Comprendre l'upcycling (1/3) : retour sur les origines d'une pratique devenue tendance

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màj en août 2024

Pratique idéale pour allier écologie et créativité, l’upcycling est devenue une tendance incontournable en quelques années. Il nous paraissait donc essentiel d'y consacrer une série d'articles pour tout comprendre de l'upcycling, de ses origines à son impact sur la mode actuelle. Au-delà d’une activité branchée, la transformation d’objets telle qu’on la valorise en 2024 est le fruit d’une histoire complexe, pourtant souvent ignorée. On vous la raconte dans ce premier volet.

Une hype sans précédent

Difficile de l’ignorer si on s'intéresse à la mode ou au design : depuis quelques années, l’upcycling est partout, des réseaux sociaux -#upcycling dépasse les 10 milliards de vues sur Tiktok- aux grands médias nationaux. 

Cette pratique, qui consiste à récupérer un objet, un matériau ou un vêtement et à les modifier pour leur donner une seconde vie, est particulièrement réputée dans la mode. Les marques indépendantes l'ont popularisée en faisant le buzz avec des pièces uniques et originales. Au point que des entreprises de fast fashion, comme Bershka, n’ont pas hésité à copier cette esthétique à grand renfort de jeans faussement patchwork et de coutures apparentes.

Après tout, il n’est pas étonnant que cette pratique cartonne : la majorité des émissions carbone des marques provient de la culture et transformation des matières premières. Sauter ces étapes réduit donc fortement leur impact environnemental. Cet argument est utilisé par les grandes marques pour faire du greenwashing (en produisant une ligne upcyclée par an tout en continuant à sur-produire du neuf à côté), mais c’est aussi une réelle motivation pour les marques soucieuses de leur impact. Cerise sur le gâteau : de nombreux artistes affirment que l’upcycling affûte leur créativité en les forçant à aborder le vêtement autrement. 

Des pratiques avant tout populaires

Le terme upcycling - ou “surcyclage”- a sûrement été inventé par l’ingénieur américain Reiner Pilz, qui n’était pas satisfait du traitement des déchets dans son pays. En 1994, il déclare au magazine allemand Salvo « Le recyclage, je l'appelle 'down-cycling'. Ce dont nous avons besoin, c'est de l’'up-cycling', qui consiste à donner aux vieux produits une valeur supérieure, et non inférieure ».

Mais avant d'être nommée ainsi et célébrée par les médias et influenceurs engagés, la transformation d’un vêtement pour lui donner une seconde vie est une pratique très ancienne. Notamment au sein des classes populaires, qui n’avaient tout simplement pas le choix de préserver au mieux leurs possessions.

Malheureusement, cet aspect de son histoire est souvent occulté lorsqu’on en parle. C’est un mécanisme classiste, où les gestes spontanément écoresponsables des classes populaires sont ignorés, jusqu’à ce que des classes plus privilégiées s’en emparent. Par exemple, on n’a jamais vu les parents d’une famille nombreuse être félicités pour la réutilisation des mêmes tupperware depuis 10 ans, mais les bocaux en verre zéro déchets à 10 euros sont massivement likés sur Instagram. Un phénomène regrettable, notamment quand des études estiment que les classes les plus pauvres sont les plus écolos

Le cas Kantamanto

Photo libre de droit - unsplash - date création : 20220

Un lieu illustre bien l’histoire complexe de l’upcycling comme pratique parfois imposée. C’est le marché de Kantamanto, dans la zone commerciale d’Accra au Ghana. Né dans les années 60, ce marché textile s’est peu à peu développé pour atteindre la taille de 7 hectares. Or, c’est devenu un lieu de prédilection du waste colonialism, une pratique où les pays dits “du Nord” envoient leurs déchets textiles à des pays comme Haïti, le Chili, le Ghana… 15 millions de vêtements sont ainsi expédiés chaque semaine à Kantamanto.

Cette quantité titanesque provoque des catastrophes environnementales et sociales : des porteuses sous-payées doivent par exemple acheminer des sacs de 55 kilos à travers le marché, ce qui leur provoque de graves blessures. 40% des vêtements envoyés au marché sont en si mauvais état qu’ils sont inutilisables et finissent dans des décharges et les plages de la région.

Cependant, les 30 000 artisans du marché font preuve d’une créativité époustouflante. Malgré l’état de nombreuses pièces, ils les récupèrent, les rapiècent et donc : les upcyclent. Chaque semaine, ils diffusent 6 millions de pièces sur le marché ghanéen. Le talent de ces artisans et leur avance sur leur temps a tardé à être reconnu par la mode, jusqu’à ce que des activistes s'en insurgent dans les années 2010.

En mai 2023, une délégation de vendeurs du marché s’est rendue au Parlement Européen et au salon Change Now à Paris. Leur représentant Solomon Noi y a déclaré : « Nous comptons sur nos impôts pour collecter des fonds pour gérer les déchets, mais les impôts vont à l'éducation et à la santé. Il ne reste plus grand-chose pour gérer les déchets textiles. Et pourquoi devrais-je travailler dur pour que mes impôts me permettent de me débarrasser de vos déchets ? Nous en avons assez. »

Comment l’upcycling s’est installé dans la mode ?

En parallèle de ce cas extrême et des pratiques populaires, ce sont aussi des prouesses de créateurs qui ont amené l’upcycling où il est aujourd’hui.

Avant même que le terme ne soit inventé par Reiner Pilz, le créateur Dapper Dan pratiquait l’upcycling dans les 90s. Dans son atelier à Harlem, il créait des vêtements à partir de pièces de contrefaçon de grandes marques en les transformant. Le résultat était si réussi qu’il est devenu une star : il est considéré comme l’un des fondateurs du style hip-hop afroaméricain aux États-Unis.

Photo libre de droit - unsplash - date création : 2020

Côté français, Jane Birkin a contribué à romantiser le raccommodage avec ses célèbres jeans pattes d'éléphants, auxquels elle ajoutait une pièce de denim quand ils s'abîmaient. Mais celle qui a officiellement amené l’upcycling dans la mode française est l’artiste, créatrice et performeuse Maroussia Rebecq. C’était en 2002, avec son projet Andrea Crews.

Lors d’une performance au Palais de Tokyo, elle a récupéré 5 tonnes de vêtements aux Secours Populaires, installé des machines à coudre et invité des gens à transformer cette matière. Ce projet collaboratif souhaitait porter un regard critique sur la surconsommation de vêtements, déjà présente à l’époque. 

Son approche visionnaire était pourtant ridiculisée, comme elle l’a raconté au micro du podcast Couture Apparente : « Quand je faisais de l’upcycling en 2004 et que j’allais voir les institutions, les gens me disaient ‘Tu viens du monde de l’art, tu veux faire de la mode et tu as un propos écologique ? Excuse-nous, mais ciao.’ C’était vraiment quelque chose qui paraissait impossible. » N’en déplaise à ces détracteurs, on constate 20 ans plus tard qu’ils ont eu totalement tort.

Pour découvrir l'épisode 2 de cette série sur l'upcycling, consacré à la jeune création, rendez-vous ici. Et pour l'épisode 3, dans lequel Carbo discute avec ANTI_FASHION c'est par ici.

Claire Roussel
Claire est une journaliste indépendante spécialisée dans la mode durable et les questions féministes. Elle a collaboré avec des médias comme Tapage, Gaze, NYLON et Marie Claire et produit le podcast Couture Apparente.
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