So good MAIF Festival : l’art engagé, entre guêpier et opportunité

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màj en octobre 2024

En 2024, s’engager, c’est encore et toujours… déranger un peu. Mais pas que ! Quand l’engagement revêt ses habits de fête, il devient capable de déplacer des foules… et des montagnes. Ceux qui en parlent le mieux, ce sont les artistes et professionnels de l’événementiel. On les a rencontré·es et écouté·es au So good MAIF Festival – qui se déroulait fin septembre – on vous raconte.

« Les sujets liés à l’écologie sont toujours considérés comme militants. Mais vouloir parler de nos conditions de vie sur Terre, c’est du militantisme ? On vit dans un monde parallèle... ». Nous sommes samedi 21 septembre en milieu de matinée, dans un auditorium bien rempli à la Friche de la Belle de Mai, à Marseille. Pour ouvrir la première journée grand public du So good MAIF Festival, Paloma Moritz, journaliste écologie et société du média Blast, donne le ton de l’époque aux côtés de ses pairs. À l’issue des échanges, dans le public, une personne attrape le micro et résume : « Si je comprends bien, aujourd’hui, ce qu’on appelle un sujet engagé, c’est surtout un sujet qui dérange… ».

Faire de l’engagement un sujet qui embarque au lieu de braquer, c’est justement le leitmotiv du So good MAIF Festival. Tant pour en discuter – via des tables rondes et des rencontres –, que pour s’y employer directement – via des concerts, des performances, et de l’humour. 

Table ronde « Quand les médias se mobilisent. Non ? Si si, c'est possible » avec Paloma Moritz, Sylvia Amicone et les étudiantes de l'EJCAM

Émotions fortes

Alors, qui serait bien capable de donner – ou redonner – ses lettres de noblesse à l’engagement ? La programmation du festival commence par déboulonner quelques candidats. Les médias ? Pas facile, quand on sait que « 90% sont aux mains de grands groupes et d’industriels », comme le rappelle la fondatrice du média Maintenant Aix - Marseille, Frédérique Jacquemin, assise à côté de Paloma. La télé alors ? Pas mieux. « La télévision est utilisée à mauvais escient pour nous pousser à consommer et pour polariser l’information », rappelle sur la table ronde suivante la comédienne Lucie Lucas (Clem, TF1), qui sait de quoi elle parle puisqu’elle y passe depuis dix ans. « On pourrait imaginer que la télé nous inspire, renchérit Élodie Varlet, actrice dans Plus Belle la Vie. Mais la télé, c’est surtout Hollywood, l’obsession mascu, la culture du viol, et l’amour des machines ». Autrement dit, pour l’engagement vers un monde meilleur, on repassera. 

Table ronde « Comment je fais passer mes idées », avec Le Bruit Qui Court et Maxime de Rostolan

Et si ce qu’il fallait, finalement, c’est de toucher les gens dans leur intimité et leur émotions ? « Moi, je me suis mise en mouvement parce qu’on m’a secoué les tripes », raconte Julie Pasquet, cofondatrice du collectif d’artistes engagé·es Le Bruit qui Court. En avril 2023, le collectif a joué sur le terrain des émotions en créant un canular géant faisant croire que Total allait lancer la construction d'un oléoduc géant au milieu de la France. Une manière de sensibiliser – à la dure – sur le fait qu’un projet de cette ampleur est actuellement en route en Ouganda. « L’idée, c’était que les gens ressentent juste pendant 24 heures des émotions d’une grande puissance », raconte Julie. Surprise, peur, mais aussi joie, voire euphorie : le collectif multiplie les happenings pour faire battre les cœurs des citoyens et citoyennes sur des sujets liés à l’impact. Assis aux côtés du collectif sur la scène au festival, l’entrepreneur écologiste, militant et lobbyiste Maxime de Rostolan hoche la tête. « Quand je demande aux gens pourquoi ils foncent tête baissée dans les projets que je monte, ils me disent que c’est parce que mon enthousiasme est contagieux ».

Comment faire palpiter ?

Bref, qui dit approche sensible dit émotions, et qui dit émotions… dit imaginaires, art et culture. Dans la grille de programme du festival, chaque temps fort mêle discussion « sérieuse » et interventions d’artistes ou d’humoristes pour rendre la réflexion plus digeste. Les libellés des sessions, eux, sentent la recherche de fraîcheur et de légèreté : « Comment je suis moins teubé en arrêtant de gaspiller » (avec Too Good To Go et l’humoriste Micka), « Comment je plante des arbres partout si je veux » (avec des spécialistes des forêts et l’humoriste Fabien Gaudioso) ou encore « Comment je mesure mon putain d’impact carbone perso » (avec l’Ademe et l’humoriste Damien Debonnaire). 

