Art + kombucha = Kombuchart !

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màj en mars 2024

Vous avez peut-être déjà croisé cette boisson fermentée en épicerie bio ou bar branché : le kombucha est à la mode. Mais saviez-vous qu’en plus de le boire, on peut se servir des éléments qui le composent pour créer des œuvres d’art ? Servez-vous un thé et installez-vous confortablement : c’est parti pour un tour d’horizon du Kombuchart (mot valise composé de kombucha + art, et inventé… par nous !).

Kombucha, kezako ?  

Le vin, la bière, le fromage, le kimchi, ou encore le kombucha, sont des aliments et boissons issus d’un processus de fermentation. Plus exactement, ils sont le résultat d’une transformation générée sous l’effet d’enzymes sécrétées par des micro-organismes, processus qui a sans doute été découvert accidentellement il y a bien longtemps, mais qui s’est avéré très utile pour la santé de l’espèce humaine.

 « Avec le kombucha, on développe de l’empathie pour une forme vivante qui n’est pas circonscrite, puisque l’ensemble du liquide est habité »

Lucile Olympe Haute

Dans le cas du kombucha, la fermentation naît du brassage continu d’une culture symbiotique de bactéries et de levures, que l’on appelle aussi scoby (pour Symbiotic Culture of Bacteria and Yeast). Si on lui fournit les bonnes conditions de température et de quoi se nourrir (simplement du thé et du sucre), le kombucha se régénère à l’infini, sous la forme d’une masse gélatineuse qui flotte sur le liquide. Au fur et à mesure de la création des couches, on peut en retirer pour créer de nouvelles souches.  

Kombucha de couleur orangé dans un bocal transparent
Kombucha © Klara Avsenik (Unsplash)

Le kombucha n’existe pas dans la nature. La rencontre entre les dizaines de bactéries et levures qui le composent a pu être provoquée par les humains. Quand ? On ne le sait pas. Certains parlent du médecin d’un Empereur chinois, d’autres de mongols nomades… Ce qui est sûr, c’est qu’il se passe de main à main, créant une chaîne de filiation que le Kombucha Sequencing Project propose d’éclairer via des analyses ADN de souches de kombucha du monde entier. 

Un « matériau » vivant, mystérieux et polymorphe : il n’était qu’une question de temps avant que les artistes et designers ne s’en emparent.

Elle te plaît, ma veste ? C’est du kombucha

L’artiste, designer et maker Vivien Roussel travaille le kombucha depuis 2015. En 2018, il crée avec l’association thr34d5 une blouse biomédicale intelligente à base de cellulose bactérienne de kombucha, appelée reGrow. Riche en antioxydant, elle peut aider à guérir certains problèmes de peau (brûlures ou cicatrisation), ou à diffuser des médicaments par voie cutanée.

veste en kombucha
reGrow © Surzhana Radnaeva

« Ce que je trouve intéressant avec le design prospectif, c’est qu’il tente de répondre à des problèmes de fond, liés à la crise écologique que nous traversons, avec des propositions esthétiques qui sont en même temps des solutions potentielles », indique l’artiste. La veste a été présentée en compétition internationale et a remporté un prix, mais elle est restée à l’état de prototype.

Car le kombucha (et plus largement les biomatériaux) remet en question notre lien avec les objets qui nous entourent, largement façonnés par des considérations industrielles. « On pense que notre t-shirt en coton est un produit « simple», il est en fait traité pour mieux réagir face à l’humidité et respecte de nombreuses règles. Le vivant est forcément moins facile à contrôler, et je ne suis pas sûr que les gens soient contents de porter un truc gluant sur le dos », conclut Vivien Roussel.

Ce qui ne signifie pas que l’industrie ne louche pas côté Kombucha. Des start-up comme Bucha Bio, ScobyTec et Kombucha Couture développent des produits visant à remplacer le cuir ou la soie à partir de nanocellulose bactérienne issue de kombucha. Pour Vivien Roussel, qui continue de travailler le kombucha et dont il tire notamment des bracelets et des portefeuilles résistants, ces industriels travaillent cependant avec des souches génétiquement modifiées, qu’ils développent en laboratoire. On est donc de retour vers un rapport instrumental, utilitaire, au vivant.

Humains + monde = symbiose

Ce qui fascine les artistes dans le kombucha, c’est précisément qu’il nous fait questionner notre identité. Sur l’axe biologique, l’espèce humaine est aussi une espèce symbiotique :  il y a autant de cellules dans notre corps que de bactéries (si vous aimez les chiffres avec beaucoup de zéro, 3,0.1013 pour les premières, contre 3,8.1013  pour les secondes). La spécificité de la symbiose humaine est peut-être son déploiement sur l’axe technologique. En effet, l’anthropologue américaine Amber Case considère que nous sommes tous des cyborgs, puisque les smartphones sont devenus une extension de notre main et de notre cerveau.

Kombucha dans des jarres transparentes éclairées dans la pénombre
Le bar à Kombucha et plantes 
invasives et médicinales - Collectif vivant.es. Image : ©Alexia Venot

C’est cette double tension qu’a voulu mettre en lumière l’artiste Lucile Olympe Haute pour son exposition à l'espace d'art Les Limbes, visible dans le cadre de la biennale internationale de Saint Étienne. Plusieurs œuvres à base de kombucha sont présentées, dont une « chambre de fermentation », où les visiteurs sont invités à réfléchir à leurs liens avec le vivant et la technologie. Assis dans une pièce à la lumière tamisée, face à deux  échelles de boulangerie contenant des culture kombucha en cours ou des celluloses séchées, sentant l’odeur un peu vinaigrée et fruitée du processus, une bande son invite à « pensez à vous même en tant qu’être composite » .

La parole à l’artiste : « Le kombucha est vivant, donc il y a cette notion de care, de soin que l’on apporte aux choses. On développe de l’empathie pour une forme vivante qui n’est pas circonscrite, puisque l’ensemble du liquide est habité. L’espèce humaine est devenue la force géologique la plus puissante de la Terre, avec un effet destructeur. À travers les œuvres de cette exposition, je voulais voir comment on pouvait imaginer d’autres types de rapport au vivant, pour sortir de ce rapport d’exploitation ».

À une époque où l’action humaine cause une telle perte de biodiversité qu’on parle d’une sixième extinction de masse, Jade Bianchetti a imaginé pour son projet « Nomad Care Stations » un monde où les bactéries seraient nos animaux de compagnie. Plus de chiens ou de chats, on noue des liens avec un scoby qu’on déplace partout avec nous dans un réceptacle adapté, et low-tech.

machine à faire de la poésie à base du comportement du kombucha
Gut-Machine Poetry (2017) © Jenna Sutela

Notre thé est fini, et notre balade dans les terres du kombucha s’achève. Les artistes, eux, n’ont pas fini d’explorer. On aurait encore pu parler kombucha et féminisme avec Maya Minder ou poésie kombucha assistée par ordinateur avec Jenna Sutela. Mais en vertu de l’attitude DYI (Do It Yourself/ Fais le toi-même) des artistes qui expérimentent avec le kombucha, on vous encourage à continuer le voyage… avec votre scoby de compagnie.

Crédit photo à la Une : Le bar à Kombucha et plantes 
invasives et médicinales - Collectif vivant.es. Image : ©Alexia Venot

Renée Zachariou
Renée est autrice et plume freelance. Elle écrit sur la technologie, les esprits et la nature.
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