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Les entreprises ont un grand rôle à jouer dans la transition énergétique. La bonne nouvelle ? Depuis quelques années, cela commence justement à bouger de ce côté-là. Des changements incrémentaux mais aussi des ajustements plus structurels. C’est notamment le cas avec l’arrivée de l’European Sustainability Reporting Standards (ESRS). L’idée ? Faire de la comptabilité un levier pour mieux cerner les impacts de l’entreprise vis-à-vis de ce qui l’entoure. Pour être plus précis, l'ESRS est une norme de reporting sur le développement durable pour les entreprises. Mais, quels en sont les contours ? Les champs d’application ? Les limites ? Quelles entreprises sont concernées ?
Qu’est ce que l’ESRS ?
La définition
C’est l’acronyme de European Sustainability Reporting Standards.
Et plus concrètement ? L'ESRS est un ensemble de normes et d’indicateurs définis à l’échelle européenne (via la Commission Européenne) qui ont pour objectif de cadrer l'impact et le reporting des entreprises sur le sujet du développement durable. De plus, ces normes sont obligatoires pour toutes les sociétés dans l’Union Européenne soumises à la préparation d’états de durabilité (ce que l’on appelle les “sustainability statements”) selon la CSRD.
Et vis-à-vis du consommateur ou client final ? La volonté est d’avoir une qualité d’information plus importante et surtout une plus grande transparence de la part des organisations. Par conséquent, il s’agit ici de faire en sorte que la comptabilité des sociétés ne prennent plus seulement compte de la dimension financière, mais aussi de l’environnement. En d’autres mots ? Offrir une vision plus large, complète et pertinente.
D'ailleurs, cette norme cadre à la fois le contenu mais aussi le format de l’information de durabilité.
Les contours de ce nouveau standard
Cette démarche ESRS, dont la mise en oeuvre officielle aura lieu en janvier 2024, repose sur deux aspects incontournables :
- Les impacts des activités de l’entreprise sur les personnes et l’environnement
- La façon dont les questions de durabilité affectent financièrement la structure
Pour faire simple, l’objectif est de cadrer le sujet développement durable pour les sociétés. C’est un grand pas en avant. La comptabilité a pendant longtemps été centrée uniquement sur l’aspect financier. Aujourd'hui, nous allons vers une démarche qui vise à intégrer tous les impacts des activités de l’entreprise sur son environnement. La comptabilité sera ainsi un levier d’autant plus fort sur la stratégie. Cela permet d’avoir une vision complète, pertinente, adaptée aux enjeux à venir.
Un des piliers de la CSRD
La norme ESRS correspond à une section précise du rapport Corporate Sustainability Reporting Directive (une directive sur le reporting extra financier).
On y retrouve des informations variées comme par exemple :
- La définition des enjeux environnementaux à court, moyen et long terme
- L’impact des activités de la société sur ce qui l’entoure (environnement, hommes, etc…)
- Les enjeux liés à l’environnement et au réchauffement climatique
- Les mesures de lutte contre la corruption
- La diversité au sein des conseils exécutifs des entreprises
- Le respect de certaines valeurs (droit de l’homme, diversité, inclusion, etc…)
- Les mesures mises en place en lien avec l’environnement et indicateur de suivi
Ce ne sont pas simplement des chiffres, un rapport, un document à rendre. Mais, cette démarche vient en support des décisions stratégiques de l’entreprise. D'autre part, elle permet d’identifier les risques potentiels, de les anticiper, de déployer les moyens adaptés pour déployer de nouvelles solutions. C’est un élément qui sert à la fois en interne mais qui peut également être transmis aux parties prenantes (investisseurs, fournisseurs,partenaires, candidats, etc…).
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Quelles entreprises sont concernées ?
Pour le moment, elle est obligatoire uniquement pour les entreprises déjà soumises à la CSRD. Autrement dit ? Les entreprises dans l’Union Européenne ayant une masse salariale de plus de 500 personnes (en Europe, cela représente plus de 11 700 grandes entreprises et groupes).
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Quels sont les avantages de l’ESRS ?
Cette norme offre plusieurs avantages :
- Tout dépend si on voit le verre à moitié vide ou à moitié plein. À moitié vide, c’est une contrainte en plus à respecter. À moitié plein, c’est une façon de mieux comprendre les enjeux de l’entreprise (réduction des émissions, etc.) et de prendre ainsi de meilleures décisions stratégiques.
- De plus, cela permet d’avoir un cadre clair et cohérent ainsi qu’une base de connaissance à l’échelle européenne. Ainsi, c’est une façon de s’assurer que nous allons dans le bon sens. Par ailleurs, cela permettra à l’échelle internationale, de mieux analyser les avancées et d’ajuster ainsi plus précisément les mesures à venir.