En milieu d’après-midi, une session intitulée Réchauffe l’ambiance, pas la planète, prend le sujet à bras-le-corps : que peut vraiment la culture pour l’impact ? « Il y a des gens qui ne lisent pas les rapports du GIEC, mais à qui on peut faire passer des émotions avec de la musique, commence Olivier Covo, créateur du label à impact positif Mangroove Music, assis sur scène. Après tout, les oreilles n’ont pas de paupières et, comme disait Wagner, le pouvoir de la musique commence là où s’arrête celui des mots. ». À ses côtés, Cédric Carles, fondateur de l’Atelier 21, abonde : « Quand on se demande par exemple comment faire découvrir aux gens les énergies renouvelables, moi je réponds : en les mettant dans les fêtes ! ». Et c’est justement ce qu’il a fait, en lançant dès 1999 tout un réseau de sound-systems hybrides fonctionnant à l’énergie solaire et musculaire. « On organise des rave parties avec des systèmes son moins polluants que des groupes électrogènes et on installe des vélos générateurs d'énergie dans l'espace public et auprès des artistes. C’est une manière de faire vivre une expérience et de raconter des choses ».

Table ronde « L'art engage. Quand l'émotion prend le relais pour avancer », avec Lucie Lucas, Élodie Varlet et Ronan de la Croix

Séparer l’humain de l’artiste ?

La voie de la culture engagée n’est pas un long fleuve tranquille pour autant, et les invités du So good MAIF Festival n’hésitent pas à partager leurs galères. S’engager, c’est ainsi parfois devoir refuser, précisent les organisateurs du festival marseillais Le Bon Air qui ont choisi de déprogrammer le DJ I Hate Models pour ne pas cautionner la décision de l’artiste de venir au festival en jet privé. « Au moment d'appuyer sur le bouton du communiqué de presse annonçant l’annulation, ce n’était vraiment pas facile, racontent Anaïs Monaco et Jules Duchmann, les organisateur·ices. Il avait choisi de faire ce qu’on appelle un double-booking : jouer deux dates le même soir, une chez nous et une en Allemagne. On comprend la stratégie, mais sur des cachets à plusieurs dizaines de milliers d’euros, ce n’est pas lucide ». Attaché à trois valeurs-piliers – inclusion, écologie, artistique – le festival est aussi parfois amené à refuser des partenariats avec de grands groupes privés, « ce qui implique de refuser de gros chèques ». Mais il y a aussi de belles surprises : lorsque les organisateurs ont choisi de mettre les repas carnés à la porte du Bon Air Festival pour passer à 100% d’alimentation végétarienne, « ça a été très bien reçu par le public ».

La bonne nouvelle, c’est qu’en 2024, l’engagement écologique et social du secteur culturel et artistique devient progressivement une évidence. « La question de la responsabilité de l'artiste ne me fait plus peur, explique le musicien Simon Henner (French 79) dans le fauteuil d’à-côté. Depuis le troisième album, j’ai plus de public, je peux me permettre de prendre certaines décisions. D’ailleurs aujourd’hui, c'est même presque devenu une mode ». Au micro, le modérateur des échanges glisse une aparté : « Vous ne l’avez pas vu, mais le rider de Simon (liste de besoins transmise par l’artiste à la salle de spectacle qui l'accueille, ndlr) ressemble plus à un rapport d'engagement de développement durable qu’une liste de caprices de stars ». 

La nuit tombée, les festivaliers partent digérer les leçons de la journée en ondulant devant les sets de Marina Trench, Hoshi, Rim’K, Kid Francescoli, Bagarre et French 79. Peut-être les regardent-ils d’un nouvel œil. En milieu de soirée, avant que Mathieu Hocine (Kid Francescoli) ne monte sur scène, un jeune homme prend le micro et déroule un discours enflammé mais sérieux sur l’importance de l’engagement. À peine son dernier mot prononcé, un tonnerre d’applaudissements monte de la foule. Sans doute la meilleure preuve – par l’image – du pouvoir de la fête.

Millie Servant
Millie est journaliste et rédactrice en chef. Elle défend un journalisme écolo, joyeux, sans anxiété ni techno-solutionisme.
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