion qui avait déjà annoncé l’année dernière au Festival le lancement d’une société de production « pour imaginer des futurs désirables » aux côtés de Marion Cotillard. Cette année, il monte les marches accompagné, entre autres, de l’acteur et réalisateur Jérémie Renier, fondateur du collectif.

« Pour la 1ere fois dans l’histoire du Festival de Cannes nous étions plus de 60 professionnels du cinéma à monter les marches pour alerter et mobiliser sur le péril écologique. »

Cyril Dion, dans une publication Facebook

L’acteur belge Jérémie Renier avait d’ailleurs déjà signé une tribune parue dans Le Monde en février dernier après la triste soirée des Césars et l’interruption de la cérémonie par une activiste climat du collectif Dernière Rénovation tournée en ridicule par les présentateurs Ahmed Sylla et Léa Drucker, et censurée par la chaîne. La tribune s'intitulait alors : « Nous professionnels du cinéma, ne pouvons pas continuer à faire comme si de rien n’était tandis que notre planète devient inhabitable ». Elle avait été signée par une vingtaine de professionnels du cinéma. Cette fois-ci, le manifeste du collectif CUT !, publié sur un site dédié et dans une nouvelle tribune sur le site du Monde, a déjà rassemblé plus de 400 personnalités parmi lesquelles Isabelle Adjani, Louis Garrel, Natalie Portman, Marion Cotillard, Virginie Efira, Alice Zeniter, Yann Arthus Bertrand… L’objectif affiché du collectif : « mettre en lumière, accompagner et fédérer l’ensemble des initiatives du cinéma qui permettent de garder un monde habitable pour toutes et tous ». 

« Nous disposons de super-pouvoirs »

Le collectif, lancé en janvier 2023, et déjà soutenu par le CNC, a pour but de permettre de « réfléchir aux transformations possibles et nécessaires du monde du cinéma vers un modèle plus soutenable », notamment par le biais de groupes de travail. Pour l’heure, le collectif a déjà rédigé et publié son manifeste et créé deux premiers outils : une plateforme et une charte d’engagement pour les actrices, acteurs et agents du milieu. Chaque personne intéressée et travaillant dans le domaine du cinéma a la possibilité de rejoindre directement en ligne des groupes de travail, le collectif mettant en avant le besoin urgent de « l’intelligence de chacun ». L’intérêt de ce nouveau collectif réside d’ailleurs dans cette volonté revendiquée d’inclure véritablement tous les métiers du cinéma à la réflexion - décorateur, producteur, comédien, agent, banquier - avec pour ligne de mire un changement global et profond du secteur. 

Dès les premières lignes du manifeste, les faits sont rappelés sans détour. Le milieu du cinéma a beau être au fait de la catastrophe écologique en cours et surtout de l’impact du secteur sur les émissions de CO2 (plusieurs rapports ont été publiés sur le sujet), il « continue comme si de rien n’était » créant un fossé toujours plus grand - et qui passe de plus en plus mal - entre ce monde de paillettes et de jets et les citoyens ordinaires. Les chiffres sont là, aussi, rappelés par le collectif : « un tournage moyen émet autant de CO2 que 37 allers-retours Paris-New-York ». Convaincus de la force de la culture et des imaginaires, les membres du collectif abordent pour une fois avec intelligence et dans un même mouvement les questions du fond et la forme. En 2023, des films qui promeuvent un mode de vie plus écologique et sensibilisent, mais nécessitent des tournages hyper consommateurs en énergie, ça ne passe plus, et les membres de CUT semblent l’avoir bien compris. Pour autant, ils défendent avec volonté la force de la culture, des histoires et du cinéma pour toucher les gens, leur faire aller vers de nouveaux modes de vie.

« En réalité, nous disposons de super-pouvoirs. Et par conséquent, de super-responsabilités. Chaque jour, nos films touchent des millions de personnes. Les salles, les œuvres, créent des liens uniques entre les humains, les réunissent autour d’histoires communes, qui influencent la façon dont ils regardent, comprennent le monde… (...) Nous pouvons aujourd’hui construire de nouvelles représentations du monde, de l’avenir. Tout doit être repensé, réinventé, reconstruit. Mais comment faire naître ce monde nouveau si nous ne sommes pas d’abord capables de l’imaginer ? À travers les films, nous pouvons inspirer d’autres façons d’être au monde, de nous relier et de faire face aux défis à venir. »

Extrait du manifeste disponible sur le site du collectif CUT ! 

Les têtes givrées © Pascal Tournaire

Cyril Dion, interrogé par le média Reporterre, ajoute : « Nous sommes la société du spectacle et nous devons nous demander à quoi nous servons. Faire du divertissement pour les gens qui oublient la catastrophe écologique ? Ou accompagner cette mutation culturelle en racontant des histoires qui nous aident à le faire ? ». Ces réflexions nous rappellent le cas du film Les Têtes Givrées, dont nous vous parlions au mois de février. Un film qui aborde la question climatique et la fonte des glaces avec humour, émotions et pédagogie, et un tournage sur lequel des efforts ont été mis en place pour réduire au maximum l’impact carbone (cantine bio, costumes recyclés…). Ce genre d'initiatives fait du bien, il est en effet urgent de partager des modèles de films éco-conçus réussis, d’alimenter la réflexion, tout en continuant à faire rêver aux mondes d’après. C’est ce que préconise également Samuel Valensi, auteur du rapport Décarbonons la culture dans un article publié sur Bon Pote : « Éco-concevoir les œuvres, pour qu’il y ait encore des œuvres. »

Nous ne manquerons pas de suivre de près les prochains développements du collectif CUT ! dont l’objectif se rapproche de celui que nous poursuivons sur Carbo média, tout en n’oubliant pas si nécessaire de rappeler aux concerné·es de faire attention à la dissonance cognitive qui guette quand on s’implique pour décarboner la culture mais qu’on continue à passer ses vacances sur un yacht. À bon entendeur… 

Juliette Mantelet
Juliette est journaliste et co-rédactrice en chef. Ce qui l'enthousiasme par-dessus tout, c'est d'explorer le monde qui change et les futurs possibles avec optimisme par le biais de la littérature et de la pop culture.
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