Depuis sa sortie en décembre dernier, on a lu tout et son contraire à propos du deuxième opus de la saga de James Cameron. Pour une partie de la presse, le film d’animation 3D représente un hommage aux peuples autochtones et un véritable plaidoyer pour l’environnement. D’autres journalistes, plus sceptiques, ont au contraire dénoncé le hiatus entre le discours écologique du film et les émissions carbone qu’a généré sa production. D’autres, encore, n’ont pas supporté de voir un film mettant en scène une « détestation généralisée de l’humanité »… On vous aide à y voir plus clair.
Les arguments contre
Mièvrerie animalière.
Dans le camp des détracteurs du film, la critique plus virulente vient sans doute du philosophe de l’écologie Frédéric Ducarme, dans une chronique publiée dans Le Monde. Le chercheur, dont on ne peut que reconnaître le sens de la formule, estime que la question environnementale dans le deuxième opus d’Avatar se réduit à « un traitement spirituel proche des stages de développement personnel new age pour cadres de la Silicon Valley ». Selon lui, la lutte contre le changement climatique est d’autant plus dépolitisée dans le film qu’elle se résume à un « bon vieux duel viril entre deux militaires américains » qui évacue tout principe d’une responsabilité collective. Sur la planète Pandora, par définition imaginaire, la crise écologique est de toute façon absente puisque ses habitants ne subissent aucun événement climatique extrême ni ne font face à une érosion massive de la biodiversité. Au contraire, le blockbuster regorge d’animaux fabuleux, que les extraterrestres, caricatures « de bons sauvages pacifistes », ont eux-mêmes tendance à « peluchiser » et à maltraiter, dénonce Fréderic Ducarme.
Anthrophobie.
Le sociologue Gérald Bronner a lui-même repris cet argument dans sa critique pour L’Express : « ces grands êtres bleus […] ont des avions et des sous-marins qui ne sont autres que des créatures vivant avec eux en toute harmonie. N’y a-t-il pas, de ce point de vue, un rapport de subordination que détesteraient les antispécistes ? ». Pour le professeur de sociologie, le problème d’Avatar 2 serait plutôt de mettre en scène une « détestation généralisée de l’humanité », soit « l’une des plus grandes idéologies contemporaines ». Et le sociologue de nommer les mouvements d’écologistes radiaux prônant la sodomie ou le suicide pour débarrasser la Terre de l’espèce humaine… Pour rappel, Gérald Bronner, figure controversée dans le milieu universitaire, est l’auteur de l’essai La planète des hommes (PUF, 2014), écrit pour « réenchanter le risque » face à la crainte d’une apocalypse écologique. Selon lui, il serait ainsi faux de penser que « le problème fondamental est de ne surtout pas risquer de détruire l’espace qui permet de vivre », soit la planète Terre, puisque nous pourrions, à terme, coloniser d’autres galaxies.
Greenwashing.
Reporterre dénonce, pour sa part, le décalage entre un scénario voulu comme une fable écologique et les moyens tout sauf sobres déployés par James Cameron pour réaliser son film. Certes, la production s’est vantée d’avoir installé des panneaux solaires sur le toit de son studio principal et proposé une cuisine vegan à toutes les personnes travaillant sur le tournage. Pour autant, souligne le site d’informations, la campagne de promotion du film a nécessité de « nombreux trajets en avion et la consommation énergétique de milliers d’écrans publicitaires ». Toujours dans le cadre de la promotion du blockbuster, l’équipe du film a par ailleurs assisté à un spectacle de cétacés captifs au Japon, pays où la saison annuelle de chasse aux dauphins est connue pour être particulièrement brutale. Dans l’émission radio culte de France Inter « Le masque et la plume », le critique de cinéma Xavier Leherpeur en a remis une couche, rappelant le bilan carbone de la superproduction : « On sait que les ordinateurs, pour les faire fonctionner, c'est très énergivore. Donc son film, il n'est pas du tout écolo, malgré le message qu'il distille ».
Les arguments pour
La beauté au service de la biodiversité.
Envouté. Voilà l’état dans lequel le journaliste de Numerama a dû sortir de la projection d’Avatar 2. Dans sa chronique, Marcus Dupont-Besnard évoque ainsi « un profond conte écologique », dont les « longues séquences de contemplation poétique » de la nature ne peuvent qu’attendrir le cœur des spectateurs. L’esthétisme des décors, que permettent d’incroyables effets spéciaux, sert en effet au réalisateur à renforcer son plaidoyer en faveur de l’environnement, explique le journaliste. D’après lui, « le réalisateur a compris que nous sommes des êtres d’émotions », ainsi « en exprimant la beauté et l’altérité de Pandora, James Cameron accentue la violence commise contre cet écosystème ». Le journaliste des Échos Adrien Gombeaud partage son analyse. Selon le critique de cinéma, grâce à des décors stupéfiants, le cinéaste canadien nous montre à quoi aurait pu ressembler notre monde « si l’humanité avait pris un chemin différent ».
Hommage aux peuples autochtones.
Dans le média Vert, le chercheur en sciences politiques Yannick Rumpala estime lui aussi que le deuxième volet de la saga contribue à « conscientiser la population sur les désastres écologiques » en cours, comme l’extraction des minerais ou la chasse aux animaux marins. D’après lui, le film du cinéaste canadien est une critique en creux de notre vision occidentale de la nature, laquelle devrait se plier à nos désirs consuméristes. Avatar 2, explique t-il, rend ainsi hommage aux peuples autochtones d’Amazonie, animistes et respectueux de leur environnement, dont les habitants de la planète Pandora sont très inspirés. Dans le film, ces derniers considèrent en effet que tous les êtres vivants sont reliés spirituellement. Stéphane Dreyfus, journaliste au journal La Croix, salue pour sa part « une ode à la nature, critique d’une vision anthropocentriste et spéciste » qui saura « séduire la génération climat ».
Un récit de l’anthropocène.
Le doctorant en études culturelles et littérature comparée Gatien Gambin va même plus loin. Dans son article publié sur le site The Conversation, ce dernier estime que l’œuvre de James Cameron s’articule à un concept central du XXIe siècle : l’anthropocène, soit la période géologique actuelle dans laquelle l’humain est devenu la principale force de changement sur Terre et a provoqué des catastrophes environnementales inédites. D’après le chercheur, le film représente ainsi une critique des sociétés modernes et de leur relation au monde, notamment par la vision négative de la technologie qu’il porte. Dans Avatar 2, les hommes, contrairement aux extraterrestres, ne peuvent en effet survivre sans leurs machines. Pire, leurs bulldozers et leurs vaisseaux sont la cause d’une destruction massive de la biodiversité. Selon l’universitaire, à travers cette allégorie, James Cameron nous met donc en garde « contre les dangers et la déshumanisation qu’entraîne une domination technique du monde ».