- Cette démarche est également une façon de mieux mesurer les risques et enjeux futurs, et de les anticiper. En effet, l'organisation prend les devants et met en place les ajustements nécessaires dès que possible, plutôt que d’attendre d’être au pied du mur.
Quels sont les inconvénients de cette norme ?
Sans surprise, cette nouvelle norme implique de nouvelles exigences et la mise en place de moyens à la fois humains et financiers. C'est pourquoi, l’entreprise va devoir mettre en place un certain nombre de démarches afin de pouvoir établir le rapport et les informations demandées par cette norme. C’est en quelque sorte une mesure incitative, qui est pensée pour être bénéfique pour les sociétés..
En revanche, pour les petites structures, cela peut sembler à première vue être un poids supplémentaire. Demain, tout laisse à penser que ce sera simplement considéré comme la norme.
Quels sont les 3 enjeux pour les entreprises en termes de déploiement de l’ESRS ?
Cette nouvelle norme implique de nouvelles obligations pour les entreprises.
- Un audit externe : l’entreprise devra se conformer à un ou plusieurs audits afin de vérifier les informations transmises et la conformité des déclarations. Ainsi, cela implique une organisation claire, exigeante et transparente
- Une assurance limitée : dans un premier temps, les enjeux sont relativement faibles. En effet, il se peut que cela évolue ensuite vers une assurance raisonnable. L’European Sustainability Reporting Standards ne devra pas être simplement un nouveau reporting mais aussi surtout un levier stratégique pour leur performance opérationnelle et de durabilité.
- Une réflexion stratégique sur la comptabilité de l’entreprise : il s’agira de revoir l’analyse de matérialité, analyser l’ensemble de la chaîne de valeur, mener une analyse approfondie des « disclosure requirements » listés dans les ESRS. Ainsi, grâce à ces données, l’entreprise pourra identifier les points clés à fournir en termes d’impact, de risques et opportunités, d’enjeux stratégiques à moyen et long terme.
Zoom sur 12 premiers axes de l’ESRS
Tout d'abord, ces normes European Sustainability Reporting Standards ont été imaginées et proposées à la Commission Européenne par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) et adoptées le 31 juillet 2023. Voici un tour d’horizon des principaux éléments suggérés par l’Efrag, répartis selon le volet CSR (Social, Environnemental, Gouvernance).
Le volet environnemental
Zoom sur 5 mesures liées à l’aspect environnemental (d’où le E dans la classification) :
- E1 (changement climatique) : on se concentre ici sur les émissions de l’entreprise, la résilience au changement climatique et le plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). D'ailleurs, Carbo peut vous aider à la réalisation de votre bilan carbone, pour mesurer précisément les impacts de votre société.
- E2 (pollution) : identifier les polluants rejetés, les postes les plus émetteurs, les mesures à mettre en place pour les réduire et tendre vers un objectif zéro polluant.
- E3 (ressources hydriques et marines) : la consommation moyenne d’eau de l’entreprise et la pollution des zones d’eau dont elles sont responsables (le cas échéant, les indicateurs à suivre et mesures définies pour réduire cette pollution)
- E4 (biodiversité et les écosystèmes) : ce point permet de zoomer sur l’impact de l’entreprise sur son environnement et la biodiversité qu’il abrite. Ainsi, il est potentiellement plus complexe à définir mais pourtant essentiel. Il est possible de faire appel à des experts via une consultation externe pour être accompagné sur le bon cadrage de ce sujet.
- E5 (gestion des ressources et économie circulaire) : le type de ressources que l’organisation utilise et la façon dont elle s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire (ou prévoit de le mettre en œuvre).
Le volet social
Zoom sur 3 mesures liées à l’aspect social (d’où le “S” dans la classification) :
- S1 (effectifs) : il s’agit de préciser ici les conditions de travail des employés présents dans l’entreprise (rémunération, inclusivité, égalité, gestion des conflits, évolution de carrière, formation, etc.) ;
- S3 (communautés affectées) : on se concentre pour ce point sur l’impact éventuel sur les populations locales (résidents, travailleurs, organisations, infrastructures, etc…). On peut alors définir si l’impact est positif, négatif, et si des mesures sont à prévoir.
- S4 (consommateurs et utilisateurs) : l’entreprise a alors la responsabilité d’informer le consommateur final sur sa démarche, la conception de ses produits et/ou services (lieu de fabrication, matériaux, recyclabilité, etc…). Cela permet ainsi au consommateur d’avoir assez de matière afin de faire un choix en toute connaissance de cause.
