Filipe Vilas-Boas transforme la pollution en sérénade

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màj en mars 2024

On connaissait l’artiste franco-portugais Filipe Vilas-Boas pour sa capacité à interroger l’automatisation du monde et la place du numérique dans nos vies. Désormais, il questionne aussi les liens entre usage de la technique et crise écologique. Et met en musique nos plus grandes sources de pollution

Y a-t-il un meilleur lieu qu'un musée de l'histoire des techniques pour écouter Filipe Vilas-Boas nous raconter son travail critique sur les technologies ? Prétextant la tenue d'une exposition sur les transports au Musée des Arts et Métiers, nous nous sommes retrouvés pour une discussion-déambulation, durant laquelle l’artiste s’est improvisé guide conférencier. Moulins, horloges, gramophones, vélos, bouliers… l'échange est rythmé par le défilé de milliers d’objets emblématiques de l’évolution de nos sociétés à différents stades de sophistication. « Ce qui m’intéresse, quand j’observe par exemple le passage d’une des premières voitures, aux allures de cuisinière, à la voiture autonome, c’est de voir à quel point on a cédé du pouvoir aux machines, sans se demander si on avait vraiment les moyens en terme d'énergie et d'infrastructure pour le faire, nous confie l’artiste. C’est comme si, en confiant nos itinéraires, notre sécurité et notre confort à la machine, on lui déléguait aussi nos responsabilités ». 

Les litanies du périph’

Périphérique de Lyon, vue panoramique, plan fixe. Le trafic est plutôt fluide, et les sept voies qui strient l’écran semblent presque paisibles, bercées par une mélodie un peu chaotique mais étrangement agréable. À chaque voiture qui passe, une note de piano résonne dans la pièce, différente selon la file qu’elle suit. La partition sera probablement plus chargée dans quelques heures, lorsque la caméra de surveillance projetée en direct dans cette chapelle du 3ème arrondissement de Paris nous plongera au cœur des embouteillages de fin de journée, déployant une symphonie automobile tonitruante.  

Quitte à vivre dans le déni, autant que ce soit agréable : avec son Entropophone | La qualité de l’air, Filipe Vilas-Boas va jusqu’à bercer notre irresponsabilité avec une jolie nappe musicale.

Cet orgue de barbarie fait de bitume et de pots d’échappement raconte les questionnements de son concepteur sur la manière dont nous dégradons notre environnement : en se penchant sur l’histoire de la technique, l’artiste a été forcé de constater que l’arrivée massive des machines correspond à l’explosion des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et que la simple idée de progrès a suffit à légitimer bon nombre d’aberrations écologiques. Selon lui, cet aveuglement technocentré est responsable de notre manque d’ambition quant aux mesures à mettre en place pour réduire l’impact de la voiture sur le climat – à l’origine de 15 % des émissions de gaz à effet de serre de la France – soit la première source d’émissions. 

Quitte à vivre dans le déni, autant que ce soit agréable : avec son Entropophone | La qualité de l’air, Filipe Vilas-Boas va jusqu’à bercer notre irresponsabilité avec une jolie nappe musicale.  « C'est un peu comme dans Titanic : on est en train de couler, mais on continue de jouer » note t-il malicieusement. Le sujet de la pollution des voitures pourrait être abordé avec des données marquantes, que l’artiste connaît bien en tant que membre du collectif Air Citizen, mais les chiffres ne viennent d’après lui pas toucher au même endroit que ce que fait la musique. « Je m’intéresse de plus en plus à la manière dont la pollution nous affecte émotionnellement, confie-t-il. Quand on se retrouve dans les bouchons tous les jours, non seulement on respire un air affolant, mais en plus se sent prisonnier ! ». 

La pollution ici-haut

La combustion de carburant n’est pas le seul type de pollution que Filipe Vilas-Boas tend à transformer en sérénade : tout ce qui nuit potentiellement à notre bien-portance physique et cognitive est dans son collimateur. Dans son œuvre The Overview Effect, c’est le rayonnement des villes qui est visé : à partir de photographies de la planète prises de nuit par la NASA, un logiciel lit les points lumineux des métropoles. Cette partition cartographiée est une version évoluée du projet Star Tracks | L’Astrophone, pour lequel la caméra était tournée vers la voie lactée pour composer une mélodie cosmique tel un « orgue de célestie ». Difficile à dire si le vertige qui nous saisit est causé par le retournement à 180° ou le contraste entre la poésie des constellations et la pollution lumineuse. À moins que ce ne soit de comprendre que la consommation d’énergie colossale de l’Humanité est visible de si loin… 

« C'est un peu comme dans Titanic : on est en train de couler, mais on continue de jouer »

FILIPE VILAS-BOAS

Une chose est sûre : toutes ces villes vues du ciel ne disent rien qui vaille aux technologies utilisées par Filipe Vilas-Boas. Dans son nouveau projet à paraître Melanopolis, l’artiste soumet des cartes de la Terre vue du ciel à une intelligence artificielle entraînée à examiner la peau de patients et y détecter de potentiels mélanomes. L’algorithme diagnostique d’entrée la planète comme malade, aux endroits où les activités humaines sont les plus concentrées. Si le confort de la technologie semble avoir plutôt tendance à faire de l’ombre à ce qui devrait nous sembler prioritaire en matière de préservation de l’environnement, il existe au moins quelques nouveaux outils pour nous aider à mettre nos urgences en lumière…

À gauche : carte de la Terre vue du ciel et à droite : la carte soumise à une intelligence artificielle entraînée à examiner la peau de patients et y détecter de potentiels mélanomes. La seconde carte a une grosse tâche rouge au centre
Melanopolis, © Filipe Vilas-Boas

Photo à la Une : Entropophone | La qualité de l'air, 2022 © Filipe Vilas-Boas, code Michaël Guilhermet

Mathilde Simon
Mathilde est journaliste spécialisée sur les problématiques environnementales, les sujets artistiques et l'impact du numérique sur la société, le tout sous un angle résolument optimiste.
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