Waterflower, musique sous champignons

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màj en mars 2024

La nature est partout dans l'univers musical de l’artiste lettonne Waterflower : de l'esthétique jusqu'à la façon de composer. Après avoir joué avec des plantes, cette Björk des bois donne de la voix aux champignons dans son dernier titre, Mycellium.

« Ici, tout le monde connaît les plantes et les arbres. Lors de la fête du solstice d'été, tout le monde fait des couronnes avec des fleurs des champs. Et on a une culture très importante de la cueillette de champignons. De la fin du mois d'août jusqu'à fin octobre, il y a des voitures garées partout aux abords des forêts. » Où ça ? En Lettonie, où vit la musicienne Waterflower, qui raconte la scène. 

« J'ai acheté mon premier synthétiseur de plantes en 2015 »

Son nom de scène floral en dit déjà long sur sa passion pour les végétaux. Un attachement qui lui semble évident, vu les liens ténus entre les habitant·es de son pays et la nature environnante. Dans ses premiers clips, les fleurs et autres branchages sont partout : dans ses cheveux, sur ses robes, dans les décors. « Geek » revendiquée et friande d'expérimentations électroniques, Waterflower s'est passionnée dès le début de sa carrière, au milieu des années 2010, pour les technologies « permettant de donner une voix à la nature ».

« J'ai acheté mon premier synthétiseur de plantes en 2015, se souvient-elle. C'était un projet vendu comme un instrument pour jouer avec des fruits et des légumes grâce à des capteurs. Mais j'ai eu une révélation quand j'ai vu un basilic dans le coin de la publicité : "Oh mon Dieu ! Je pourrais peut-être jouer avec des plantes ?"» 

Des instruments pas comme les autres

Les avocatiers qu'elle faisait pousser dans un coin de son appartement ont été ses premiers cobayes. « J'ai mis les capteurs et la sensibilité au minimum, j'ai choisi une sorte de son de corde pincée pour l'interprétation. C'était fascinant, je n'avais même pas forcément besoin de le toucher... ma propre chaleur créait un signal à mesure que je m’approchais. Ce qui m'a aussi impressionnée, c'est de parcourir la tige de plus en plus bas : le son s'aggravait, j'avais la sensation de pincer les cordes d'un violoncelle. »

Les sons des champignons ressemblent à ceux d'un modem d'ordinateur, à l'époque où se connecter au « world wide web » faisait du bruit.

Waterflower a continué ses expérimentations avec des perce-neiges, des palmiers... et dernièrement, avec des champignons. Tout est parti d'un cadeau d'anniversaire reçu il y a deux ans : un kit pour en faire pousser soi-même. « J'étais curieuse de savoir ce qu'ils allaient produire comme son. À côté d'une plante, un champignon, c'est un alien. » Et Waterflower a un petit faible pour tout ce qui a trait au bizarre. Elle a publié plusieurs vidéos où elle détaille son procédé. 

Fin juillet, elle a sorti « Mycellium (Step By Step) », un titre qui figurera sur un EP à paraître d'ici la fin de l'année 2022 sur le label anglais Cruel Nature. Elle a composé le morceau directement en forêt cette fois, un jour où les chanterelles étaient de sortie. Dans le clip, Waterflower apparaît comme une sorte d'elfe à la chasse aux sons des champignons. Ou une Björk des bois, partageant avec l'artiste islandaise un goût pour l'étrange tant sur le plan des sonorités que de l'esthétique écofuturiste. 

Dans ce titre, les sons des champignons ressemblent à ceux d'un modem d'ordinateur, à l'époque où se connecter au « world wide web » faisait du bruit. « Je voulais mettre en avant le fait que les champignons sont un réseau, au même titre qu'Internet », décrit-elle. En début d'année, Waterflower a en effet découvert une étude qui a amplifié sa fascination. Ses résultats laissent entendre que les champignons possèdent un langage, composé de stimulations électriques. Ils communiqueraient entre eux via des « mots » voire même des « phrases ».

Des « biodata » à la « pop bizarre »

Mais si l'expérimentation, c'est son dada – elle a d'ailleurs été nommée l'an dernier pour le prix du meilleur album expérimental aux « Victoires de la musique lettonnes » – Waterflower n'en oublie pas la mélodie. « Mon objectif n'a jamais été de composer uniquement une musique à base de plantes, comme d'autres personnes le font. C'est sympa, mais assez basique. C'est intéressant dix minutes tout au plus. » Ce qu'elle souhaite, c'est continuer à composer ses « chansons pop bizarres »

« À côté d'une plante, un champignon, c'est un alien »

Pour intégrer les végétaux à sa musique, elle emploie deux méthodes. L'une consiste à utiliser les plantes comme un clavier, en attribuant une note différente à leurs feuilles ou tige. Une technique très simple et « prévisible ». L'autre, plus complexe à maîtriser, consiste à exploiter leurs données biométriques, ou « biodata ». Grâce à un appareil comme Plantwave, elle mesure avec deux capteurs les capacités de conductivité en électricité d'une plante, à partir de ses micro-fluctuations en eau, le principal élément qui la compose. 

waterflower

De nombreux paramètres peuvent faire varier ces données : « J'ai remarqué que si on touche les jeunes feuilles ou les fleurs, le son est différent. Pareil si on tapote le sol près des racines ou si on touche la tige. Allumer une bougie dans la pièce provoque même des changements, à cause du dioxyde de carbone dans l'air. » Ces deux techniques lui donnent l'impression de « pouvoir jouer des plantes et en même temps de laisser les plantes jouer avec [son] matériel ». 

Passage compliqué sur scène

Le passage sur scène représente toutefois une épreuve. Une semaine après sa première expérience avec un avocatier, elle l'avait apporté en concert et cela n'a pas du tout rendu la même chose que chez elle. « J'ai compris que ce n'était pas possible de bouger les plantes et d'attendre d'elles quelque chose de spécifique. » Jouer avec des végétaux s'avère beaucoup plus difficile que de maîtriser un instrument : « C'est comme avoir un musicien qui joue d'un instrument à tes côtés, sans avoir de contrôle sur lui. Un jour, il joue d'une façon, le lendemain d'une autre, non seulement avec des notes différentes, mais aussi de manière plus ou moins rapide. »

Pour ses lives, elle utilise donc pour l'instant des astuces simples pour cadrer les sons, comme la première méthode de la plante utilisée comme un clavier, ou en fixant les notes sur une gamme spécifique. Parfois, les spectateurs et spectatrices ne comprennent pas d'emblée que les plantes produisent vraiment le son, alors elle les invite à la fin à venir essayer pour qu'ils fassent le lien. En bonne pédagogue de la voix des plantes.

Mais si la performance est clairement inscrite dans son ADN, le travail avec les plantes est avant tout un stimulant pour son processus créatif. Waterflower va donc continuer ses explorations pour ses futurs enregistrements. D'ici la fin de l'année, elle va multiplier les sorties en forêts pour enregistrer et continuer à comprendre les nuances d'expressions des végétaux. Afin de mieux les sortir du mutisme et rendre compte de l'étendue incroyable de leur palette vocale. 

waterflower

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Mathilde Doiezie
Mathilde est journaliste. L'écologie, c'est son dada, pour changer positivement la face du monde. La culture, elle en est gaga, pour affronter tout ça avec entrain.
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