Le volet gouvernance
Zoom sur deux mesures liées à l’aspect gouvernance (d’où le “G” dans la classification) :
- G1 (gestion des risques et contrôle interne) : ce point cadre les méthodes de direction générale de l’entreprise (salaire annuel des employés, politique pour les primes, avantages annexes octroyés, etc…).
- G2 (conduite des affaires) : l’entreprise a obligation de déclarer tout comportement considéré comme anticoncurrentiel (lobbying, corruption, fraude, blanchiment d’argent, etc…). C’est en toute logique un point sensible qui mérite d’être creusé. Pour le moment, cela reste assez vague. Pour être efficace, il faut le suivre de près.
🖐 L’efrag (évoqué plus haut) est un organisme en relation avec l’ISSB (International Sustainability Standards Board). Ce dernier a pour rôle d’élaborer les standards et recommandations en matière de développement durable à l’échelle européenne. Dans la même logique, un autre acteur à connaître ici est l’IFRS (International Financial Reporting Standards). C’est un organisme à but non lucratif chargé d'élaborer des normes comptables mondiales et des normes d'information sur le développement durable. Tous ces acteurs travaillent donc main dans la main sur le sujet.
Chronologie et prochaines étapes pour l’ESRS
Le projet du volet 1 ESRS a été adopté en juillet 2023. Les différents aspects se déploieront selon un calendrier qui s’étale sur 5 ans. Voici les principales échéances à date :
- 1er janvier 2024 : la norme entre en vigueur et devient obligatoire pour toute entreprise déjà soumise à la NFRD
- 1er janvier 2025 : la norme devient obligatoire pour les grandes entreprises non concernées par la NFRD et les grandes entreprises cotées hors UE (rapport en 2026 sur l'exercice 2025)
- 1er janvier 2026 : l’European Sustainability Reporting Standards devient obligatoire pour les PME cotées en bourse, y compris hors UE (rapport en 2027 sur les données de 2026). Il y a cependant une tolérance au délai de mise en place. Ces PME ont ainsi jusqu’à 2028 pour se lancer sur le sujet.
- 1er janvier 2028 : le champ d’action devient plus large et concerne également les entreprises situées en dehors de l’UE (à condition qu’elles aient une activité significative en Europe. Le “significatif” restant à préciser à ce stade.
Matrice de double matérialité : le socle à la base d’ l’ESRS
Pour se construire, le dossier est inspiré de la matrice de double matérialité.
Pour rappel, celle-ci précise que les entreprises devront communiquer sur :
- Les impacts de leurs activités sur les personnes et l’environnement
- La façon dont les différentes questions de durabilité les affectent)
En résumé, fondées sur une approche de double matérialité, ces normes standardisent les déclarations non financières des entreprises en traitant des questions ESG (Environnement, Social et de Gouvernance).
Que dit la Commission Européenne au sujet des normes ESRS ?
Le Set 1 de l’ESRS
Le premier Set de l’ESRS fut validé par la Commission européenne courant juin 2023 par le biais d’actes délégués. Pour le moment, l’approche définie est trans-sectorielle. Autrement dit ? Les règles proposées sont génériques et concernent tous les secteurs de la même manière. On parle également d’approche “sectoagnostic”.
L’avenir de l’ESRS
Dans un second temps, il y a des normes spécifiques à chaque secteur d’activité (on parle de « sector-specific »). En effet, il semblerait que se préparent 12 normes de ce type, répartie en trois axes :
- En lien avec le volet environnemental
- ESRS E1 sur le Changement climatique
- ESRS E2 sur la Pollution
- ESRS E3 sur les Ressources aquatiques et marines
- ESRS E4 sur la Biodiversité et les écosystèmes
- ESRS E5 sur l’Utilisation des ressources et l’économie circulaire).
- En lien avec le volet social :
- ESRS S1 sur les Employés
- ESRS S2 sur les Travailleurs dans la chaîne de valeur
- ESRS S3 sur les Communautés affectées
- ESRS S4 sur les Consommateurs et les utilisateurs finaux.
- En lien avec la gouvernance : ESRS G1 sur la Conduite responsable des entreprises.
🖐 Toutes ces normes sont en cours de finalisation. Il est prévu qu'on l'a valide à horizon été 2024. En effet, les choses sont déjà en cours de discussion et devraient s’accélérer très prochainement.
Le développement durable : levier stratégique de demain
Pendant des dizaines d'années, le volet financier était celui déterminant les axes de développement de l’entreprise. Et si cette norme était le signe d’une évolution radicale : demain, est-ce que le volet environnemental sera celui au cœur de la prise de décision des entreprises ? Au vue des enjeux liés au réchauffement climatique, ce serait un signal très positif.
Nous surveillerons le sujet et vous tiendrons au courant des évolutions.